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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 15:48

                   Petites chroniques d'une cité de banlieue suite...
Epinay, jeudi, 1er mai 2008  Promesses de Mai

“ j’étais tout simplement ivre. et l’ivrogne a mis le cap sur son port d’attache. mais plus je marchais et plus j’avais de mal à retenir mes larmes. et bientôt ç’a été le déluge alors que la pleine lune éclairait la Nouvelle-Orléans. quand elles ont cessé, je pouvais encore les sentir qui séchaient sur mon visage, qui me tiraient la peau. une fois chez moi, sans allumer, j’ai retiré chaussures et chaussettes, et je me suis écroulé sur mon lit que ne partagerait jamais Elsie, ma sublime pute noire, m’efforçant de noyer mon chagrin dans un sommeil de plomb. au réveil, je me suis demandé quelle serait la prochaine ville et à quoi ressemblerait mon prochain job. puis, je me suis levé et, renfilant chaussettes et chaussures, je suis sorti m’acheter une bouteille de vin. les rues m’ont paru laides - un constat que je fais assez souvent. l’urbanisme a été inventé par les rats et les hommes, et le pire est qu’on est condamné à y vivre et à y mourir ! mais comme le dit un de mes amis : aucune promesse ne t’a été faite et tu n’as signé aucun contrat. et voilà comment j’ai poussé la porte du marchand de vin.

et comment ce fils de pute s’est à demi penché sur son comptoir, dans l’attente de mon fric puant. ”

C.Bukowski Journal d’un vieux dégueulasse, Ed. Grasset, 2007

 

Ça n’est jamais facile d’écrire à partir de l’espace de la cité celui que vous connaissez j’vous en cause souvent vous savez ? surtout un jour de la fête des travailleurs vu que des travailleurs dans la cité celle-là comme les autres y en a de moins en moins et surtout quand on ressent comme moi trop souvent qu’y aurait vraiment autre chose à faire qu’écrire pour qu’ici ailleurs partout dans le monde de ceux qui triment et qui se font bien leurrer lanterner trimballer les choses elles changent enfin… elles bougent elles explosent pour qu’avec tous ces morceaux on bricole quelque chose qui soit pas cette forme gluante où on est tous pris terrible depuis… depuis quand ?

Vous vous souvenez l’année dernière cette époque à peu près pile un an quoi… au mois d’avril 2007 juste avant que les liens du monde des dominants se resserrent un peu plus autour de notre cou la souricière quoi c’est bien ça l’image qui cause… qui étrangle… vous vous souvenez ce printemps-là de la cité il est pas loin un mois d’avril fabuleux qu’on avait eu le camarade soleil il nous embarquait à bord de son navire saoul complet des fleurs des parfums des géants arbres de la forêt qui remplissaient les parkings bitume de leur frénésie verte tous les verts qu’on veut y avait à la fois et la douceur de l’air et cette sorte d’enthousiasme qui ressortait de sous ses vieilles frusques râpées fripées déchirées de lassitude et de dégoût…

Ouais cette atmosphère de renouveau de la conscience populaire qu’y a des choses à faire ensemble que c’est possible que ça nourrit l’espoir qu’on a de se parler de se connaître de s’échanger… C’était un moment où on la sentait très fort la puissante la généreuse énergie vitale des gens d’la cité portée par le souffle des vents d’ailleurs cet échange ce va-et-vient qui permet d’entrer-sortir de notre territoire et de faire cause commune avec celui des autres… des autres cités des autres banlieues des autres villes des autres campagnes des autres mondes…      

Il y avait eu le premier mouvement vous vous souvenez ? la cérémonie des merguez juste en bas pas loin de l’escalier de notre block dans la rue de Marseille ils avaient fait ça bien les jeunes maghrébins l’étalage la bonne odeur de friture quelqu’un de la cité qui avait prêté le barnum parce qu’il faisait chaud déjà les arbres et leur verdure épaisse le bon refuge la nature aussi qui s’y mettait du coup…

Ils s’étaient installés à côté du cercle des palabres le banc en béton circulaire qui invite c’était le début de c’qui aurait pu devenir la vraie fête autour des thés à la menthe des verres de soda frais on le sentait ça mijotait gentil ces choses-là on n’sait jamais comment ça commence mais c’qui est sûr c’est qu’il faut que l’envie qu’on a enfin de prendre le monde dans nos mains cette force de l’émotion et du désir passion de bouger d’agir de foncer soit soutenue embarquée par le vaste mouvement de ceux qui peuvent faire le lien avec d’autres luttes donner du sens à tout ça faire monter les utopies à la surface de la marmite et que chacun y plonge à pleins bras pour que ça existe dans le réel…
A nous le mouvement spontané l’élan la force vive la joie la poésie la rencontre le feu et à eux les mots pour nommer l’élaboration solidaire du projet le recul la mise en œuvre de la conscience commune…

Au printemps de l’année dernière il y avait comme à chaque fois que quelqu’un fait semblant de reprendre le flambeau de la révolte populaire des révolutionnaires de 1789 de 1848 des Communards du Front Popu des étudiants et ouvriers de Mai 68 le sentiment parmi les gens des cités que quelqu’un de l’extérieur politique intellectuel artiste quelqu’un d’engagé et de solidaire était prêt à relayer leurs luttes toujours les mêmes depuis des années pour le respect de ce qu’ils sont pour l’accès au même savoir aux mêmes rêves à la même réalité à la même humanité que ceux qui ne sont pas d’une banlieue d’une cité de la périphérie de quelque part… cet espoir que le passage serait enfin un jour possible entre le centre et la circonférence où ils sont où ils se voient relégués cantonnés agglomérés et d’où ils peuvent de moins en moins partir…
En regardant ce matin dans la douceur du printemps qui s’est installé sur notre cité au milieu des fleurs des grands marronniers les jeunes installer à nouveau le barbecue dans le cercle des palabres et préparer la première cérémonie des merguez de l’année entre eux sans tellement s’occuper des Turcs sirotant leurs petits verres de café assis à quelques pas sur des chaises posées à même l’herbe et le bitume en face du bistrot turc qui s’est ouvert y a peu une cinquantaine causant les uns les autres ni des Blacks à quelques pas de l’autre côté en train de bricoler leurs voitures sur le parking en riant et parlant fort je songeais que l’accès au même savoir et à la même vie ils allaient bientôt cesser de les revendiquer dans les cités d’ici…

 A force d’en être exclus par les autres ils allaient définitif s’en exclure eux-mêmes se tirer de tout c’qui fait qu’on peut coexister dans une même société parc’qu’avec son histoire ses origines ses fragments de cultures métisses multiples on s’invente une langue commune on participe à l’évolution dans des directions différentes d’une civilisation partagée et à celle du pays paysage où l’existence devient meilleure pour la population qui ne cesse de se métisser et de s’enrichir de ces mélanges incroyables… Ouais… ils allaient balancer tout ça comme ils avaient déjà commencé à le faire à Clichy-sous-Bois et à Villiers-le-Bel à la figure des nantis des dominants et de leurs laquais de leurs bouffons et qu’alors…

En les regardant paisibles et sans la moindre allure guerrière au pied de notre block je pensais à ce que disait P.Bourdieu aux jeunes du Val Fourré au cours d’une soirée de vive très vive discussion en 2003 dans une des salles de la cité où l’ambiance était à la colère à peine contenue au ras le bol de ces “ intellectuels ” qui viennent parler “ aux gens des cités ” comme s’ils entraient dans un zoo persuadés qu’ils sont que ces lieux sont des sortes de réserves où une vie primitive grouille incohérente violente insensée… Je songeais à ses paroles face aux jeunes éducateurs issus de l’immigration qui réclamaient avec juste véhémence une fois de plus l’égalité réelle que jamais aucun Etat ne donne à ceux qu’il désigne comme “ les habitants des ghettos ” de toutes les formes de ghettos qui lui permettent de faire en sorte que la population ne trouve jamais son unité : “ ne refusez pas le savoir c’est le manque de savoir qui a tué les mouvements ouvriers… ne vous en privez pas car sans lui vous ne pouvez rien contre ceux qui veulent vous dominer vous asservir… ”

Et je songeais aussi en ce beau mois de Mai de 2008 qui vient juste de se pointer des pattes à toutes celles à tous ceux qui dans les banlieues il y a un an à peine exception faite pour la nôtre le 9-3 et pour le 9-4 un peu aussi ont voté pour ceux qui depuis des années depuis des siècles les manipulent les exploitent les excluent comme s’ils n’avaient rien appris qu’on ne leur avait rien légué de ces combats ouvriers quand la zone était rouge et que les maires de banlieue prenaient leur part aux révoltes aux projets collectifs aux utopies de ceux parmi lesquels ils vivaient et que leur idéal était ouvert et généreux…

Il y a 40 ans en ce beau mois de Mai de 1968 en refusant le savoir des maîtres du vieux monde nous avons inventé le nôtre qui voulait résister à la misère au fond de laquelle nous sommes aujourd’hui pris au piège… En regardant les jeunes de notre cité d’Orgemont dans le rayonnement joyeux et léger de ce premier jour de chaleur printanière je me demandais ce que nous avions bien pu rater dans la transmission de notre savoir révolutionnaire et poétique ce que Bourdieu avait fait avec une telle justesse d’émotion fraternelle au Val Fourré ce soir-là et une telle colère généreuse… et s’il était encore possible de nous rejoindre et de partager à l’intérieur du cercle des palabres les cerises vermeilles de la cueillette nouvelle la révolte 40 ans après des promesses de Mai que nous avions faites et que nous portons en nous comme un talisman de jeunesse infinie…

A suivre...
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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 23:13
             Petits chemins de banlieue
Petit chemin le long de la Seine à Genevilliers direction le Parc de Chantereine
Et buisson d'églantines
      On oublie souvent que la banlieue c'est aussi un endroit où on vit à côté d'une nature qui n'a pas complètement disparu loin de là et qui occupe des espaces très vastes bien qu'on l'aie peu à peu recouverte de cités et de parkings de voies express et d'entrepôts...
     Ouais la nature et ses buissons d'églantines sauvages ses ronciers bourrés de mûres violettes ses coquelicots ses rives de Seine ou de Marne avec saules pleureurs aulnes
peupliers... et toute la faune qui y grouille et s'y planque est là et bien là pour nous autres qui créchons dans la périphérie heureusement !
      Et si au lieu de ne causer que de la ville bidon on profitait de la chance qu'n'ont pas les parisiens et que nous autres on a de ses p'tits chemins creux ses rives des grands fleuves ses forêts ses parcs géants ses promenades et tous ses endroits vraiment jolis à découvrir style petits bistrots au bord de l'eau petits trains et étangs aux canards et aux cygnes qui viennent nicher... hérons gris et cormorans noirs... ça serait une façon de lui dire qu'on est heureux de vivre là... 
      Donc l'ami Louis et moi ça fait un moment qu'on a décidé des balades improvisées dans notre 9-3 pour commencer vu que tout ça on le fait avec nos pieds et les transports un peu aussi des fois et on vous a préparé des micro reportages avec photos de nos découvertes tout près de notre cité d'Orgement à Epinay d'abord et puis plus loin comme Petit Poucet avec ses cailloux blancs...
      Sûr qu'on va en faire des rencontres de recoins insolites et d'images extras alors on vous en fera profiter et à vous aussi de nous envoyer vos trouvailles si vous voulez... Comme ça d'un bout à l'autre de nos déambulation on va refaire une carte de la banlieue avec rien que des endroits qu'on aime et qui font du rêve !


Marguerites et coquelicots mêlées à des giroflées
et des herbes folles le long du Pont d'Epinay
      Donc on est partis à l'aventure sous un soleil de Mai qu'on a pas vu depuis un an au moins direction le Parc Départemental de l'ïle Saint-Denis où on va souvent quand il fait beau avec l'idée de pousser jusqu'à l'autre rive de la Seine...
      On a donc traversé au Pont d'Epinay et on est descendus par un escalier qui prend à même le Pont vers Genevilliers et on s'est retrouvés au début d'un petit chemin et d'une piste cyclable qui partent à gauche vers on n'sait où on n'y est pas allés encore et à droite qui s'en vont rejoindre le Parc de Chantereine le plus grand parc du coin y paraît...



Début du chemin vers le Parc de Chantereine au Pont d'Epinay

      Autre plaisir de cette ballade pas ordinaire un petit train qui fait tout le tour du Parc et qui va jusqu'à son terminus qui est notre point de départ à nous à côté du Pont d'Epinay...       
      Les horaires du petit train sont affichés et on apprend même qu'il y a des jours où on a droit à une vraie loco à vapeur comme les grosses !     
      On est ravis de regarder le conducteur manoeuvrer pour venir placer la petite loco devant les wagons après l'avoir entendu actionner son sifflet à chacune de nos promenades sur l'autre berge dans le Parc de l'ïle Saint-Denis... enfin on sait quelle bouille il a !



Le petit train 
  
 et son aiguillage à la gare de départ d'Epinay 
      
      On a suivi la voie du chemin de fer qui s'enfonce douce dans de buissons d'églanines roses et blanches des aubépines qui sentent trop bon avec petites berges couvertes de pâquerettes et du côté de la Seine on longe les berges avec saules et tout une végétation folle qui cache des tas de rafiots en train de vieillir tranquilles au fil de l'eau...
 
Aubépines qui embaument

la coque de la Josée un peu en rade
      Un peu plus loin en descendant par un petit escalier tout près du fleuve qui a des reflets gris-bleu et verts très doux cet après-midi on découvre l'endroit caché au milieu des roseaux et protégé de notre curiosité d'humains du nichage d'un couple de cygnes dont les petits viennent de naître... A quelques pas de nous le mâle surveille qu'on ne s'approche pas !

              





Le cygne mâle qui nous épie du coin de l'oeil



  La femelle en train de couver derrière une barrière de roseaux

     
     La ballade est douce le long du chemin frais entre les roseaux et on finit par trouver l'entrée du parc sur notre droite pendant que Louis remarque sur le plan que c'est vraiment un parc très vaste et que probable on n'aura pas le temps de faire le tour vu que le petit train ne nous a pas attendus !
      Un peu fatigués et ivres de soleil et de parfums on se retrouve dans un géant espace d'herbes et d'arbres ou tous les p'tits des cités alentour se coursent avec des bouteilles d'eau pour s'arroser tellement il fait chaud dans une ambiance de dimanche d'été avec les familles maghrébines blacks pakistanaises srilankaises and so on... qui surveillent alongées sur l'herbe pendant que des jeunes sur un banc on allumé le narguilé... Nous on se pose à l'ombre d'un arbre après avoir vérifié que c'est vraiment immense on n'a plus le courage d'aller au-delà... 




Enfin le Parc de Chantereine ! 

 Le petit train s'en va sans nous mais promis la prochaine fois je vous raconte la suite...

Alors si vous trouvez comme nous que notre banlieue elle est vraiment très class ne vous en privez pas !

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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 12:38
                        Petites chroniques d'une cité de banlieue
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Mardi, 26 février 2008  De là d’où je vous cause…

 

Bon… vous allez vous dire que je ne travaille pas à mes petites chroniques de notre cité de banlieue sérieusement et que ça fait plus d’un mois que j’n’ai pas écrit la suite de nos histoires que vous avez l’air de bien kiffer car j’ai vu que cette rubrique-là vous la cherchez souvent dans les pages de nos Cahiers des Diables bleus ou dans celles de notre blog… sûr c’est vrai qu’ça fait plus d’un mois et que des choses il s’en passe rue de Marseille et dans toutes les rues de la cité d’Orgemont d’un bout à l’autre de Macadam black… C’est clair qu’j’ai pas d’excuses et pourtant si… Faut vous dire qu’j’ai marné comme jamais sur le début des aventures de notre Ratkail le p’tit personnage qui s’est pointé juste au moment où les deux gamins se sont faits démolir à Villiers-le-Bel j’étais dedans mon récit à donf c’t’à-dire que j’l’avais réécris pas moins de dix fois à cause de la langue qui n’passait pas…

 Ouais… vous allez m’dire qu’c’est pas une excuse… mais là j’vous arrête parce que quand on écrit justement et qu’on veut l’faire sans la ramener pour les gens qu’on voit tous les jours en allant acheter le pain chez l’boulanger marocain ou ceux qu’on croise au super marché voleur et dans les transports… notre 154 notre autobus des brousses vous savez ?… on a pas l’droit d’écrire des machins qui sont bricolés littéraires et compagnie pour faire chicos et qui ne s’enroulent pas à l’intérieur de la vie des gens et de toutes les sortes de langages qu’ils bricolent inventent maginent avec la musique terrible et sorcière des quantités d’paysages d’où ils sont venus et qu’ils ont trimballés avec eux sur le bout d’la langue…

Ça non on n’peut pas… alors Ratkail lui il tombait pile poil au fond d’la marmite poisson riz épices et compagnie qu’on touille et retouille dans notre block les escaliers en sont sacrément parfumés d’cette chanson et je lui avais laissé m’raconter la nuit assise à la table près d’la fenêtre au-dessus des grands arbres j’vous en cause souvent ils me font rêver et les jeun’s en bas dans le cercle des palabres je les écoute et tout ça fait ensemble le langage qu’y a dans mes petites chroniques… Son histoire à Ratkail c’était celle d’un gamin d’la cité et elle était drôle et légère et insouciante et terrible comme ça s’fait quand t’as 15 piges et qu’tu retrouves tes poteaux sur le trottoir d’la tess’ et qu’on s’fabrique l’existence pas celle des vieux la nôtre cousin la nôtre !…
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Ouais mais ça n’s’est pas déroulé du tout com’ac alors là faut toujours que les keufs ils s’arrangent pour nous ramener une salade pas fraîche un dimanche en plus ils l’ont mijotée leur affaire et les deux p’tits frangins qui sont morts dans cette plaisanterie-là ils avaient pas demandé qu’on leur vole leur vie qu’on leur rapte la lumière le soleil les coquelicots des terrains vagues les filles avec leurs yeux absinthe et la fête… Sûr qu’dans toutes les cités d’la banlieue on avait la rage vu que des p’tits qui font la course avec des motos dans toutes les rues de toutes les tess’ y’en a plein dans la notre aussi et alors on dirait que les grands donneurs de leçon ont jamais joué à se faire peur ils ont jamais joué à rien ils ont jamais joué !… Même mômes c’était des vieillards mais pas nous autres… à l’époque on avait que des mobs un peu pourraves des bleues qu’on trafiquait formidables on les kittait pour qu’elles fassent un tintamarre de casseroles l’épouvante des bourges quoi !…

Et on roulait avec comme des oufs de mômes des banlieues qu’on était et on s’éclatait bien alors !… Pas la peine de nous la ramener sur la délinquance des p’tits aujourd’hui et qu’ils sont fils d’immigrés et qu’ils écoutent pas et qu’ils sont pire que jamais… Alors là j’vous assure que nous autres on est pas des fils d’immigrés mais des enfants d’ouvriers tout c’qu’y a d’plus gaulois et qu’à c’moment de notre géniale jeunesse on a joué comme des diables avec les mobs les vespas les bécanes que tous les gamins des cités et leurs rodéos c’est rien à côté de nos délires d’alors !… Et comme je vous l’disais y a quelques chroniques de ça j’en connais des fils de la banlieue bien rangée celle du Raincy Montfermeil Aulnay-sous-Bois Les Pavillons etc… des enfants de bons citoyens à l’aise et normaux adaptés qui ont fauché des bécanes et se sont envolés avec alors les donneurs de leçon Hop !…

Pour vous dire que tous mes poteaux et moi aussi on s’était fait coursiers dans c’temps-là les boîtes de course à course ça fleurissait pareil que les boîtes d’intérim et on gagnait cent fois ce qu’un p’tit va se faire dans un Macdo crasse et on était libres comme le vent du printemps et on fonçait zig-zag entre les caisses d’un bout l’autre de la banlieue c’était d’enfer bon !… La période dont j’vous cause c’est celle où le circuit Carol il n’existait pas tu parles… C’était à Rungis que les poteaux qui avaient une bécane allaient défouler leur rage de n’pas pouvoir s’tirer direction les espaces qu’on avait tous matés dans des films comme Easy Rider et j’peux vous dire que nous aussi on allait jusqu’au bout d’la mort…

J’me souviens du copain avec qui on a grandi dans notre escalier qui s’est morflé sur cette piste à pavés trop lisses et à bidules béton n’import’naouac… J’peux vous dire son prénom j’lai pas oublié… il s’appelait Mario… Mario il est jamais revenu de Rungis et il a emporté un bout d’notre enfance avec lui… Tout ça pour vous expliquer que c’qui se trame maintenant à l’intérieur des cités d’banlieue c’est la même qu’alors et que l’ennui et l’manque d’idéal se sont pas améliorés pour trois sous et que les gamins ont le même désir de vivre formidable qu’on avait… La mort ça fait partie du jeu quoi et pour traverser ça faut qu’les autres nous on leur en donne envie me semblerait…
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Ratkail du coup il s’est fait embarquer dans la riposte des keumés et des jeunes de Villiers-le-Bel et son histoire elle était un peu moins ouistiti dans les grands arbres d’la cité… son histoire j’l’écrivais aussi pour les deux p’tits et pour Mario mais je n’voulais pas qu’elle soit triste vu que dans nos banlieues si on n’garde pas la vitale présence et la rigolade on n’s’en tire pas… Mais quand même parmi les frangins qu’ont trinqué ric-rac aux tribunal des flags… y en a eu un qui m’a trop fait râler pas possible… vous savez je vous en ai déjà parlé le p’tit qui a ramassé des paquets d’bonbons tirés dans une boutique et qu’a pris comme ça 3 mois pour le plaisir… Joyeux Noël !…

Alors là ça y’était c’était lui le héros d’mon histoire parc’que de faire trois mois de zonzon pour avoir tiré des bonbons c’est un truc que tu n’peux pas imaginer quand tu as un peu plus de 50 balais et que t’as connu des temps où on était emmenés aux flags pour avoir réussi un casse sévère mais des bonbons !… On avait bien raison dans nos seventies de se battre pour l’insoumission totale et civile aussi contre le service militaire… Y’a pas que l’armée qui aligne des déserteurs de 18 piges et qui les descend pan pan pan pan pan !… Bon mais là j’vous perds avec mes détours et ce qui m’a fait prendre mon stylo cette nuit pour vous causer c’est que le début de l’histoire de Ratkail heureusement que j’l’ai bouclé sinon j’aurais encore tout à refaire !…

La suite de c’qui s’est passé à Villiers-le-Bel vous la connaissez comme moi et c’est là que dans nos cités de banlieue y faut qu’on s’laisse pas aller à des trucs qui nous démolissent et qui sont pas regardables… Proposer du fric à des gens des cités à des gens… pour qu’ils balancent les autres y’a pas besoin de regarder au-delà c’est la pire des choses qui peut nous tomber dessus à nous qui vivons ensemble nombreux et dans notre territoire qui est pas exactement c’que les keufs et les bouffons qui n’connaissent pas en pensent et en voient… Le mot territoire à moi il m’a toujours bien causé avant que j’le trouve dans les mots du philosophe rebelle Deleuze vu que quand on est né dans une cité d’banlieue on sait très bien c’que ça veut dire « notre territoire »…

Quand ils ont entassé nos darons et nos anciens là-dedans par centaines en s’disant vite fait que c’était pas important le lieu où tous ces gens allaient vivre s’aimer avoir des enfants et vieillir ils ont rien réfléchi et ils ont pas écouté ni entendu personne… Ils croyaient rien ils s’en moquaient bien de la vie qu’ils auraient nos vieux… et si le mot de territoire c’t’un mot qui va bien avec les animaux c’est aussi un mot qu’est proche des artistes et des créateurs pour vous dire qu’c’est un mot très beau qui nous parfume la peau et nous donne de sa dignité et ouais !…
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         La tess’ d’Orgemont c’est notre territoire d’enchantements de révoltes de colères d’utopies et de vie quotidienne douce et brutale c’est tout ça comme celle de La Cerisaie c’est celle des gens de Villiers-le-Bel qui y crèchent vu que ce sont des espaces où on des des centaines et plus à devoir apprendre à vivre ensemble sur très très peu d’place je vous l’dis… essayez donc pour voir vous autres et vous comprendrez ce que c’est qu’un territoire et comment c’est précieux et pas simple de l’partager…

Bon… je vous développerai l’affaire dans le prochaine petite chronique avec des exemples de notre existence au quotidien mais là c’que voulais nous dire à tous c’est que dans nos territoires même si on rentre et on sort comme on veut vu qu’on est reliés au monde malgré tout c’qu’on raconte dehors à ce sujet on doit continuer de préserver nos rapports de voisins de frangins de bonne entente et tout ça qui n’concerne que nous vu que ceux qui refilent des idées vraiment dégeulasses de délation ne seront jamais parmi nous et qu’il n’ont pas la moindre intuition de c’que c’est notre réalité sur le territoire de la tess’… Non… faut pas que la haine et la rage on la retourne contre nous comme on sait faire nous autres vu que balancer c’est juste ça pas plus !… Y’a rien aucun prétexte aucune idéologie aucune morale à deux balles qui peut justifier ce genre de truc et c’est par là qu’on deviendra étrangers à nous-mêmes et à notre respect de la dignité que nos vieux ont défendu avec leur peau à l’époque où la banlieue était de la trop chouette couleur rouge des cerises de Mai… pigé frangins ?… 
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A suivre...    

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4 février 2008 1 04 /02 /février /2008 23:12
                                                                        Lui c'est Ratkail...

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             Lui c’est Ratkail…

Il a eu 14 piges au trou avec ses potes les chauve-souris aux ailes noires qu’il mate le soir par l’rectangle grillagé direction le ciel quand ça démarre l’gros cafard que t’exhibes surtout pas sauf avec les rats aussi là tu peux… juste avant qu’il apportent leur bouffe infâme dans les gamelles septiques comme leurs gogues et comme leurs yeux pareil… Les chauve‑souris elles l’ont pas lâché et les comètes parfois oui parfois non ça dépend d’la brume… tout c’qu’il a eu là-d’dans c’était elles… 14 piges au début de c’t’année 2008 qu’a trop mal démarré avec les trois mois fermes qu’il s’est morflés…

Il a dégringolé à donf dans la section pour mineurs d’la zonzon les paluches poisseuses de caramels et juste des p’tits deals de rouquines fumantes à l’entrée du RER… Marlborough… Marlborough…

Trois fois rien pour s’faire un peu d’blé… d’la bonne graine qui pétille au fond d’tes poches et qu’tu refiles aux magasins d’fringues avec un grand frangin pour la débrouille…

Ouais… il a fêté ses 14 piges en bas vautré sur la planche métal qui t’caille jusqu’aux bouts des arpions roulé à l’intérieur d’la couverture bleu sahara pareil qu’l’uniforme des matons…

La couverture elle a pris l’odeur de pisse d’la cellule malgré l’rectangle d’air où y’a ses frangines les chauve-souris aux ailes noires qui dansent en s’arrosant d’étoiles plein feu au creux d’leurs mirettes c’est chouette !

Ses poteaux les guerriers féroces les killers aux guns aussi sûres qu’les flingues aux flammes courtes des maîtres de l’ombre ils l’ont laissé béton pourtant dans les tribus de la tess’ on est pareils qu’les renards d’la même nichée… Les trois mois au gnouf ils ont cramé l’souvenir des jours où ils traînaient ensemble à dealer du rêve et à tagger leur animal totem sur la peinture gris pourri des halls…

Lui c’t’un rat d’Papouasie qu’il a repéré à la téloche dans l’gourbi d’ses vieux avant la tôle… un géant d’rat total black sauf la tronche tatouée de feu le poil luisant hérissé vas-y faut voir la classe qu’il a c’rat !…

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Lui c’est Ratkail…

Il a 14 piges… mais avec la zonzon il a vécu bien plus vous comprenez ?… D’abord Ratkail c’est pas son blaze… Le nom qu’son daron a raturé en tirant la langue comme il faut sur les pages du registre qu’est maquillé des empreintes des doigts d’ouvriers où y’a des tas d’blaireux à binocles qui fouinent il sonne encore pire qu’Mohammed ou qu’Ismaël…

Son nom alors le vrai celui qu’son daron lui a refilé au milieu des blazes prestiges des keumés d’la tess’ c’est Jean-Noël !… Jean-Noël !… c’est trop la honte !…

Faut dire qu’son vieux il aimerait mieux n’pas l’connaître… ouais faut l’dire… Y’a pas un daron pire que l’sien dans toute la cité alors là il peut en causer… Le sien il fait l’vigile dans un super marché où y’a des produits que pas un rat s’nourrit avec même pas ceux des gogues d’la zonzon qu’ont l’poil doux et frais comme l’eau des ruisseaux !…

Du coup dans la tôle avec les chauve-souris aux ailes noires qui sifflaient des vraies folles d’l’autre côté des barreaux pendant qu’ils lui apportaient la gamelle où il avait dû neiger dedans vu qu’c’était toujours froid et l’goût y’en avait pas lerche son daron il s’est jamais pointé… C’était sa vieille qui lui ramenait un peu des choses comme elle pouvait alors chez lui maintenant qu’il est dehors il y va qu’pour dormir tout juste…

 

Lui c’est Ratkail… il a 14 piges et son blaze il l’a eu en zonzon d’la part d’un mec black aussi p’tit qu’un tabouret qu’était là depuis dix berges et qui connaissait l’histoire du rat géant d’Papouasie…une bestiole sacrée là-bas chez lui et qu’a jamais eu peur des hommes… Il doit pas en fréquenter souvent des hommes qu’il se dit Ratkail en filant un coup d’tatanes dans la barre métal de la rampe d’escalier ça fait du bien… Ouais et ben lui son nom maintenant il le garde c’est clair !…

Dans l’fond il entend les ailes noires froissées des chauve-souris à l’intérieur d’l’ascenseur en rade et comme il se tourne pour essayer d’les mater y a la porte du hall qui lui gicle de l’air verglacé sur les chevilles… Y’a quelqu’un qui s’pointe… ça fait un drôle de couinement… ric… ric… ric… il s’retrourne rapide en zonzon il a appris la méfiance terrible et les frôlements même pas des bruits il les entend tous…

Face de lui qui s’tient immobile pareille qu’une vieille idole rafistolée d’une tribu indienne y’a une grand-mère qui l’reluque en rigolant sur son dentier pourri et un gros chariot à roulettes avec sa caisse en osier tressé par-dessus… ça déborde de bazar pelures cochonneries les uns dans les autres… Elle a les tiffes qui lui pendent rouges comme celles des vieilles arabes et au bout des mèches elle a mis des grosses perles en terre vertes jaunes rouges avec le foulard palestinien autour du cou sur une veste et un pantalon en peau à franges… y lui manque plus qu’les plumes qu’il se marre Ratkail pour de bon…
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- Salut cousin !… elle dit en zézayant un peu sur le “ S ”… tu tombes bien…

- Ah non hein !… il crie Ratkail sans s’lever du milieu de la marche 4 en matant la vieille qui fixe sur lui ses yeux aussi rusés qu’ceux d’un renard… vous allez pas m’demander d’vous aider à monter votre saloperie d’chariot et tout c’fouttoir !… L’en n’est pas question allez zouh !…

- Eh cousin c’est toi qu’est sorti y’a une semaine de la zonzon c’est bien ça ?… Elle continue à l’reluquer les deux poings sur les hanches un vrai cinéma mais Ratkail faut pas lui causer com’ac !… C’t’un chef de tribu et il fait trisser un paquet d’clopes vide direction d’la tête de la grand-mère en criant :

- Dégagez d’là vous entendez !… Allez dégagez !… dégagez !…

La vieille esquive d’un geste habile le paquet d’clopes et elle hausse les épaules en faisant le tour d’sa carriole il distingue son visage dans la lueur blanche qui vient d’la porte… elle a pas d’rides elle est peut-être pas vieille au fond… c’t’un carnaval ou quoi ?…

- Tiens file-moi une clope ça m’arrangera j’ai pas fumé depuis c’matin que j’suis partie d’Sarcelles et j’ai pas déjeuné non plus…

- J’vous file rien du tout et vous m’touchez pas sinon j’vous remballe vous et votre chariot pourri d’l’autre côté d’la cité vite fait !… Ratkail en disant ça il hésite un peu quand même il pense à sa darone…

Au lieu d’s’en aller la vieille s’approche encore et devant les yeux ahuris de Ratkail elle s’assoit sur la marche 4 à côté d’lui en l’poussant même pour se faire d’la place… Allez vas-y passe moi une clope sinon Calamity Jane va s’servir frangin !… Tu sais ça m’fait pas peur j’en ai vu d’autres des costauds dans ton genre depuis que j’traîne ma carcasse dans les cités d’banlieue !… Même les keufs qui m’laissent tranquille alors tu vois…
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                               A suivre...

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25 janvier 2008 5 25 /01 /janvier /2008 01:16
                                   Lui c’est Ratcaille…

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Lui c’est Ratcaille…

Avant tout c’qui s’est passé il créchait dans une cité d’Villiers-le-Bel ça vous dit quelque chose ?…

L’est assis sur la marche 4 de l’escalier du block des lézards celui qu’ils ont barbouillé de peinture verte d’océan sur l’fond gris ferraille du ciel… Sur c’fond-là lui semble qu’il voit des chauve-souris qui battent des ailes tout l’temps en criant… et des étoiles qui tombent du ciel quand il devient black…

L’est assis et autour ça grouille et ça s’dégringole de bestioles qu’il connaît pas depuis l’renfoncement où y a l’ascenseur qui leur sert de cabines d’essayage pour leur peau luisante et lisse comme des prospectus… C’est bourré d’odeurs là-d’dans entre l’renard et l’réglisse… c’est noir et c’est pas des rats…

Les rats il les repère bien il a vécu avec dans sa cellule c’était des potes rigolos qui sentaient les ruisseaux frais… Vous savez cette odeur qu’on oublie pas quand on l’a reniflée… Ils sortaient l’soir du trou des gogues avec leur p’tit costume de laine impec et ils pieutaient contre lui…

Non… c’est pas des rats et ça prend des formes étranges quand ça s’approche et ça disparaît… Ici on est tous des animaux il se dit en frottant son nez d’ses deux poings fermés…

L’est assis rez-de-chaussée plein milieu chef de tribu largué par les siens. Faut l’contourner pour passer ça énerve les bouffons qui n’fricotent pas avec les animaux de l’ombre mais ils le laissent à cause d’la bande des p’tits qui ont la ruse des chats zébrés rouquins jaune pâle les griffes toujours dehors et pas guimauve…

Les p’tits ils pourraient leur faire carotte leurs lacets pendant qu’ils sont à tenir la queue des caisses du super marché… Ils leur passent entre les pieds s’insinuent faufilent et fauchent à l’intérieur d’leurs paniers plastique rapides le chocolat et les brownies avant d’se tirer sur les planches de skate par les tapis volants qui zigzaguent bout à l’autre du magasin direction les sous-sols parkings… ils connaissent comme le fond d’leur cagoule et Hop !…

Lui ses poteaux sont des guerriers aux armes pourraves et aux iris rimmel brumés de fumée café noir… Ses poteaux ils connaissent les trucs de la rue mieux qu’personne et les barbares avec leurs guns ils les reniflent au radar pareil les chauve-souris aux ailes noires…

Ça grouille ça s’dégringole ça vient d’là-bas elles crèchent planquées au fond d’l’ascenseur il est sûr que c’est elles et depuis qu’il est sorti d’la cellule de la zon-zon elles le suivent partout… l’ascenseur d’ce block où il s’assoit vu qu’la porte du hall elle est ouverte il est en rade… y’a pas longtemps qu’il se la joue plus montgolfière c’est dommage… Le ciel il aimait bien et sa mangrove d’étoiles…

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Lui c’est Racaille… faut suivre si vous voulez pas nous perdre… elle est un peu tordue son histoire mais il l’a pas voulu… alors maintenant il reste assis ailleurs que dans sa cité c’est mieux…

Cette fois il avait trop exagéré… même les chauve-souris elles ne s’fourent pas dans des situations qu’elles ne peuvent plus s’en tirer après du sac en peau de lune… même pas et pourtant elles sont aveugles…

Ouais… cette fois il avait joué les mômes et sorcières elles ont mordu à pleines dents la gorge de la nuit avec des cris d’un qui a pas fini de mourir et cézigues il avait continué…

Ses poteaux ils l’ont largué planté pas réclamé et ses vieux non plus après qu’il se soit fait pécho en train de ramasser les paquets étincelles papier argent et couleurs d’enfer bourrés d’bonbons un magot à s’remplir les fouilles habitées d’courants d’air et qu’il soit passé devant les méchants guignols des flags…

- Vol avec recel… trois mois fermes !… il a jappé le juge sapé femelle l’estomac qui lui remontait les bretelles…

Sûr qu’pour les sucreries il jeûnait pas le lascar… il devait s’en envoyer plein le cornet d’ses goûters parties avec ses frangins…

 

Lui c’est Ratcaille…

L’est assis sur la marche 4 de l’escalier du block des lézards son bonnet enfoncé par-dessus ses yeux deux billes de menthe sombre vissées profond plein milieu d’une tronche de raton laveur dessous d’la capuche du sweet renoi tellement trop grand qu’il a la dégaine des burnous de laine louche des vieux rebeus…
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          Avec ses genoux remontés le baggy blue lui soude les Converses qu’il a rêvées blanches aux carreaux pétés du sol y’a que le bout qui dépasse pour dire que c’est ses arpions et que lui c’est un keumé… un chef de tribu un vrai… C’est plein d’bouts d’mégots cramés par terre qui le prouvent…

Et la tribu des cousins tous des killers d’étoiles au sang froid des fracasseurs des crameurs de mondes barbares où la lave jamais elle s’arrête de bouillonner elle n’est pas loin…Pour ça qu’il n’reste pas dans l’secteur d’sa cité il préfère… Vous comprenez ?…

La différence entre lui et le tronc d’arbre post Hiroshima où repoussent vertes des p’tites feuilles après les cendres ou un sac poubelle que des mésanges blacks ont crevé pour s’pieuter léger y en a pas…

C’est les autres qu’ont fracassé la vitrine et les paquets d’bonbons brillaient éparpillés sur le parking…

- Trois mois fermes !… Ça vous apprendra qu’un paquet de bonbons volé on ne le ramasse pas !… Il a sifflé ce plouc avec sa chetron picorée de paillettes vérole comme la lune il l’oubliera pas…

C’est comme ça qu’ils font les vieux il se dit en refilant un bon coup de poing aux tiges d’acier d’la rampe ils causent à ta place et après ils t’abîment à cause que tu n’leur réponds pas… Lui il s’en tape depuis la zon-zon le silence c’est bon pour lui…

C’qu’il veut maintenant s’tirer d’ici… Quitter la tess’ c’est possible… toutes les tess’ du quartier il a pas peur… il a appris au milieu des ailes des chauve-souris noires…

- Trois mois fermes !… il a sifflé ce plouc en matant ses pieds… il arrêtait pas d’reluquer ses baskets écailles de serpent argentées… Jamais qu’il en avait vu des cam’ac l’bouffon !…

C’est la première chose qui l’a fait hurler en tôle il a dû laisser ses baskets écailles argentées sur le p’tits tas des fringues son Jean et son sweet à capuche… Alors là t’es plus personne quand tu t’sapes avec leurs fringues ripou tu deviens caméléon et tu t’fais une carapace couleur muraille et tu glisses pfuitt… pfuitt… entre les parpaings…

Non… t’es plus personne pour personne…
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A suivre...

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15 janvier 2008 2 15 /01 /janvier /2008 20:50

                                                        Petites chroniques
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Mardi, 15 janvier 2008  La bonne année quoi !…

 

Dire qu’on est à la moitié du mois de janvier et que je n’vous ai même pas raconté notre façon de fêter la bonne année dans nos cités de banlieue ! Faut vous dire aussi que depuis la fin de l’année justement la fin de l’autre année on a été pris dans une sorte de tourbillon de mots et d’images qui voletaient partout et qui formaient des gros tas style feuilles mortes mais pas question de les laisser emporter on n’sait où dans la brouette du balayeur avec son habit plastique fluo pas maginable sur une autre planète qu’ici…

Ha ! c’est vrai qu’ici c’est plus des balayeurs mais des ouvriers de surface ou un truc dans le genre… donc fallait rattraper tout ça qui se trimbalait sur les parkings de notre cité d’Orgemont et des autres cités aussi bien sûr… mais nous on est avantagés les cousins vu que comme je vous le raconte aussi dans l’histoire d’Epinay notre “ belle étrangère ” grâce au Comte de Lacépède qu’était un Monsieur qui s’occupait des animaux comme Buffon si vous voyez on a des géants arbres maîtres de la forêt un peu partout et ils nous protègent !

Alors donc les feuilles de nos Cahiers des Diables bleus très endiablées en cette fin d’une année qu’on est pas prêts d’oublier nous autres dans les cités de banlieue se faisaient la malle de parkings en halls d’escaliers et en petites ruelles tortillardes qui existent toujours de ci de là au fin fond de cette vieille ville du cinéma que ça a été Epinay comme vous savez… Elles carapataient direction les bords de Seine grande vitesse et on avait qu’une peur l’ami Louis et moi c’est que la grand-mère qu’on a rencontrée un soir du côté du parc de l’Ile qui vendait des marrons rôtis qu’elle faisait sauter sur une énorme poêle à trous une vraie au-dessus de son feu de bois qui avait bricolé des braises orange et vermillon avec des nuances de sang rubis clair nous les chipe au passage nos pages pour rallumer son foyer…

Fallait pas hésiter même s’y’avait un p’tit zéphir de givre qui nous la coulait pas trop douce par-dessous les oreilles sous la casquette de laine de Louis et qui nous chahutait les doigts de pieds à l’intérieur de nos baskets et si c’était presque déjà la teuf des petites loupiotes qui font des clins d’œil d’allumage et d’éteignage complices sur les façades de nos blocks ça commence quand c’est vraiment la nuit presque tout l’temps et ça nous la rend féerique notre cité avec ses guirlandes chandelles rouges jaunes bleues vertes clic-clac ! clic-clac !… c’est du rêve d’étoiles barbouillées d’couleurs à pas cher et on s’en moque bien de c’qu’en pensent les raffinés qui ont pas des kilomètres de murs mistigris sous les quinquets toute l’année… 
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Non ! fallait pas hésiter fallait se dégrouiller de descendre quatre par quatre nos quatre étages vite fait en laissant au frais la bourriche d’huîtres sur la fenêtre avec les pigeons qui la matent picorent piétinent par-dessus veulent savoir… sont pas au courant des habitudes des Bretons d’Epinay qu’on est devenus tous les deux l’ami Louis et moi depuis qu’on fréquente assidu Saint-Malo et ses petites vagues vertes d’océan qui nous lèchent émeraudent les arpions aussi d’hiver et qu’on hésite pas à enlever nos baskets pour y aller nous les mômes de la zone les veinards qu’on est quand on peut de s’tremper les panards dans l’eau d’l’océan pour sacrer le début du retour du camarade soleil dans nos banlieues ouvrières…

Bon et quand on n’peut pas comme cette année on n’a pas pu on grignote les huîtres avec plein d’eau salée dedans et on se frotte les yeux pour se dire qu’on y est un peu… et on est encore drôlement heureux vu que des huîtres tout’l’monde n’en mange pas dans la cité… Nous aussi on a mis le feu à nos p’tites merveilles chandelles joyeuses pour se faire des signaux jusque de l’autre côté des barres béton qu’ont l’air cette nuit-là d’une formidable flottille d’navires corsaires et on se dit en déboulant sur les parkings où y’a déjà les gamins qui attendent minuit pour faire le tam-tam des cités que si on a gardé une vitale énergie pour la fête dans les quartiers c’est qu’on est heureux d’vivre ensemble et qu’on n’loupe pas une occasion pour s’le rappeler…

C’est que nous autres les gens on a toujours su faire la teuf avec des trois fois rien y fallait bien la music on l’a réinventée à notre façon et ça a bien donné vu qu’aujourd’hui on n’peut pas mentir s’y avait pas le rapp et les groupes style IAM La Rumeur et un maximum d’autres jeun’s musicos de la zone on aurait un peu de soucis à se faire sur les chansons qui s’bidouillent dans la foire officielle des studios… Et on pourrait causer sur la langue qui se propage à l’intérieur des CD qu’on trouve en quantité dans les bacs si c’est notre langue à nous qui avons nos p’tits refrains au fond des esgourdes… Bon mais là on s’égare parce qu’on était au bas de notre escalier dehors à minuit tout juste et voilà que nous déboule dans les pieds une bande de p’tits avec casseroles et cuillères et boum boum ratatata boum ! … et vas-y ils ont 5… 6 piges ils sont fous de joie et boum ! boum ! boum ! ratatata boum ! …

Ils courent ils se poursuivent et ils rient comme les enfants qu’ils sont comme les enfants qu’on était dix vingt… avec des fringues pas chères sur le dos des anoraks multicolores qui les font papillons les plus minus ont les affaires un peu vieilles des grands mais les parents ils se débrouillent… leur ont donné à chacun des choses chouettes pour Noël même si c’est pas la même fête pour tout l’monde… une écharpe dernier cri un bonnet de trappeur et le luxe des baskets rouges ou blanches avec des étoiles dorées… Ils rient ils tapent sur les casseroles ils crient avec des accents de partout et partout dans toutes les cités favellas barios quartiers des villes du monde ils crient “ la boun année ! la boun année ! ”

Les parents derrière pas très loin ou à la fenêtre tapent aussi comme tout l’monde qui a ouvert ses fenêtres malgré l’air qui glace les lèvres sur le cul des marmites où on cuit le poisson et le riz pour la famille et le foutou… sur les balustrades des fenêtres et les rampes d’escalier on frappe et on se salue et on ouvre les portes et on tape dans les mains… tata tatata !… Et ça sent trop bon dans les escaliers qu’on descend pour se retrouver dehors avec les klaxons au loin dans les rues de la ville de toutes les villes aussi loin qu’on entend qui font leur zicmu et les pétards qui commencent et les artifices qui myriadent ensorcellent trifouillent la peu verte des étoiles les vraies qu’on voit un peu et qui s’épatent de toutes ces explosions roses orange lilas chocolat menthe et indigo…

La fête pour les gens c’est quelque chose qui sort d’eux qui explose qui trace une comète de feu dehors et qui se mêle les chevelures nébuleuses avec celles des autres comme un grand appel à se rejoindre à se dire tout ce qu’on est obligé de murer dans les cachots de sa tête parce qu’on vit dans des sociétés où c’qui ressemble à un idéal qu’on aurait à des rêves de vivre autrement avec quelque chose de plus généreux quelque chose de vraiment solidaire… tout ça c’est Interdit !… Des sociétés disciplinaires il les appelle notre frangin Deleuze… Interdit de se réunir en bas des blocks pour faire de la zicmu pour causer pour s’marrer avec ses poteaux… Interdit les pétards les feux d’artifices les bombes aéro pour repeindre notre ciel nos murailles avec des couleurs mirifiques qui tuent l’ennui et le désespoir des jours des enfants de la zone ! Interdit de t’amuser quand t’es un môme coincé au milieu des barrières d’acier des voies express et des poutrelles des chantiers à quoi que ce soit qui n’entre pas dans les codes d’une société où les jeux s’achètent… Interdit d’être un môme tout simplement un enfant quoi…
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Tam tam ratatatam !… Boum boum ratatatatam !… Nous on a eu la chance la baraka qu’on n’y croit pas quand on regarde un peu derrière… Tout c’qu’on pouvait manigancer dans les terrains vagues des années 60 c’était des entreprises des voyages des aventures massacreuses et incendiaires à fond qu’on aurait pu faire s’envoler tous les chiffons des chiffonniers en poussières d’argent mais y avait une autre atmosphère dans le cinéma de nos années d’enfance et on avait le droit d’être des enfants… des enfants tout simplement quoi…

Tam tam ratatatam ! … de loin on l’entend qui frappe aussi la grand-mère des bords de Seine sur sa trop grande poêle qu’elle a remonté direct des coins où personne ne va la cambrousse ça existe pas pour les gamins d’banlieue… Elle a les paluches noires de son feu qu’elle arrête pas de secouer dans le bidon énorme à trous il ronfle et il fait rôtir les châtaignes que tous les mômes se ruent pour s’en mettre plein dans le cornet de papier journal qu’elle roule et ils reviennent en criant la bouche pleine de la bouillie brûlante mais l’écorce comment tu l’enlèves ?… Oula la !… c’est la galère c’truc-là ma parole…

Ils arrivent en bande dix vingt… ils se chamaillent comme nous ils rient et ils appellent la grand-mère de loin “ la darone ” elle les nourrit comme leur mère elle appartient à ce paysage des gens d’ici depuis toujours comme les gros vieux arbres géants d’la cité et elle leur redonne le droit d’être des enfants… des enfants tout simplement…

L’ami Louis et moi on était partis pour courser les pages de notre prochain Cahier des Diables qui se faisait soixante-huitard et qui arrêtaient pas de nous échapper à cause des bourrasques pas folichonnes de c’te drôle d’année 2007 où on a tous un peu perdu encore de nos utopies d’adolescence quand on criait en tapant dans nos mains derrière les grands nos frangins qui se sont bien éloignés ensuite : “ Ho Ho Ho chi Min ! Che Che Guevarra !… ” Mais en voyant les p’tits frères revenir avec les mains blacks pleines de marrons et les yeux pleins de mirages sauvages on s’est dit que tant pis nos pages on les rattraperait plus tard… si elles avaient pas servi à alimenter le feu nourricier de la grand-mère venue exprès de son p’tit patelin pour offrir aux mômes des cités des rêves à pas cher…

Et tant mieux alors si elles avaient fait grand feu nos pages de mots et d’images… c’était pas grave… elles renaîtraient de leurs cendres pour le mois de Mai de 2008 et si nos Cahiers ne sortaient pas comme d’habitude en février c’était bien qu’il fallait la dévorer ensemble cette teuf d’enfer et de joie complice des si beaux jours de Mai… tata ratatata tam !… Ouais c’est décidé on va les reprendre les chemins buissonniers de l’enfance et on verra bien où ça nous mènera…

Lorsqu’on est arrivé en bas de notre escalier la bande des p’tits nous a regardé la cuillère d’une main et la casserole de l’autre… et quand on leur a dit ensemble “ la bonne année ! ” ils se sont mis à tambouriner de plus belle et toute la cité dans la nuit givrée bleu de la banlieue a repris le tambourinage comme un tam-tam des brousses insouciant et rebelle qui nous accueillait entre ses doigts légers. “ La boun année ! la boun année !… ”   
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20 décembre 2007 4 20 /12 /décembre /2007 23:56

Jeudi, 20 décembre 2007   Petites histoires de Noël          Dans notre autobus des brousses le 154 y a des tas de gens qui racontent des histoires et il suffit juste de les écouter pour avoir le récit merveilleux de la banlieue dans les esgourdes et c’est magnifique pour une fille comme moi qui tient une vague chronique de nos cités de banlieue comme vous savez… Cette fois-ci il s’agit d’une petite histoire très simple mais qui m’a paru tellement chouette dans ce chaos d’affaires un peu sordides un peu vraiment très loin de nous dans nos repères des quartiers et de toutes celles et ceux qui n’sont pas forcément pétés de tunes comme disent les gamins pour acheter c’qui est étalé sous leur nez et qu’les autres rapportent plein des sacs et des sacs dans nos transports en commun je les vois je les regarde et y me font doucement rire comme ça…

         Mais que je vous raconte !… C’était un de ces jours juste avant les grands froids et j’attendais avec les autres gens de la cité celle que vous connaissez bien maintenant notre cité d’Orgemont à Epinay à l’arrêt du bus qui nous emmène tous ensemble direction St Denis et puis La porte de Paris tout ça vous savez je vous en ai déjà tant causé et de notre gros animal des brousses pareillement… Donc j’attendais et on attendait ensemble et y avait là au milieu de tous les manteaux pulls parkas écharpes bonnets boubous sous anoraks casquettes de laine sur keffieh gros gants sur doigts gelés le monde habituel que j’aime bien observer juste pour le plaisir de se dire que c’est avec ces gens-là que je vis et que ça me botte trop !

Plusieurs dames blacks que j’ai repérées de vue probable des agents d’école qui sont des familières de l’ami Louis qui travaille avec et moi aussi elles me saluent quand on se croise qu’on est ensemble elles savent sans que Louis leur ait dit qu’on est en bonne amitié… Bonjour comment ça va ? Ça va… ça va… et toi ça va ?… Et comme ça on se cause on se prend les nouvelles on s’échange les mots de l’existence pas facile tous les jours à l’intérieur de la cité ou d’ailleurs mais on s’apprécie bien et on est contents de se l’dire pour sûr… Notre autobus du coup il s’radine grognon et tout c’est son habitude et on saute dedans en vrac et on s’installe comme çi comme ça les dames qui se connaissent pour palabrer et moi devant obligé pourtant j’aime mieux la place au fond celle en rond mais c’est complet !

De l’autre côté de l’allée pendant que notre animal mal embouché rechigne à démarrer et que le conducteur qu’j’ai encore jamais repéré c’est un jeune sans doute originaire maghreb il met la zicmu assez fort qu’on en profite du bon rapp style IAM c’est extra !… ouais de l’autre côté de l’allée y’a une dame que j’ai pas remarquée d’abord une personne comme moi c’est-à-dire une Gauloise quoi… Pourtant elle a l’allure que tu n’passes pas à côté avec un air de ceux que j’kiffe le plus d’être tombée de la lune une sorte de maladresse gentille et poétique entre le Dalaï Lama et le Petit Prince vous voyez ?…

La dame elle ne s’assoit pas d’abord elle se balance d’un bord de l’autre avec les cahots de l’autobus dans les trous du tamanoir sur la piste et dans son manteau couleur d’un vieux rose très class on voit que son bras droit est cassé ou il est foulé tenu en bandoulière donc à gauche elle trimballe un gros sac de commissions qui pour l’instant est archi flasque vide dévasté par le rien vu qu’elle est dans le sens d’y aller… aux commissions vers l’Epicentre tout le monde connaît à trois arrêts de là… Elle cahote balade et finit par manquer de se ramasser et son p’tit bonnet de laine blanc suit le mouvement sur ses longs cheveux d’un rouquin clair avec des nuances cuivre et or qui sont pas des teintures malgré son âge 65 ou plus elle a pas de cheveux blancs elle est plutôt pas mal du tout et je mate aussi que ses yeux ils sont clairs peut-être bleus…

Près d’elle y’a une dame black assez forte et toute vêtue d’un tailleur rouge qui donne à se peau une couleur chocolat clair et ambre magique avec une coiffure pour sortir c’est clair ses mèches relevées sont tenues par un peigne où y’a des tas de p’tites étoiles de couleur c’est chouette ! elle s’est assise normal quand le bus a démarré et l’autre lui donne le tournis alors elle lui fait signe de la main qu’elle arrête qu’elle vienne s’asseoir en face d’elle y’a la place de libre… Ouf ! ça y est elle s’assoit et de suite comme si elles se connaissaient y’a des années elle lui parle avec le tutoiement et le ton familier :

- Aujourd’hui j’suis contente… c’t’une bonne journée parc’que j’travaille pas depuis que j’ai le bras foulé et même pas aujourd’hui et alors j’ai ramassé une chaîne… juste à côté c’est une villa ils l’ont mise à la porte… y’a tout juste une baffle qu’est décollée Oh ! c’est rien… C’est bien hein ? C’est mon cadeau d’Noël d’l’avance !…

La dame en rouge lui sourit et lui répond tout pareil :

- Ah bon ? et ça fait longtemps qu’c’est comme ça ton bras ? Tu fais quoi comme travail ?…

- Oh oui ! ça fait trois semaines mais ça s’répare pas vu qu’c’est un accident à cause d’mon travail… Et donc j’ai les antibiotiques mais ça empêche pas que j’dois aller à mon rendez-vous du gynécologue et c’est là qu’j’ai trouvé la chaîne à la porte et j’l’ai montée chez moi c’est une Sony… c’est bien ça hein ?… Elle marche mais pas la cassette mais la cassette j’m’en moque c’est pour la radio qu’j’l’lai prise…

La dame black assise en face de moi écoute discrète la conversation sans regarder du côté de la dame au manteau rose mais cette histoire de chaîne trouvée dans la rue a l’air elle aussi de l’intéresser et bientôt on est quatre ou cinq à faire forum au milieu du bus et à approuver les réflexions sans savoir de quoi on parle vraiment mais c’est ça qui fait une vraie conversation improvisée… c’est presque une pièce de théâtre notre discussion avec l’autobus des brousses pour décor et la musique Hip-Hop comme fond sonore avec le jeune chauffeur qui nous regarde dans son rétro géant l’air amusé…

- C’est quoi ton travail alors ? elle redemande la dame blacks vêtue de rouge…

- Oh ! c’est des ménages et du repassage aussi mais avec le bras là je n’peux pas… elle montre sa main prise dans une sorte d’attelle métal bleue… mais la chaîne j’l’ai dérouillée malgré ça j’suis contente alors !… y’a qu’la cassette et la baffle… rien du tout… ils l’avaient mis dehors… pour sûr qu’c’est pas des gens comme nous… moi j’men moque je vais faire Noël à ma façon…

- T’as bien raison… elle lui répond la dame black habillée de rouge… mais ces gens ils sont à plusieurs familles qui vivent ensemble dans la maison là… celle que tu dis… c’est celle qu’est près du Sentier des Lièvres non ?… c’est pas des Gitans ? Moi aussi j’avais l’faire Noël même si j’suis seule d’abord les hommes on n’en a pas besoin on est tranquille au moins et puis si on a envie d’s’amuser on peut…

- Oui qu’on peut moi c’est c’que j’me dis… d’abord là comme vous me voyez je vais à mon rendez-vous du gynéco et après je rentre pour essayer la robe de soirée que j’me suis achetée l’autre jour… j’l’avais vu au magasin et j’me suis décidée parc’qu’on n’va pas faire la fête sans avoir quelque chose de beau hein ? Elle est bleu turquoise ma robe de soirée avec des paillettes et les chaussures aussi… c’est joli bleu turquoise hein ? Elle demande l’avis de la dame black tout en rouge pendant que l’autobus ralentit et s’arrête à Suger le dernier arrêt avant de prendre la direction de Porte de Paris après le Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis…

- Vrai t’as bien raison faut s’acheter des belles choses quand on est une femme pas s’laisser aller ça non !… elle regarde l’autre en face d’elle avec une sorte d’affection tendre et elle va ajouter quelque chose au moment où l’autobus est sur le point de démarrer sa grosse carcasse métal qui couine de partout elle se précipite sur la porte en riant d’un coup comme si c’était une bonne blague…

- C’est là que j’descends oh la la !… j’ai failli l’rater… au ‘r’voir tout l’monde !…

On reste à quatre avec une autre dame black qui nous a rejoint et qui s’assoit à la place de la dame en rouge pendant que le personnage principal de notre histoire reprend son récit et que le chauffeur du bus monte encore un peu la sono de sa musique endiablée…

- C’est une robe bleu turquoise et les chaussures aussi… c’est très joli moi j’aime le bleu et puis d’toute façon mon mari il m’aurait rien payé pour Noël alors j’me l’a suis achetée moi-même… Faut pas attendre qu’les autres y nous fassent plaisir… hein ? Elle nous regarde toutes et on lui confirme qu’elle a bien raison tout le monde rit dans le bus et se mêle à la conversation en faisant : oui ! oui ! c’est vrai ça… faut pas attendre…

Au moment où notre autobus des brousses s’arrête brutal à Denfert-Rochereau et embarque quatre contrôleurs que personne ne regarde notre héroïne s’est levée et elle mime avec des petits mouvements souples en faisant attention à son bras immobile une danse dans la belle robe bleu turquoise pailletée argent et tout le monde rit avec enthousiasme pendant qu’un des contrôleur dit au jeune chauffeur de baisser la musique… ils nous regardent comme si on était des oufs leur tendre nos cartes nos billets l’air ailleurs… pour une fois il arriveront pas à nous gâcher la fête… notre fête des transports en commun…

- Mon mari il s’en moque d’ma robe bleu turquoise alors moi j’ferai la fête pisque ça m’fait plaisir hein ? j’ai pas raison ?…

La dame black en face d’elle confirme :

- Bien sûr qu’vous avez raison faut s’faire plaisir sinon ça sert à quoi la vie ?…

Les contrôleurs ont trouvé un jeune garçon black au fond du bus qui a pas de billet et ils l’entourent à quatre ils le font lever et se mettre contre la paroi du bus dans le coin des poucettes pour le contrôle des papiers ils le touchent presque…

- Moi je mettrai ma belle robe bleu turquoise et mes chaussures aussi… je n’les ai même pas payées cher du tout… c’est pour Noël et je suis contente… contente…

Notre autobus des brousses s’arrête au terminus pendant que tout le monde continue à parler de la fête et que la dame dans sa robe bleu pailletée argent et ses escarpins tournoie au milieu de nous ses longs cheveux roux ont pris la couleur dorée des flammèches des bougies de la fête… c’est la fée de la cité et le jeune chauffeur du bus lui prend le bras pour l’accompagner d’un air ravi il a monté le volume de sa radio à fond et les regards furieux des contrôleurs ressemblent là-bas très loin à des masques de carnaval qu’on brûle et qui retombent en une poussière de cendres fine qu’on chasse d’un geste de la main… 

   A suivre...

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 11:56

                                 Petites chroniques

Vendredi, 7 décembre 2007  La honte !…

 

           D’habitude comme je vous le disais dans ma précédente petite chronique j’écris du dedans du ventre doux chaud familier de notre cité d’Epinay la cité d’Orgemont où on crèche l’ami Louis et moi et c’est bien normal que je parle d’elle… D’elle et de ses parfums frais acidulés sucrés tendres et parfois aussi un peu cruels mais moi j’aime ce qui est vivant et les odeurs de la cuisine des gens qui sont venus d’ailleurs Miam ! c’est extra… Ouais… d’habitude je vous parle d’elle notre cité jardin avec ses grands arbres maîtres des parkings et j’aurais encore bien des choses à vous écrire à son sujet vu que des choses d’elle j’en apprends tous les jours mais… Mais faut dire que depuis quinze jours là c’est trop ce qui nous arrive à nous autres de la banlieue et je n’peux pas laisser passer sans vous dire… sans vous dire que ce qui arrive aux gamins des citadelles de ces Babylone en folie où on est les uns avec les autres dans un drôle de désarroi ça nous concerne tous ça nous revient en plein museau si on est pas des inconscients brutes au mains de sang ça nous touche au cœur !

Nous on a grandi… on est plus des p’tits et j’crois même qu’on est un peu adultes vu qu’on se sent responsables du mal qui leur dégringole et qu’on se dit l’ami Louis et moi à chaque fois : mais qu’est-ce qu’on pourrait faire pour pas que ça continue à se dégrader l’existence des gamins des quartiers et à les pousser à commettre des sortes de suicides pas possibles eux qui sont plein de soleil dans leur tête eux qui sont tellement vivants ! Ouais… m’est avis que si on est adultes on sait bien qu’en face de nous y’a des p’tits qui n’le sont pas et que c’est à nous de les aimer assez pour leur donner la confiance en eux qu’ils ont pas et dans cette société non plus on les comprend… Leur galère nous on l’a vécue autrement c’est vrai… question d’époque et de couleur de peau blancs dehors ça aide… mais on l’a vécue alors on pige et on les respecte sacrément !

Cette semaine j’ai commencé avec ce mauvais ressenti après ce qui s’est passé à Villiers-le-Bel et les reportages nases que j’ai lus encore et encore toujours suite à celui sur notre cité d’Orgemont l’autre fois de quelque chose de vraiment pourri qui se serait installé dans la tronche des jeunes des quartiers à force qu’ils entendent des trucs sur eux qui ne sont pas vrais et pourtant… sur eux et sur leurs lieux de vie des trucs… vraiment crasses et faux tronqués mis en scène par ceux qui ne savent rien de la banlieue et d’abord laquelle ? J’suis tombée juste pile dans ma p’tite revue de presse que je fais chaque jour parmi les blogs des jeunes et pas jeunes sur le récit de Nadéra dans le blog des jeunes de Clichy qui m’a donné raison et m’a fait bondir de mon trou à rats… vous vous souvenez ? nous on habite dans des trous…

Son texte Nadéra elle l’a intitulé “ Le bruit et l’odeur… ” et moi comme je suis quelqu’un qui voit toujours l’autre côté des choses c’est forcé vu que j’écris c’est mon job alors je m’faufile là où on n’regarde pas d’ordinaire pourtant c’est aussi ça la réalité… donc je lui ai répondu en faisant un mini reportage sur notre cité jardin très parfumée et j’exagère pas… et j’ai intitulé ça “ Des chansons et des parfums… ” Ouais vu que dans la vie y’a les deux et c’est drôle que des êtres jeunes 20 ans quoi… ils choisissent juste de raconter le côté pourri enfin moi ça m’fait une impression qu’ils ont déjà bien intégré le discours de c’qu’on appelait nous autres dans les sixties le vieux monde…

Les cités jardins ont les appelait comme ça quand les maires de la banlieue rouge une grande partie de la banlieue en fait dans les années après la guerre et la grande zermi des ouvriers qui avaient pas où se loger les ont imaginées avec plein de grands arbres comme les nôtres remplis de piafs je vous racontais pour les deux p’tites mésanges qui viennent sur notre fenêtre en plus des moineaux cette année… et des endroits où se balader autour des blocks agréables et tout… Un maire comme Henri Sellier le maire communiste de Suresnes il en a dessiné et créé plein des espaces où les habitants d’la banlieue ils seraient comme les autres ils auraient le droit de profiter des forêts qui sont encore des veilleuses copines des bestioles sympath des renards des écureuils des tas de piafs fabuleux des fouines des lapins même… des espaces de liberté au milieu des villes comme les bois de Clichy où on allait passer des tas d’moments formidables quand on était ados…

Sûr que ces maires-là étaient comme ceux qui ont écrit le texte très chouette après que les gens de Villiers-le-Bel se soient révoltés suite à la mort des deux gamins qui comme Zyad et Bouna étaient des enfants… ouais juste des enfants… qu’on doit protéger donc qu’on doit regarder avec bienveillance… ce texte intitulé “ La banlieue peut tout ! ” vous pouvez le trouver sur Libé enfin il fait ce que moi je crois qu’est notre rôle à nous autres les scribouillards des quartiers… donner une autre image de notre vital espace comme vous savez…

Pourquoi j’ai appelé cette petite chronique “ La honte !… ” au fait ? Ah oui ! c’est rapport à ce qui s’est passé à Villiers-le-Bel et aux jugements des gamins pris la main dans le sac à chiper quoi ? Vous n’devinerez pas… si j’ai bien lu le reportage sur le jugement en flags ( aujourd’hui on doit dire comparution immédiate mais pour nous les anciens ça restera les flagrants délits… les flags… ) les p’tits ont profité d’une superette cassée pour faucher des bonbons… Terrible comme délit faut le dire dans notre monde où les adultes eux ne volent rien n’est-ce pas ? Donc les voleurs de bonbons ont pris trois mois fermes et y z’ont eu du bol car le juge demandait cinq ! C’est la honte alors ! C’est quoi un monde où des adultes jugent des enfants qui ont rempli des sacs de bonbons dans une cité où leurs vieux qui se lèvent quand y a pas encore de lumière suer la peau d’ombre des parkings blues bitume pour aller marner font les courses à crédit à partir du 10 du mois ?

C’est quoi un monde où on appâte leurs darons avec du fric pour qu’ils dénoncent leur voisin ça c’est une façon de gagner honnêtement de l’argent hein ! Sûr que ça doit leur causer c’t’exemple-là aux p’tits du fond de leur tôle qui pue la pisse et la haine de tout où ils vont passer les teufs de la fin d’l’année en bonne compagnie ils l’oublieront pas… Eux alors pour le coup le bruit et l’odeur… ouais la honte ! Ils ressortiront avec des rubis de sang au creux des paumes et chaque main qu’ils toucheront aura cette couleur-là celle des blessures qui s’communiquent comme un incendie… C’est quoi un monde où des jeunes foutent le feu à un bus pour faire partie de la société du spectacle où tout est dans le rôle que tu joues dans le décor que t’inventes et qu’est surtout pas le tien dans le masque que tu portes qui ment sur ce que tu es parce que ce que tu es c’est… rien ! La honte !…

Alors quand j’ai trop la rage je me dis que nous autres on a eu sacrément de la chance de grandir avec des frangins comme Sartre Daniel Guérin Guy Debord Raoul Vaneigem Deleuze et aussi qu’à seize piges moi je lisais Camus L’homme révolté… ouais… Camus c’est le gamin des ruelles pauvres d’Alger qui a écrit quelque part “ Je me révolte donc je suis… ” et pas que ça… Camus à qui on fait dire n’importe quoi par ces temps c’est facile… si vous jetez un coup d’œil sur l’article de Jean-Pierre Barou dans Libé “ Sarkozi, Camus et le travail ” vous serez étonnés me semble… Voilà ce qu’il en dit Camus du travail : “ Seule l’oisiveté est une valeur morale, parce qu’elle peut servir à juger les hommes. Elle n’est fatale qu’aux médiocres. C’est sa leçon et sa grandeur. Le travail, au contraire, écrase également les hommes. Il ne fonde pas un jugement. Il met en action une métaphysique de l’humiliation. ” Et pour finir : “ Toute vie dirigée vers l’argent est une mort. ” C’est pas moi qui le contredirais…

Si les gamins de la zone n’avaient pas à porter sur les épaules le poids énorme de tout ce que nous avons honteusement raté pour faire un monde chouette et généreux ils retrouveraient leurs rires d’enfants leur insouciance et leurs courses joyeuses dans les rues des cités jardins et ils se sentiraient le droit d’être comme nous l’avons été des p’tits… Alors si y a une seule chose qu’on puisse faire nous autres c’est de rendre aux enfants leur enfance sans quoi on aura vraiment pour toujours tout faux… la Honte !…

A suivre...
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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 22:34

                                      Petites chroniques

                   La cité d'Orgemont Rue de Marseille

Lundi, 26 novembre 2007   Nous on vit dans des trous…

 

           Ça fait quelques mois que je vous ai habitués à cette petite chronique d’une cité de banlieue qui a pris la suite du “ Journal d’une fille de banlieue ”et que je tente une fois par mois environ selon les événements qui nous mènent de dessiner au plus juste et au plus près le portrait de notre cité d’Orgemont à Epinay où l’ami Louis crèche depuis dix piges et où moi je vis à mi-temps depuis bientôt quatre ans et surtout de raconter par ci par là l’histoire des gens… celle qu’on n’vous raconte pas dans les journaux qui de plus en plus nous emballent dans du papier de boucherie qui a la couleur sale de juste avant le sang…  

J’vois pas bien c’qu’y aurait d’autre comme intérêt de mes bafouilles si je n’vous causais pas de ce qui se passe dans notre cité quand j’y suis de l’intérieur c’qui vous change probable des reportages y en a tant qu’on vous ressert régulier à chaque fois que “ ça bouge dans les banlieues… ” Bien sûr j’ai mon avis là-dessus comme tout l’monde et j’me prive pas d’vous l’donner sinon ça serait de l’écriture qui aurait pas de peau et pas de tripes c’est pas mon truc… mais au moins la réalité des choses et des gens elle est là entre ces lignes que j’vous poste en direct… le réel plutôt comme dit Deleuze et pas le mic-mac spectacle et petit patapon qu’on entend nous autres et qui cause la colère des jeunes et de ceux qui le sont encore malgré le temps et qui n’supportent plus qu’on parle d’eux n’importe comment qu’on les traite quoi… vous comprenez ?

Donc y a quelques jours que je voulais vous recauser de l’affaire pas drôle qui s’était passée dans notre cité et juste au bout de la rue de Marseille où on se trouve l’ami Louis et moi à l’occasion du procès des quatre jeunes qui ont écopé entre 2 et 15 piges de cabane et qu’à l’époque j’vous avais fait deux p’tits reportages déjà dans notre blog des Diables bleus… Le premier texte il s’intitulait “ Colère noire ” et vous le trouvez dans la rubrique du même nom à la date pas croyable du 22 novembre 2005… pas croyable parc’que le procès il a eu lieu presque pile le 22 novembre 2007 deux ans juste et mon texte quand je le relis aujourd’hui j’n’en changerai bougerai pas une ligne maintenant que le verdict a été donné et que j’n’trouve pas ça plus juste qu’à l’époque…

Le deuxième texte c’était le récit que j’vous faisais et là je vous recommande de le lire rien que pour le fun car j’vous assure que j’n’ai rien inventé malgré que c’est de la fiction… c’est le récit de la reconstitution du drame qui s’est passé là un mercredi après-midi d’été où on a tous femmes enfants vieux chats chiens rats et le reste été claquemurés durant cinq heures dans nos apparts surchauffés pas possible de mettre le pif hors des blocks même pour traverser acheter le pain à dix mètres ! Ils appellent ça un pays libre eux eh ben alors !… Pour tout dire cette gentille après-midi punition les mains sur la tête au piquet nous a été faite en représailles sans doute d’un geste “ honteux ” ou dont on aurait tous à avoir honte d’après la morale la même toujours celle des autres… de ceux qui n’savent pas de quoi il retourne et qui sont les juges de la zone qu’ils matent de très loin ou qu’ils viennent visiter comme Fadela Amara ainsi que l’ont écrit les jeunes de Clichy dans leur blog : “ visite au zoo… ”

Le deuxième texte pour ceux qui voudraient se rafraîchir il s’appelle “ La grande tribu des fleurs d’agaves ” et il se trouve dans la rubrique Colères noires entre les dates du 10 juin 2006 et du 16 juin 2006… Cette affaire violente et comme d’ordinaire pas remise par personne dans son contexte de territoire ni d’histoire des cités de banlieue elle traitait les choses et les gens comme des vauriens en gros et en généralisant à donf c’est facile… et elle les poussait à se sentir globalement coupables d’être des meurtriers en puissance vu que dans leur rue la rue de Marseille à Epinay en plein jour on avait tué quelqu’un comme ça… Quelqu’un qui prenait des photos des réverbères dans la cité en plein après-midi pour sûr qu’y avait aucune raison de le planter pour sûr… Ouais… j’voulais vous recauser de cette chose-là juste avant que deux jeunes percutent une bagnole de flics dans une autre cité de banlieue à Villiers-le-Bel un dimanche après-midi de novembre hier… deux ans juste ou presque que Zyad et Bouna… à Clichy… enfin faut pas comparer hein…

Oh ! c’que j’voulais vous dire ça tient en pas de mots c’est presque rien… du détail que vous trouverez sans doute bien banal… Des banlieues comme je vous l’ai déjà raconté j’en connais plein et pas que des fauchées larguées à leur sort et à leurs galères et à leurs bonnes aventures… Ouais des villes de banlieue y en a des riches comme vous savez et j’en connais au moins une très bien vu que j’ai vécu tout près à Villemomble d’abord et puis à Montfermeil et puis à Sevran ensuite c’est la ville du type qui aime les couvre-feu pot aux feu vous vous souvenez ? Oui c’est ça c’est Le Raincy ! Gagné… Celle ville-là qui est bien confortable remplie de gens pas mal pétés de tunes je l’ai fréquentée de ci de là et même que j’y étais dans son lycée rupin en 1968 c’est pour vous dire qu’après Aubervilliers ça me faisait un peu drôle !…

Pour vous dire que vu qu’j’ai la chance là aussi de connaître les deux territoires assez sérieux j’peux vous en discuter d’une façon que vous ne vous attendez pas… Et vous dire que quand je fréquentais au Raincy y’avait dans cette bonne ville de bourgeois très rangés aux fils et aux filles comme il faut un trafic de came qui circulait dans les paluches blanches et propres de leurs gamins de riches et pas du tout dans celles des p’tits mômes des cités vu que dans cette bonne ville de cités pas plus qu’à Neuilly y en a…Et qu’malheureusement pour eux n’en déplaise à Monsieur Raoult qui aime tant le pot-au-feu couvre-feu des copains qui sont morts d’overdose y’a trente ans à peine dans sa bonne ville du Raincy j’en ai connu plein dont les parents avaient un statut social irréprochable et que c’est triste… ouais c’est triste mais j’dois à la vérité de ma très fraîche mémoire de gamine de banlieue de dire que ces parents-là ils ne se sont jamais aperçus que leurs enfants étaient en train de crever d’overdose de désespoir et d’y embarquer les autres… Des mauvais parents quoi… hein ? comme ceux des cités quoi…

Ça n’se passait pas dans une cité dite “ à risque ” du 9-3 mais dans un lieu bourgeois aux petites rues dont les villas entourées d’un parc ou d’un grand joli jardin avaient pas encore leurs caméras braquées sur le moindre passant qui viendrait… quelle drôle d’idée n’est-ce pas prendre en photos leurs réverbères par exemple… Ce que j’voulais vous dire si vous me suivez c’est que dans ces villes très bourgeoises où on n’rencontre pas de caillera pas de danger je vous conseille de tenter l’expérience d’aller garer votre auto pas connue pour être celle juste du voisin de droite ou de gauche devant le portail bien comme y faut le long du trottoir d’une villa cossue et de son grand parc aux caméras braquées sur vous jour et nuit…

Ouais c’est ça… faites l’expérience et même faites-là aussi dans une petite ville avec des pavillons de banlieue pas très chicos et vous verrez si vous pouvez librement et sans vous faire insulter et traiter de “ intrus avec ta bagnole c’que tu viens t’garer devant ma porte c’est interdit ! ” et même si vous avez d’la chance on vous insultera et on vous menacera d’appeler les flics pour vérifier d’où que vous sortez… vous qu’êtes visible ni de la rue ni du quartier ni de rien d’ailleurs… Et puis je vous conseille aussi juste pour rigoler de pousser l’expérience plus loin et de vous mettre en position de prendre des photos d’un arbre très joli à l’intérieur du parc de la maison bourgeoise mais depuis le trottoir bien sûr ! allez pas franchir le portail même si entrouvert surtout pas ! Une photo d’un arbre pour mettre avec celles de votre album quoi de plus légitime non ? Essayez et vous verrez si on peut faire des photos sans que rien n’se passe devant une villa dans une banlieue chicos et une fois réalisé cette expérience à plusieurs endroits différents vous aurez alors un avis éclairé et avisé sur les questions de… territoire…

Pourquoi j’avais envie de vous causer à nouveau de ça déjà ? Ah oui ! j’oubliais le point de départ de mon récit… quelle scribouillarde à la gomme je suis !… Il s’agit de l’article de Libération d’hier ou d’avant-hier je n’sais plus… Celui-là il m’a fait drôlement marrer faut que je vous dise alors ! Les journalistes moi c’est pareil que ce qu’en pensent les jeunes des cités… et pas mal de grévistes cheminots et étudiants aussi d’ailleurs… j’aime pas trop… Enfin ceux de nos jours quoi… Celui-là il avait du boire un truc avant d’écrire son papier ou bien ça l’a tellement saoulé notre cité qu’il pensait à son émission téloche préférée du soir pour se distraire un brin… Il a commencé son reportage en disant que l’affaire du jugement des quatre personnes dont il avait à causer se déroulait dans un quartier chaud d’Epinay la cité d’Orgeval… Bon… c’est vrai que du mont au val y a qu’un pas et pourquoi pas mais si vous cherchez la cité d’Orgeval à Epinay vous la trouverez pas d’abord…

Ensuite le journaliste il décrit la cité comme un endroit étrange avec des magasins d’un côté entre lesquels d’après “ les gens ” y aurait ce qu’on appelle “ des trous ”… je vous rassure on crèche pas dans des trous pas encore… il s’agit simplement des passages qu’il y a dans toutes les cités de ce genre entre les différents blocks de bâtiments et les parkings… et le monsieur ajoute que le premier dealer se trouve dans le trou n°1 le suivant dans le trou n°2 etc… ce qui explique que la personne avec son appareil photo évidemment dans un lieu pareil risquait sa peau vous vous en doutez ! On se demande même comment dans cet endroit surréaliste peuvent vivre tranquilles le reste du temps… c’est-à-dire celui où le journaliste n’y est pas… deux ou trois mille hommes femmes enfants chats chiens rats et autres… La visite du zoo je vous disais… J’insiste je sais mais imaginez que vous y habitiez vous dans la cité d’Orgemont à Epinay ça vous ferait pas un peu suer de lire ces imbécillités crasses pendant que deux gamins sont en train de mourir dans une autre cité ailleurs pas très loin à proximité d’une voiture de flics mais sans flics pour les secourir… ils sont passés où au fait ? Est-ce que ça ne vous rappelle rien ?…

Ah ! oui j’oubliais encore un détail et puis je vous laisse parc’que la violence c’est pas mon truc comme vous savez moi j’préfère de loin vous entretenir des grands arbres maîtres de notre cité très belle à l’automne et de nos p’tits piafs qui viennent sur le bord de la fenêtre se goinfrer avec la boule de graisse qu’on leur met ce sont nos poteaux… et c’t’année on est veinards on a même un couple de mésanges bleu et jaune mignonnes que c’est pas possible !… Le monsieur qui est mort dans cette sordide et triste histoire il a eu paraît-il le corps couvert d’ecchymoses alors que le garçon qui a frappé prétend n’avoir porté qu’un seul coup… son cas est aggravé par le fait qu’il est un consommateur de drogue et qu’il en avait sur lui on ajoute qu’il dealait… Il a donc pris 15 ans… Tout l’monde il est content… Le corps de Marie Trintignan était couvert d’ecchymoses et celui qui l’a frappée l’a laissé par terre durant plusieurs heures sans lui porter secours… Il est probable qu’il ait consommé de l’alcool et de la drogue… Il en avait sur lui ? Il a pris 8 ans et il en a fait 4… Ses admirateurs disent qu’il mérite d’avoir une jolie vie maintenant…

Ah ! oui j’oubliais les jeunes qui ont commis cet acte… ils sont d’un milieu social… défavorisé on dit ?… Pas de parents… pas de job… pas de fric… la caillera quoi… Enfin ça c’est l’avis des autres… les autres… toujours les autres… Mais l’amie de Marie Trintignan lui c’est quelqu’un de bien et d’un milieu respectable… enfin… un milieu quoi… pas le même quoi… vous comprenez ? Voilà… C’est long cette fois-ci… Faut m’excuser ça m’fait mal au ventre alors j’écris… Nous on habite dans des trous vous voyez…

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9 novembre 2007 5 09 /11 /novembre /2007 23:46

                        La belle étrangère

“ Lacépede ” et le bitume gris ras de la savane brûlée troué comme un terrier de gros tamanoirs qui ont pris l’habitude ici de s’alimenter à l’aide de ces monceaux de pellicule vinyle noir qui a un goût réglisse bien particulier… C’est ça réglisse… ou plus fort encore qui emporte les gencives des tamanoirs à donf ! Ouais !… la pellicule elle passe là au creux de leurs estomacs et ses images qu’on n’pourra plus jamais mettre en bobine des époques perdues râpées d’l’amitié et du paradis enfant du père Renoir… Vlouf !… Ça y est c’est tout dans l’estomac du tamanoir !

“ Lacépede ” c’est l’arrêt creusé à vif comme une tranchée qui saigne en face des Studios Eclair dont la barrière rouge blanche chemin de fer arrête pas de se lever et de redescendre passage obligé pour la technique du cinoche et c’qu’on n’sait pas qui rame des tas d’ouvriers employés bricolos extras pour que le film il existe et les héros eux ceux qu’on voit ils se retrouvent du côté du fleuve en bas le reste du village cinéma dl’a cité d’Epinay deux trois p’tites sentes tortillard pavés herbes folles y’en a plus lerche c’est rare c’est rien par rapport… faut longer les quartiers d’lautre bord du grand chemin des tamanoirs et autobus des brousses et encore et encore ça descend vers le fleuve c’est joli…

“ Lacépede ” c’est là qu’il descend et elle l’a à peine repéré où il est monté elle n’se souvient pas n’l’a pas vu  pourtant il a l’allure qu’on peut pas éviter alors que sa dégaine simple comme les mômes des cités de la banlieue jogging black baskets mais ce qui s’dégage de lui quand il marche… la fierté et la joie des fils d’Afrika… Il saute du bus avec la même danse que les autres et un signal de la main fermée pour ses potes qui restent dans la bétaillère… le 154… leur super autobus des banlieues nègres… Combien ils sont là-dedans souvent le soir quand c’est rouge corail taillé à vif à l’arrêt de la Gare de Saint-denis… Combien ?… Soixante… soixante-dix… cent ?… plus probable mais l’autobus animal des brousses ça lui va comme un gant c’t’habitude qu’il a prise ça s’comprend et s’ils se fracassaient alors il serait rouge de leur sang volcan… Alors rouge et puis vert… et allez zouh !…

“ Lacépede ” de l’autre côté de la tranchée que les bolides grande vitesse ont labourée avec les trous formidable les cratères bitumes qui font les terriers des tamanoirs quand ça dégringole déboule direction du fleuve et ses p’tites bicoques qui ont encore de la terre et des jardins autour il l’a emmenée souvent vu qu’c’est le seul recoin de la ville qui le fait un peu rêver les sentiers tordus par là ils avaient des noms d’enchantement comme celui de la course des lièvres à l’autre bout là où il crèche et ensemble ils ont maginé que le musée d’un autre ouf bien arraché comme eux c’était ici qu’il sortait d’la gueule ouverte béante des pavés termitière écarlate majestueuse et ses portes de cavernes d’or qu’ouvraient sur ses trésors de costumes paillettes et masques que les doigts des peintres avaient enchantés… Ouais le musée d’Henri Langlois il jaillissait bondissait se débarbouillait de ses cendres d’incendie pour qu’les mômes de la banlieue ils se ruent à la queue avec des tickets à trois sous pareils à eux y’a trente piges de ça…

Le cinoche pour eux dans les années où y avait que ça pour se carapater s’embarquer Robinsons sur les toits des wagons plein Ouest avec la loco une diesel déjà qui fonçait joli sur ses rails d’aventure qui s’tortillaient comme des anguilles bleues jusqu’au bout du paysage et d’l’autre bord de la toile tendue c’était les territoires des Indiens et des tamiseurs d’étoiles… le cinoche ça les avait sauvés d’leur enfance sur le bitume qui coulait gris au pied des réverbères pas reluisants d’hiver quand ça mouillait beaucoup et que leurs sarbacanes aux billes d’acier crevaient des vitres derrière y avait rien… Ça leur avait appris la grande existence et les voyages qu’on fait tous les jeudis même si on est un fils d’ouvrier suffit de resquiller une pièce ou deux facile aux commissions et on s’retrouve au milieu des autres marmots d’la zone ébahis… Les histoires du cinéma d’leur enfance ils en causaient souvent c’était trop bon… Et quand ils quittaient la salle noire ils la retrouvaient autour d’eux ses bras d’ombre qui serrait et qui leur faisait chaud… leur belle étrangère…

“ Lacépede ” c’est là qu’il saute jeune dieu du village de N’Gouma inventé dans sa tête à elle au Mali très loin avec les termitières rouges aussi qui montent plus haut que les totem des cérémonies. C’est là qu’il saute pendant qu’elle l’imagine armé du long bâton au cordage de cuir bleu tressé pour la main au milieu et qu’il frappe… frappe de sa force retrouvée le flanc blanc soleil fendu du crocodile dont la chair est bonne rôtie sur le p’tit brasier que l’arbre du fleuve lui a donné…

Quand elle le quitte elle sait qu’ils ont entre eux sa sauvage présence familière… la banlieue c’est là qu’ils ont grandi comme les rats au corps pas gras dans le décor de cinéma plus vrai que l’autre… et ses poubelles remplies de pièces d’or… eux déjà ils courent à l’intérieur de la brousse rousse des terrains vagues à la poursuite des hannetons aux couleurs bleu-vert magnifiques qui scintillent aussi gros que des callots de verre par milliers… C’était à l’époque où leurs vieux cherchaient des paillettes d’or dans les poutrelles d’acier de l’île du diable… l’île des usines automobiles qui les raclait jusque sous leur peau et leur piquait leur sueur argentée…

Vous n’le croirez pas mais y avait aussi des lézards géants au milieu de leurs brousses couverts d’écailles poussièrées de diams pour sûr qu’ils se passaient autour du cou comme des colliers baroques qui s’mordaient la queue… Et leurs vieux en ont jamais rien su…

  A suivre...

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