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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 17:53

do bô le secret sort

“ L’hippopotame vit dans l’eau mais il sort pour boire la rosée. ”

      

      Ba la mère en Bamanan se prononce comme Ba le fleuve et les eaux portent dans leur ventre toutes les histoires du fleuve. C’était à un de mes retours d’Afrique… Tripoli… Dakar et le bras du Cap Manuel à la pointe sud avec son bracelet turquoise d’océan… Bamako… Tombouctou… Gao… Mopti… ou ailleurs. C’était au début du mois de juillet le meilleur moment pour mettre les grains dans les trous aux champs du côté de Ségou la ville et son royaume la maîtresse des grands balanzans bleus où j’habitais dans une maison de pêche Bozo sur une île du fleuve Niger. Je n’aurais pas dû quitter mais y avait tous les signaux qui me disaient de revenir. C’était le début de l’hivernage les petits insectes ont viré au rouge et les termites bouffent les tiges de mil et de riz desséchées alors la pluie va se ramener. Alors les épis se dresseront et Kounsouli tête basse comme on dit du gros mil à cause du poids des grains va nourrir les greniers c’est bon les marmites n’auront pas faim. Aouah ! Aouah !

Si le sable a crié ici parce qu’il a tant plu c’est qu’il est temps de partir. Nous autres les voyageurs il nous faut un endroit où revenir déposer les totems témoins de notre errance aux pistes des savanes et entre les arbres huitriers des bolongs tenant terre par les chevelures racines. Une maison de briques ou d’écorce où nous reposer du geste brut de l’arrache qu’on recommence aussi souvent que le lever de l’aube pour les usiniers. Si nous n’avons pas de morts debout chefs de villages et de tribus pas de tisserands de la parole au dedans du corps des grands baobabs nous avons les morts couchés et les tables de pierres des tombes de granit.

Avant que la décadence commence pour les pommiers du verger qui fait friche à fournées d’oiseaux et qu’on entame la chasse aux griots dehors de leur chair d’arbres vivante le lieu de l’enfance et ses royaumes c’était celui‑là. A chacun de mes retours dans la maison familiale dont ma mère laisse les clefs au fond du trou de la pierre du seuil je m’accroupis au rebord de la chambre de Mémé la guetteuse sentinelle obstinée derrière le carreau brumeux. Dès le bout de la rue je devine son visage de veilleuse immobile avec sa peau tissée des scarifications que je retrouve partout. Mémé est une squaw une indienne black qui attend la mort sacrée comme une déesse édentée et furieuse des années à fourbir la sueur ouvrière avec son tambourin et sa canne d’acacia bleu ça va chauffer ! Aouha !

Chez les peuples Dogon le jour du marché est le premier jour de la semaine et le compte y est de cinq cailloux dans la jarre du temps qui nous fait cinq jours à la semaine et revoilà le jour de marché. A chacun de mes retours une fois fait escale à la porte que les petits dieux païens d’ébène gardent de l’absence je raccroche mon hamac dans la pièce vide que la combure folâtre du ciel dénude juste en‑dessous du lucarneau. Ici pas d’odeurs comme y a souvent dans les recoins où les vieux sont restés vieillir longtemps. Mémé elle avait l’odeur de pomme dans sa peau de roseu à force elle a chipé la transparence des émaux anciens les blancs craqués fragiles sur les bûchers sans fin. Ici ça ne sent que les noix roulées du noyer prophète aux nouvelles radieuses par la tribu des écureuils. Je réhabite le royaume pour une nuit que Khonsou le lunatique me met de côté pétillante de mousse argentée. Suspendue je refais la route qu’avec grand‑père Antonin conducteur de locos qui se faufile au milieu des champs de falots violets mille fois nous avons tracée à bord des trains du réseau Nord.

Et le taxi qui m’emporte au mausolée où Mémé sème la pagaille parmi les peuples des oiseaux nocturnes… Aouha ! Aouha ! Aouh ! Aouh !… ne se doute pas des trophées fous et diaboliques que je camouflais au fond des poches de mon vieux cuir. Dire qu’y a toujours eu beaucoup de femmes dans ma vie c’est le rien dire. Mémé et moi on a signé un pacte dont Anubis le chacal qui avait pesé son cœur est le gardien et en poussant le portail grisaille délavé qui m’enfonce au bout des doigts ses petites dents ferraille pointues je vois sa silhouette s’éparpiller en sarabande de gouttes laiteuses. Le cimetière au bout de son chemin de boue fantôme de brume familier qui ne va pas ailleurs servitude des champs de betteraves rosissant la terre est prévenu de notre approche par la troupe des hiboux mes serviteurs. On a allumé en notre honneur une vingtaine de feux follets bienveillants comme des lampes.

A suivre...

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