Présages des mésanges
A Jean-Claude Xuereb
Epinay, Dimanche, 22 novembre 2008
Sur la fenêtre une petite mésange
A fait dans mon enfance un trou sa maison
De papier emplit ma mémoire de rumeurs
Dont j’écrirai les présages au passé ivre
D’un temps où aucun poète ne meurt
Si je ne crains pas passante les saisons
Sur la fenêtre une petite mésange
Moissonne pour me rejoindre le chemin
Sans rien qui dérange sa ronde rusée
D’hier jaune et bleue comme avant elle mange
La pomme de Noël rouge que j’ai posée
Dans le panier dessus les fruits morts que givre
La rosée pour elle à dix ans je joue demain
Avec des grains de blé je glane nos heures
Comme avant l’hiver a le goût de muscade
Encore ardent déjà la porte de la cave
Ouvre loin face aux vents de Pointe Pescade
Et que le messager d’Ombla couvre de bave
D’or nos mots notre monnaie de pur échange
Chaque page était écrite avant que je vienne
A traîner dans une rue obscure d’Alger
Jeune fiancée ton histoire et la mienne
Aussi sous la djellaba blanche demeurent
Errant entre les tôles des bidons mangés
De rouille au creux d’un petit trou pour les mésanges
Dérision de nos vies charmées de chardons
Vifs au jour la fenêtre bleuit les fournées
D’oiseaux que la mer apporte comme un don
Salé à nos paumes d’enfants des mégapoles
Nues quand rue Elysée Reclus la destinée
Roule galets nos fruits mûrs dans la fange
Vertige du présent en quête de bonté
Dans les yeux des poètes passent des images
Futures le grand corps couché de l’été
Témoigne d’une coupure d’un forage
Ravissant nos mots au seuil des nécropoles
Saignent le soleil signe ton nom Yahia
Au bord des barreaux une petite mésange
Inquiète surveille le couteau que l’hiver
A planté comme avant dans les fruits et comment
Est-elle arrivée jusque-là ? Il y a
Les arbres à rêves qui poussent à l’envers
Des livres qu’effeuille avide mon tourment
Au fond du cachot une petite mésange
Traverse l’ombre où tu veilles comme avant
Sur la beauté bienheureuse des lampes elle
Volette elle boit ta salive mange
Le pain frais de ton silence comme avant
A nos fronts les étés te sont fidèles
Sur la terrasse une petite mésange
Fait dans la page de ton poème son trou
Elle ouvre bleue une fenêtre vers la mer
Blanc le burnous de ta jeune fiancée quand
Chaque nuit tu m’emmènes Yahia comme un frère
Au bout du môle guetter graves les fous
Qui cherchent dans la vase douce des oranges.