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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

Texte Libre

Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

3 septembre 2007 1 03 /09 /septembre /2007 23:53

           Suite  de A notre enfance de banlieue la plage

Cette lettre je n’sais pas si je l’écrirai car au fond y a tellement de choses que je comprends et que je partage dans ce silence qui est aussi celui d’Ariane Mnouchkine au fil de son blog dans Libération et celui de tant d’autres personnes qui ont pas cessé depuis des années… depuis nos rêves et nos utopies des sixties de tenir bon et d’faire perdurer le lien avec ce qui nous vient de la rue… Ce lien on l’a créé dans le printemps de 68 et alors il faisait notre force et notre invention partagées…

La rencontre entre les ouvriers de l’automobile… les Billancourt les Simca et tant d’autres… les paysans du Larzac et tant d’autres… avec les étudiants les lycéens les profs et les intellectuels les artistes… et tant d’autres… Les portes enfin ouvertes de notre société fragmentée en classes… en communautés… notre société tellement hiérarchisée qu’les gens de la rue de Mai avaient rendue à sa solidarité en refusant de rester seulement entre eux…

On venait juste de rentrer nous les mômes d’la banlieue de nos moments fabuleux sur la plage quand les paroles de “ La chasse à l’enfant ” de Prévert nous sont tombées dessus et moi qui d’ordinaire vous met au parfum des p’tites histoires au quotidien de notre cité d’Epinay je m’suis dit qu’heureusement… heureusement que tout ça ne s’passe pas dans nos escaliers dans nos halls sur nos parkings parc’que peut-être qu’on ne pourrait plus écrire ni dessiner… non on n’pourrait plus c’est sûr… déjà que parfois nous aussi comme A. Mnouchkine on a envie de garder le silence…

On vient juste de rentrer et on sait que la chasse aux gamins d’immigrés n’a pas cessé… que les jeunes Blacks ont dû continuer de s’défendre des patrouilles… et que les p’tits d’la banlieue n’ont rien d’autre pour s’amuser que les trottoirs de Blues Bunker… En regardant les tags le long des rails sur les entrepôts de la Gare du Nord j’ai une pensée pour Mickaël le jeune taggeur mort noyé en essayant d’échapper aux flics qui le poursuivaient… et j’y repense encore dans l’train de banlieue avec l’ami Louis le lendemain en allant voir le film de Barbet Schroeder sur Jacques Vergès L’avocat de la terreur qui me touche pas qu’un peu vu que Vergès pour moi c’est d’abord l’Algérie mon pays d’adoption…

Les massacres de Sétif en 1945… Djamila Bouhired Zohra Driff durant la bataille d’Alger en 1962 et toutes celles et tous ceux parmi les combattants algériens qui ont mené leur pays vers l’Indépendance… Leur lutte pour que leurs gamins grandissent dans un pays libre et qu’ils n’aient pas honte de leur histoire… C’est Jean Sénac et son émission à la Radio Algérienne Poésie sur tous les fronts et les poèmes de “ Citoyens de beauté ” et de “ Matinale de mon peuple ”… “ Ce peuple est plus grand que mon rêve… ”

Ouais… Vergès c’est le défenseur des deux femmes accusées de “ terrorisme ” déjà ! alors qu’elles sont des résistantes face à un Etat colonial : le “ nôtre ”… à un pays colonial le “ nôtre ”… à une violence d’Etat qui est la pire des violences… Vergès enfant d’un couple métis vietnamien et réunionnais qui sait ce que c’est qu’l’humiliation… qui sait c’que c’est qu’la misère comme le savent les gamins des banlieues aussi…

Vergès qui va prendre fait et cause pour les parents du petit Ivan qui s’est jeté par la fenêtre poursuivi par les flics lui aussi… comme Mickaël… les flics qui voulaient le chasser d’sa maison…

La police de l’Etat français la même qui a poursuivi arrêté expulsé les enfants juifs il y a… poursuit arrête expulse et tue les enfants d’immigrés dans c’pays aujourd’hui… c’pays qui est le “ nôtre ”… Honte sur nous enfants d’la banlieue si on laisse faire ça !

Vergès un homme seul et debout qui n’laisse pas un Etat adorateur du veau d’or servi par la géante bêtise ordinaire sans quelqu’un en face de lui qui fasse résistance…

On vient à peine de rentrer et le film de Mehdi Charef Cartouches gauloises me renvoie à celui tourné en 1962 " Les oliviers de la justice " pendant la guerre d’Algérie à Alger et dans la Plaine de la Mitidja par mon ami écrivain pied-noir Jean Pélégri mort il y a juste quatre ans…

L’enfance dans l’Algérie coloniale qui se soucie peu des bonnes raisons qu’ont les adultes pour détruire un rêve… les rêves qui sont toujours les mêmes qu’on empêche… les rêves que font les gens de vivre ensemble dans la chaleur et la lumière bleue des étés du Sud…

Cette enfance-là a veillé longtemps… toujours sur son idéal d’une utopie solidaire éparpillée loin des orangeraies et des oliviers du paysage de l’origine… elle a préservé des valeurs d’échange et d’existences mises en commun héritage d’une société d’ouvriers et d’paysans compagnons de labeur de souffrance et de luttes pour leur dignité… Un très joli article de Tahar Ben Jelloun dans Le Monde diplomatique de septembre sur Cartouches gauloises  qui est un vrai regard d’enfance avec un temps complètement différent de celui des adultes… des bouts d’images et d’histoire qui reviennent à la mémoire après et racontent… c’est magique !

Ces idéaux… les nôtres… je les retrouve à chaque fois que je regarde le film Aubervilliers tourné par Eli Lotar en 1945 avec les commentaires de Jacques Prévert et la musique de Kosma ainsi que la chanson “ Gentils enfants d’Aubervilliers ”… Et l’ami Louis me voit étonné pleurer en regardant c’qu’a été notre enfance au milieu des cabanes des pavés d’la boue des talus et des terrains vagues… notre insouciance féroce et illusoire bleue comme la brûlure des étincelles de soudure sur les chantiers immenses des banlieues au milieu d’la misère des vieux ouvriers sans maison que les baraques en tôle ramassant l’eau des caniveaux avec un broc pour s’laver et cuire la soupe…

Quoi de surprenant si dans les années 70 nous avons cru inventer un monde où la vie serait bonne pour tous… où le mot “ Interdit ” ferait rire les gamins et si notre idéal était de mettre en chantier des sociétés où le bonheur serait d’offrir à chacun l’humanité l’intelligence et la liberté de croire en de fabuleuses utopies universelles…

J’ai lu quelque part que la génération qui a succédé à la nôtre et qui n’a fréquenté ni la misère et l’engagement ouvriers ni notre farouche espoir de simple grandeur humaine se fiche bien de la beauté d’un rêve qui a fait découvrir à notre enfance de banlieue la plage… Ah ouais ? Voilà pourquoi je m’sens depuis des lustres vraiment loin très loin des gus de 35 berges et que j’me sens vraiment bien avec les gamins d’la banlieue qui p’t’être un de ces jours auront envie de lire ça… qui sait ?…

 

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29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 01:48

  

    Nous voici de retour après quelques jours de grand air et d'espace de liberté retrouvée auprès de l'océan que les Diables bleus aiment tant...

     D'abord vous dire qu'on est très très heureux de vous retrouver pour cette nouvelle année solaire d'écritures et d'images partagées... vous nous avez bien manqué et on vous remercie d'être venus si nombreux visiter ces pages...

    Pour Ismaelle et pour celles et ceux qui nous écrivent ne pas oublier si vous voulez qu'on réponde à vos demandes de nous donner votre adresse mail ! Réponse générale à la question : où peut-on trouver nos textes dont il n'y a que des extraits sur notre blog ? Mais dans Les Cahiers des Diables bleus pardi !

    On peut les commander à mon adresse :

    Dominique Le Boucher

   41 Cours de Vincennes 75020 Paris

    Et voici un début de ce que j'ai écrit durant l'été, pas pu tout saisir alors la suite demain ou très bientôt...

                   Petites chroniques d'une cité de banlieue suite...

Dimanche, 21 août 2007  A notre enfance de banlieue la plage

 

 

On venait juste de rentrer de notre escapade au pays des corsaires et de la plage qui a recouvert tous les pavés de St Malo… notre escapade de six jours à peine l’ami Louis et moi… Six jours de joie pure océane où comme des gamins de banlieue qu’on est on se gave de tout à fond parce que c’est trop bon… c’est trop magique… c’est trop court…

Et qu’c’est tout c’qu’on a nous autres… notre dope à nous… notre blanche notre neige notre absinthe au fond des verres crasseux des bistrots c’est d’la liqueur d’océan et des cocktails crépuscules… C’est d’la beauté liquide qui nous shoote les mirettes… Et p’t’être que la haine nous prendra si les tarés d’puissants veulent toucher à ça…

St Malo la forteresse des vieux baroudeurs corsaires c’est notre rendez-vous fou amoureux avec le vent turquoise et émeraude qui en finit plus de nous remplir les yeux de sa fraîcheur marine bonne comme une glace menthe chocolat… de nous saler la peau à chaque fois qu’on court au milieu de ses cavales d’écume goémon… ou plutôt c’est moi qui me roule à peine sortis du train dans cette eau froide que j’aime qui est pour moi ma sauvagerie retrouvée… ma soupe d’herbes folles… pendant que l’ami Louis farfouille sa petite boîte métal bleue d’aquarelle d’où vont jaillir des totems païens enchanteurs…

C’est notre rendez-vous amoureux avec Céline le marin qui y venait tant qu’il pouvait se saouler de sel et de créatures d’effarement… ses romans en sont pleins de cet espace-là et de ses mouillures…

C’est notre rendez-vous amoureux avec nous-mêmes car c’est sur cette plage et ces pavés que nous avons commencé à écrire notre histoire l’ami Louis et moi y a trois ans à peine… et que nous n’avons pas depuis raté un seul rendez-vous avec la langueur océane…

Nous autres mômes de la banlieue on est ici chez nous avec nos rêves de partir loin qui restent des rêves d’encre outremer… on mate les vieux gréements sublimes et la ville océane nous a adoptés vu que quoi qu’il arrive on met quelques tunes à gauche pour venir y bâfrer notre portion d’ailleurs et de grand vent deux fois par an…

On est les familiers des bistrots et des p’tits restaus pas chers

comme “ Le grain de sel ” ou “ Le salidou ” pour ceux qui connaissent et le chemin qui va de l’écluse au Bassin Vauban on le fait des dizaines de fois par jour sur nos pieds encore toujours vu que de voiture bien entendu on a pas…

Même que cette année on a eu la sale surprise de trouver le port de pêche fraîche qu’on traversait le soir pour rentrer à notre hôtel l’ami Louis et moi au milieu des frigos… de l’odeur du poiscail et des crustacés à mourir… du goudron des navires de pêche avec leurs casiers sur les quais empilés… tout ça claquemuré derrière un grillage qui nous a interdit le passage… ben ça alors !

Encore un interdit de plus qui nous gâche le plaisir qu’on a à se mêler à la vie des gens dans leur travail quotidien et qui nous sépare des ouvriers de la mer que sont les marins dont on se sent si proches nous autres…

 

 

Donc on venait à peine de rentrer dans notre cité de banlieue l’ami Louis et moi pour y retrouver l’atmosphère trop lourde de cet été qu’on avait déposée sur la plage sous un gros tas de pavés un instant et la réalité qui brûle les pattes encore plus ici qu’ailleurs vu qu’les gens des cités ne partent pas beaucoup en vacances comme on sait…

Ici dans la cité cette année y’a un peu plus de sermi que d’habitude qui affleure car pas beaucoup de départs au bled comme je vous disais dans la chronique précédente et le boulanger marocain avec qui je cause deux mots qui se tape les journées complètes de douze heures vu que la jeune femme qui l’aide pour servi n’est pas là et que fermer la boutique il peut pas…

L’épicier marocain aussi lui il me dit qu’il a envoyé début juillet sa femme et ses enfants au bled et lui il part seulement en août… “ pour au moins changer d’air… voir d’autres gens un peu… ici toute l’année on étouffe… ”

Et les coquelicots continuent à pousser dans la zone de notre 9-3 des coquelicots rouge sang…

Il me demande où on va nous autres et quand je lui dis la Bretagne il rigole… “ La Bretagne ! mais il fait froid là-bas… ” Sûr que c’est pas le Maroc comme je lui dis l’Afrique moi je ne demande pas mieux en revanche j’ai pas le fric… Il se marre doucement… c’est le monde à l’envers et c’est tant mieux… L’Afrique j’irai jamais et l’Algérie non plus… je les porte dans mes rêves et le cheich bleu du désert autour de mon cou…

Donc on vient juste de rentrer de notre bled à nous l’ami Louis et moi et ici ce qui nous attend c’est pareil qu’avant notre départ l’atmosphère pesante et pas supportable qui nous poisse depuis ce mois de Juin 2007 et qu’on voudrait fuir de toutes nos forces… retrouver la petite boîte d’aquarelle métallique et redonner ses couleurs au temps…

Fuir cette bêtise franco-française qui ressemble tant à de la haine de tout ce qui n’est pas soi… rien que soi… les corbacs avinés guettent la peau des étrangers qui sèche au soleil… cette bêtise qui ne nous concerne pas nous qui vivons depuis toujours dans ce monde métisse qui a fait de nous les Indiens de banlieue ce que nous sommes… des sortes de navigateurs de partout et de nulle part…

Dès notre retour on retrouve le suicide des cadres de l’industrie automobile et même si ça n’est pas dans le milieu ouvrier ça nous touche forcé car on connaît ces conditions de travail intensif surtout Louis dont le père a été ouvrier toute sa vie… et puis il y a la terrible illustration de Charlie-Hedbo avec le Guernica de Picasso ça fait mal !… C’est vrai que mourir pour une bagnole y a mieux comme idéal !

C’est la société de consommation parvenue au bout de l’absurde… après que les manœuvres de Billancourt aient donné leur peau eux au travail à la chaîne. Je me souviens de notre époque des années 70 où on lisait G. Debord et où on prédisait à ces gens de la maîtrise qui souriaient de la condition ouvrière que bientôt… dans 20 piges ça serait leur tour… ça y est c’est leur tour… Est-ce que les jeun’s des cités ont conscience que ce monde où tout est à vendre est fini ?…

Dans le train en rentrant avec l’ami Louis qui était très occupé à dessiner le petit personnage du rat des cités un jeune gaillard rebelle qu’il vient de créer je me demandais si je n’allais pas une fois arrivés écrire à Hélène Cixous que je connais un peu et qui m’avait invitée à son cours à la Fac de Saint-Denis après notre entretien pour parler de son livre où il est question de son enfance en Algérie Les rêveries de la femme sauvage

Ecrire pour lui demander pourquoi le silence des gens qui pensent… ce silence aujourd’hui de ceux que nous autres qui sommes dans l’émotion de la réalité quotidienne on respecte et on aime vu qu’ils ont toujours été proches de la vie et qu’ils créent aussi… Pourquoi ces gens dont c’est le jon de redonner du sens à l’insensé ont laissé la parole à ceux qui bétonnent le cerveau de la populace ( je ne dirai pas du peuple je l’aime trop de mot… ) avec leur médiocrité vengeuse et leurs jugements moraux au point qu’on se croirait dans un géant confessionnal… à avaler la bonne soupe du bien et du mal comme si rien n’avais existé depuis Thiers le nabot monstrueux…

En assistant une seule fois au cours d’Hélène Cixous j’ai pigé mieux qu’avec mille discours sur le sujet ce qu’était le meilleur de l’héritage intellectuel et humain de Mai 68… l’exigence et l’intelligence qui ne passent pas par la hiérarchie imbécile et sénile… la générosité qui attend que l’autre donne ce qu’il a de mieux en lui parce qu’il est traité avec bonté et justesse…

Ce sont des êtres comme Hélène avec cette sorte de pensée émotion-là dont on a besoin dans les cités de banlieue pour créer nos universités à nous celles du savoir populaire et de la culture de la rue…

 

 

 

  A suivre...

 

 

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14 juillet 2007 6 14 /07 /juillet /2007 12:25

Notre rêve-olution

     Ce texte est dédié au groupe de rapp La Rumeur, à Hamé et Ekoué que nous soutenons dans leur résistance à la limitation de nos libertés de créer, de nous exprimer et d’exister…

Et à Mickaël jeune graffeur de 19 ans mort le 10 avril 2004 noyé dans la Marne après une poursuite avec la police…

Léo Ferré le poète le musicien notre frangin anar et solidaire s’est tiré vers l’astéroïde orange parfumé et doux qu’on regarde tous de loin le 14 juillet 1993 en nous laissant sa poésie rebelle et dans notre escarcelle légère d’oiseaux sauvages les folies infidèles que les mots disent et qu’on ne fait pas parce qu’au fond on est des rêveurs d’utopies avides de vies et que si on se bat nous c’est avec des cailloux étoiles de sang qui sont notre signature de taggeurs du vent…

 

“ Si quelques fous n’avaient pas dit ‘ non ’, contre toute évidence, depuis que nous roulons sous les saisons, nous serions encore dans nos arbres. L’évidence, c’est la seule préoccupation du pouvoir. Le soleil se lève à l’est, pas vrai ? Vous autres de l’affirmative, vous ne m’intéressez pas. Moi, je suis contre.  (…)

A l’engrais, le poète invente des nouveaux langages, le musicien aussi. Bientôt l’artiste sera prié de prendre son service le matin à telle heure, dans un bureau agencé selon son rang et son plaisir : quelque chose d’agreste avec jets d’eau, jeu d’échecs, cendriers électroniques aspirant des idées de cendres, piscine alimentée par du champagne factice parce que le factice, c’est déjà de l’art. La solitude y est prévue rationnelle, visible de l’extérieur, fonctionnelle pour le rendement. On pourra ‘ voir ’. (…)

Avec nos avions qui dament le pion au soleil. Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces ‘ voix qui se sont tues ’, avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande à regarder passer les révolutions.

N’oubliez jamais que ce qu’il y a d’encombrant dans la Morale, c’est que c’est toujours la Morale des Autres.

Les plus beaux chants sont des chants de revendication.

Le vers doit faire l’amour dans la tête des populations. A l’école de la poésie et de la musique, on n’apprend pas. ON SE BAT ! ”

 

Notre rêve-olution elle est là… elle se pointe des pattes sur le bout des ongles des oiseaux fous qu’ils ont tatoué de vernis rouge… rouge leurs ongles qui grattent contre les vitres des trains de banlieue la peau aux rides graves détresse des gens pour leur tagger notre rire bagarreur à la place… Elle est là… les ongles vernis rouges craquent pour des bombes aéro-solitude qui sont nos plumes sans servitude de barbares des rues… Nos plumes piquées aux chapeaux des versaillaises venues tremper leurs doigts dans le rouge sang de nos frangins de la Commune n’écriront jamais courbe… Nous giclons debout face aux murailles canailles de cette écriture feu sueur et cri qui fait de nous des voyageurs solidaires de la périphérie…

Elle est là notre rêve-olution bien maquillée d’or frais coulé dans nos fonderies par des mains d’ouvriers tenant de nos testaments d’astres nus et qui ont bien des choses à vous dire… Elle est là notre rumeur qui monte monte… elle vient de la rue et de ces usines où le corps fondu de nos vieux de nos frangins immigrés roule petits cailloux de lave rouge noire refroidie sous les godasses police qui passent repassent aplatissent leurs poings ouverts… Ils en avaient de la tendresse à revendre les anciens de la sociale et de l’anarcho-syndicalisme quand ils s’enroulaient dans les chiffons banderoles qui servaient aussi à jeter des sous dedans pour payer les jours de grève des camarades le soir avant de s’endormir à l’intérieur des cabanes que la famille d’immigrés défendait des rats en montant la garde chacun son tour… Au creux de leur sommeil avant que l’aube leur envoie son coup de poing dans le ventre ils marchaient ensemble en se tenant par le bras le long des rues de leur rêve-olution avec le désir obstiné de changer notre condition humaine qu’ils nous ont refilé… 

  Elle est là notre rumeur qui grandit qui grandit… elle surgit magique petite figurine de chiffons pantin joyeux joueur aux doigts peints rouge coquelicot elle bouge elle danse elle vient des bas-fonds où la bonté s’est réfugiée en attendant… Toujours ils ont cramé au lance-flammes l’amour des vieux ouvriers pour la vie vouée à leur belle ouvrage et volé la force fière de leur travail de géants pour la jeter aux pieds de leur veau d’or… Toujours ils ont bradé l’amour des anciens immigrés pour leur p’tit pays paysage terre d’asile et leurs ongles vernis de terre tranchées rouge ocre rouge sur les crosses des fusils pour défendre p’tit pays qui ne sera jamais pour eux le paradis…

Elle est là elle avance la rumeur elle s’approche elle vient cette fois on l’entend on la sent elle nous tient… c’est la rumeur de notre rêve-olution qui sommeille au creux des caves des cités où le sable de nos plages réveillées recouvre de dunes douces et de rage les corps des noyés qui ne savaient pas nager… Poignets liés par des cordages barbelés ils ont coulé sous le Pont Mirabeau comme la Seine… sous le Pont des Arts on a balancé leurs papiers leur histoire… sous le Pont du canal Saint-Denis notre mémoire d’eux n’en aura jamais fini… 17 octobre 1961 ce sont nos frères nos amis venus d’Afrique et nous avons la peau noire aussi… “ … ne comptez pas sur nous pour la haine…”

 

“ Les rapports du ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété.”

La Rumeur Avril 2002

17 octobre 1961… 25 octobre 2005… c’est toujours la même histoire à deux génération d’écart la honte c’est dérisoire on a la rage on a le désespoir pour dire qu’on en veut plus de ces types qui tuent nos enfants blacks nos enfants beurs qui tuent nos enfants dans les cités de banlieue… Zied et Bouna… la rumeur monte la rumeur gronde et nos mains se jettent sur les boîtes d’allumettes… On va foutre le feu à ce théâtre de marionnettes et après l’incendie on retrouvera la vie la vraie celle qui claque au vent des cerfs-volants et des ballons qu’on lâche en chantant dans les manifs de nos années rouges rouges… Ho Ho Ho Ho Chi Min… Che Che Che Guevara !…

Elle vient notre rêve-olution… elle est là elle a pris les trains de banlieue pour rejoindre la rue bleue de notre été sauvage demain elle aura le visage des jeunes rappeurs qui écrivent sur les pages de nos trottoirs macadam des lettres d’amour pour ce pays où ils sont nés… “ quelle chance… d’habiter la France… ” les fils abandonnés qui inventent la langue nouvelle rebelle la langue poème qu’on cueille et qu’on sème parce que c’est la nôtre… Les jeunes rappeurs… leurs vieux ne savaient pas toujours lire… presque pas écrire parfois… mes doigts couverts de la peinture rouge des bombes quand je tagge leurs mots sur les murs du ghetto où j’ai grandi…

 

 Mickaël était sur l'A4 en train de graffer quand il a été surpris par une patrouille de la BAC. Il a traversé les huit voies de l'autoroute pour se réfugier dans les buissons où les policiers l'ont débusqué. Il a tenté de leur échapper en plongeant dans la Marne. Le gardien de la paix m'a dit aussi qu'un policier avait voulu se mettre à l'eau et qu'un supérieur le lui avait interdit par radio. (…)

Chez les Cohen, la police était déjà un sujet délicat. “ Mon père nous disait de l'éviter ”, raconte Eric. Le 6 novembre 1942, des fonctionnaires ont raflé la grand-mère paternelle, Rachel, et sa fille Betty. Eric montre une carte postale jaunie oblitérée : “ Camp d'internement de Drancy, bureau de la censure, préfecture de police ”.  Le 8 mai 1943, Rachel Cohen a écrit à la femme qui cachait ses autres enfants à Orthez : “ Chère madame, je pars avec ma petite ( 5 ans ) pour une destination inconnue. Je vous prie d'annoncer la nouvelle à mes enfants. ”  Le 10 mai 1943, elles ont été gazées à Birkenau. Pour Eric Cohen, il y a des “ lâchetés ”, “ des silences ”  de l'Etat français qui se sont répétés dans l'histoire des siens. (…)

La porte va se refermer quand on découvre sur le panneau de bois un petit moulage en résine de lettres argentées : “ ECCO ”. C'est tout ce qu'il reste de la signature d'un tagueur de 19 ans. ”

Libération Jacky Durand Samedi, 26 mai 2007La nuit a recouvert nos jours de son burnous noir de laine épaisse… Aujourd’hui nous gardons notre visage et nos yeux planqués sous la capuche quand nous sortons dans nos rues mais elle ne fait pas que nous séparer d’une histoire qui n’est plus la nôtre… elle nous protège du désespoir et de la haine qui sont des masques de mort dont on n’veut pas des masques blanchis à la peur de nos peaux blacks dedans dehors… La nuit c’est notre alliée bleue notre frangine aux ailes baobabs géantes qui emporte notre regard là-bas à l’autre bout du monde… De l’autre bout du monde elle arrive elle danse sur ses pieds d’oiseau libre notre rêve-olution… Elle nous remonte de l’an de 1968 où on se passait entre nous le message virage pour enfin devenir grands : “ … on arrête tout on réfléchit… ” pour enfin voir en face la fin du monde vieux et accrocher au clou ses nippes fric et ses menottes clic-clac qui découragent nos yeux des beaux nuages et nos poings du jet rouge d’orage qui déshabille le ghetto de ses barreaux…

Elle nous remonte notre rêve-olution à nous qui sommes les barbares des mots rares et qui continuons à crier dans la grande bulle azur abricot mandarine de l’été : soleil de l’intelligence pour tous ! Aujourd’hui ils disent derrière leurs écrans liftés et ils écrivent sur les prospectus y’a bon banania : “ … le problème c’est que vous êtes un peuple qui pense… il faut arrêter de penser… ” Le problème c’est qu’ils sont morts depuis belle lurette et qu’on a pas encore trouvé le moyen de se débarrasser de l’image de nous qu’ils nous ont mis dans la tête frangin !

Partout sur les chemins buissonniers des cités de banlieue il y a un peuple métis qui pense et qui regarde au large de sa nuit bleue notre rêve-olution qui se pointe des pattes sur ses ongles vernis rouges et qui gratte qui gratte la terre ocre sang écarlate et black où sont juste recouverts d’un peu de poussière légère les p’tits cailloux rubis plutôt pas mal de notre idéal…

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10 juillet 2007 2 10 /07 /juillet /2007 23:25

                                               Petites chroniques

Mardi, 10 juillet 2007 Et maintenant on en est où ?

                  Eh bien voilà ! En plus de la catastrophe qui nous est tombée dessus y a pas loin de deux mois maintenant et pourtant on avait fait tout ce qui était possible comme danses de désenvoûtements et bonnes cérémonies tam-tams à l’appui avec nos musiques qui font frissonner le ventre des arbres dans nos cités de banlieue pour l’éviter mais c’est arrivé… et là alors on se rend compte qu’y a encore pire c’est vrai… Ouais contrairement à ce qu’on croyait la bêtise informe et plâtreuse qui nous a collé son masque partout sur nos rues par grosses plaques de haine verglacée où on dérape oups ! c’est pas le fond on peut aller plus loin qu’un été pourri par les meneurs de chevaux libres et insouciants direction les abattoirs…          

             Après les abattoirs donc où tout ce qui ressemble à la banlieue rouge et à sa gouaille bon enfant et rebelle est poussée en tas pêle-mêle par les adorateurs du nouveau veau d’or purificateurs de pensées singulières et solidaires qui font qu’on a même peur d’aller prendre la fraîcheur du soir pourtant bleu de la banlieue à cette époque de l’année au bord du lac d’Enghein… on n’sait jamais des fois qu’ils aient creusé des pièges dans les trottoirs pour n’plus nous voir autour de leurs jolies villas nous les vieux des sixties et nos bandes de jeun’s des cités… y a l’enfermement dans la pluie d’banlieue pour cause de pas de sous…

Après les abattoirs nous voilà pris dans la mousson qui rend la vie à l’intérieur de la cité encore plus rude sans le soleil que les gens du Sud guettent chaque été comme une grosse pièce d’or à partager et dont tout’l’monde a la même quantité du côté des villas chics ou des HLM… Ouais c’est sûr… la zermi c’est moins glauque avec le camarade soleil pour se vautrer lézards des sables qu’on est sur les p’tits coins d’herbe qui nous restent et là pas d’interdits vous pensez ! S’agit pas des pelouses du Jardin du Luxembourg où les planqués amateurs d’herbe fraîche se font siffler par les vigiles et remettre au pas cadencé…

Donc plus de merguez parties le dimanche avec l’odeur rassurante complice du thé à la menthe quand tu le renifles c’est comme si tu l’buvais tous les gens des cités vous le diront… Et pas lerche non plus pour l’instant de départ au bled les voitures bourrées à exploser des cadeaux qu’on apporte à la famille là-bas et aussi des affaires pour tout l’monde deux mois c’est long… c’est un grand voyage faut pas croire… C’est ça aussi la vie quotidienne dans les cités d’banlieue y a des rituels que j’vous raconte comme je peux pour que vous ayez l’impression d’assister de même… C’est important pour nous autres les rituels comme le remplissage bourrage des autos direction le Sud et vas-y c’est la bonne aventure qui commence pour les p’tits surtout qui n’sont encore jamais partis…

Sur les parkings bitume blues à cette période de l’année c’est la joie et toute la famille participe à l’opération jusqu’au plus p’tit de trois piges qui trimballe ses choses à lui… c’est sacré ces départs-là comme une géante transhumance heureuse… Nous autres qui ne partons pas ou si peu on les regarde avec envie l’ami Louis et moi et on écrit dessine leur histoire qui donne à la nôtre plus de sens vu que de lieu où retourner on en a pas lerche… Ouais… ça fait bien réfléchir quand on y pense et d’écrire c’est d’abord de n’pas le perdre tout à fait définitif le sens du fil qui se défile entre nous comme on le voudrait… Alors moi il faut que je me tarabuste à le retrouver le fil de ce que je voulais vous raconter au départ dans ces petites chroniques et qui se tire… se tire…

Donc cette année les rituels de l’été ils se débinent les uns après les autres et ça aussi ça fait perdre les repères qu’on a du mal à préserver… ceux qui nous gardent que ce quotidien qu’on vit ici soit quelque chose de tout à fait insensé… Sans les rituels qu’on partage comme le départ au bled l’été… le mois de ramadan… les pétards et les feux d’artifices au dessus du Lac d’Enghein que toute la cité se précipite pour regarder des heures à l’avance le jour de la révolution… et tant d’autres il ne reste que les choses brutes qui font des rapports brutaux entre les êtres sur un espace trop étroit pour pouvoir réfléchir et d’abord y a pas le miroir à cet effet… ni la place pour… On la le museau dedans sans répit nous autres les frottements de l’existence au quotidien… à force on n’voit plus la chance que c’est de vivre ensemble… Et ça y est voilà que je l’ai encore perdu le fil de mon histoire…  

L’année dernière je n’sais pas si vous vous souvenez mais à c’moment-là de notre été où on s’retrouve tous dehors dans les banlieues parce que nous autres on aime bien vivre sans les murs qui déjà le reste de l’année nous font ghetto c’était la grande chaleur redoutable qu’on ne savait plus où traîner nos corps sueur c’était trop !… Avec l’ami Louis on avait eu la seule idée potable pour n’pas mourir d’étouffage et de séchage vu que dans l’appart au quatrième sous les coups de pattes du camarade soleil justement… le même qui veut rien entendre de nos appels tam-tams aujourd’hui… il faisait dans les 36 degrés avec les deux ventilos mais ils nous ont posé la verrière au-dessus qui transforme les escaliers en four plus tu montes… ça aide… alors on allait chaque jour du côté du Parc Floral à Vincennes se coucher sous les jets d’eau qu’arrosaient l’herbe qui a bien de la veine…

Hier lundi en rejoignant l’arrêt du 154 notre autobus des brousses sous l’averse qui se déversait sur nous pour mieux donner aux grands arbres maîtres de notre territoire de la cité comme les dieux païens magnifiques qui ne nous ont pas abandonnés la force qui nous manque à nous qui perdons de plus en plus le sens de la tribu et de ses rituels festifs et solaires… j’ai croisé le vieux bonhomme aux chats du rez-de-chaussée à quelques numéros pas loin de notre hall qui sautillait sous la flotte en tentant de protéger sous son Kway qu’il avait bouclé jusqu’aux yeux sa baguette de pain blanc celle qui est pas chère du mouillage…

- C’est pas possible… pas possible… il a grogné en me voyant rigoler à nous mater tous foncer comme des rats de poubelles qui cherchent à éviter la troupe des greffiers prêts à se les renvoyer pareil à des billes de poils juste pour jouer… c’qu’on va dev’nir ?…

Lui il ne bouge pas d’ici bien sûr que ça soit l’été ou pas… il boitille au milieu de ses matous qu’il nourrit devant son gourbi entre les petits arbustes ils ronflent au milieu des cartons et ils se coursent sur les branches des arbres faut voir… c’est une féerie de funambules blancs et noirs qu’on reluque au passage c’est magique !

- Y’a qu’à attendre la fin d’la semaine… je lui dis au passage pour l’encourager… c’est la fête de la révolution alors normal y va faire beau c’est les tam-tams qui l’ont dit !…

- La flotte je m’en fous… qu’il me répond tac au tac… il est bien le seul alors… c’est la baguette !… La baguette ils vont l’augementer !…

 Et Hop ! hop ! il continue en sautillant vers son hall et il me laisse avec cette nouvelle qui me prend à rebrousse poils pendant que l’averse qui devient rapide un déluge commence à traverser mon blouson et que je cours comme tout le monde vers l’abri bus s’il est pas déjà rempli comme une poubelle j’ai de la chance…

A l’intérieur du bus qu’est vide pour une fois c’est miracle tout le monde par ici a disparu sous la terre ma parole je retrouve le fil de ce que j’étais en train de ronchonner sur les averses tempêtes ouragans arbres arrachés au milieu des rues qui doivent bien avoir un rapport avec l’atmosphère complètement polluée dans les banlieues qu’on sent sur la peau qui nous brûle dès qu’y fait chaud comme l’année dernière justement… le fil que j’ai reperdu aussi sec avec la phrase du papy aux chats : « … la baguette ils vont l’augementer… »

Il se trompe c’est sûr il a dû mal comprendre ce qu’a dit le boulanger marocain qui augmente jamais ses prix pour pas qu’on aille tous acheter le pain mauvais et traficoté pire que pire des surfaces super macquées et parce qu’il sait lui vu qu’il crèche entre les murailles béton de la cité ce que c’est que le pain pour les gens qui en ont pas… Qui en ont pas des vacances ni des sous pour payer les commissions dès le 15 du mois… Louis il les observe dans la super surface où il fait ses courses après le turbin comme tout l’monde qui achètent des dizaines ou vingtaines de baguettes pas chères pour mettre au bac congélo et manger ça avec la confiture premier prix quand la fin du mois se pointe…

Ce sont les mêmes qui remplissent le caddie avec les paquets de céréales prix éco et les briques de lait sur stérile pas un microbe et pas rien du tout dedans qui vive… ça calle drôlement et quand tu en a pris un gros bol avant d’aller au pieu t’es prêt pour l’endormissement sans problèmes… C’est sûr que l’ami Louis depuis qu’en plus de crécher dans la cité y a 10 piges au moins… il s’est retrouvé changé de secteur pour son job qui consiste à s’occuper des agents des écoles avec par hasard l’héritage des écoles de la cité… il en connaît un bout sur l’existence précaire des gens… Il pourra bientôt entreprendre d’écrire la suite du bouquin de Bourdieu « La misère du monde »… la sociologie de terrain y’a pas mieux…

Donc l’année dernière à c’t’époque de juillet on rentrait le soir un peu moins cuits que les autres sur les trottoirs macadam blacks surchauffés et on retrouvait avec bonheur les spectacles qu’on n’voit que dans les pays chauds c’est forcé… En bas des blocks les Africains qui sont pas du tout dérangés par le fait de dormir dehors vu qu’en Afrique avec la chaleur autrement tu peux pas… ils avaient sortis les matelas sur les rectangles d’herbe pas encore cramée autour des escaliers et ils jouaient aux échecs allongés dans leurs boubous de toutes les couleurs qu’on veut sous les arbres jusqu’à ce que ça soit l’heure du dîner et des fois ils restaient tard la nuit à discuter et à rire dans les langues du Sud qui ont des sonorités comme les musiques qu’on aime entendre…

Une fois en bas de notre escalier deux vieux Maghrébins assis sur les blocks béton à côté des marches avaient installé des cageots table basse une sorte de meïda couverte d’un p’tit tapis tissé de motifs kabyles très jolis avec la théière les verres à thé décorés bleu outremer et doré et l’un des deux versait le thé comme les Berbères touaregs du désert leurs longues mains brunes et fines encore magnifiques malgré l’âge et les travaux rudes des usines…

Une scène ordinaire mais vu le contexte c’était un autre rituel qui évoquait tant d’images depuis des années que je fréquente les écritures des écrivains du Maghreb que je me suis arrêtée pour regarder et celui qui servait m’a dit comme une excuse : «  … c’est comme ça chez nous… » Il ne pouvait pas savoir que cette phrase-là je l’ai entendue si souvent que je l’ai notée dans mon premier petit bouquin publié y a dix ans et de l’entendre à nouveau c’était la fête à l’intérieur de ma tête pour des jours et des jours…

Ouais… l’année dernière à cette époque parce qu’il y avait la chaleur qui faisait ressembler nos villes surpeuplées à celles de l’Afrique et que les habitudes alors elles se libèrent de leurs morales fabriquées par les autres… de leurs interdits lourds et graves à mourir… de leurs cloisons étanches qui nous séparent comme des fils barbelés alors qu’on vit ensemble depuis plus de 50 piges… on retrouvait la simplicité de nos rapports humains et c’était bon…

Ouais… l’année dernière à c’t’époque on avait pas tatoué sur notre peau blanche les lettres IN imbécillité nationale et Tiken Jah Fakoly ne chantait pas encore : « Ouvrez les frontières !… » mais c’était pour demain et nous on ne se doutait de rien… Et maintenant on en est où ?…

 A suivre...

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27 juin 2007 3 27 /06 /juin /2007 01:32

                 Petite chronique d'une cité de banlieue

Lundi, 25 juin 2007 La haine est un de nos transports en commun

 

         Je vous ai déjà souvent parlé de la folie qui consiste quand on crèche en banlieue… dans n’importe quelle banlieue j’imagine que c’est la folie tout pareil vu que celle de mon enfance le 9-3 c’est la même quarante berges plus tard… à se déplacer à bord de nos transports en commun… Notre 154 autobus des brousses familier est de plus en plus submergé tel un bon gros autobus d’Afrique par nous autres les indigènes du coin avec poussettes… caddies super marché… et nos personnes nombreuses comme quand on vit à l’intérieur d’une cité de deux ou trois mille joyeuses créatures accompagnées des p’tits qui arrivent pas à voir le jour au milieu de nous tous entassés concassés pressurés à fond là-d’dans…

Jamais vu un rodéo pareil avec tout l’monde qui veut rentrer et qui pousse pousse magistral et qui crie par ci et qui grogne par là mais comme nous autres les indigènes de la banlieue on est plutôt sympath et compréhensifs on s’écrabouille pour faire la place et on râle pas beaucoup faut voir… Ouais… moi qui depuis des siècles ou quasi me balade d’une cité de banlieue l’autre surtout avec mes pieds je peux vous dire qu’on est vraiment bien tranquilles nous autres et qu’on s’énerve rare compte tenu des conditions qui sont pas à prendre avec des pincettes parc’que c’est de la dynamite avec la mèche allumée les conditions !

Donc jusqu’ici c’est-à-dire jusqu’avant qu’on soit entrés en barbarie y’a un mois et demi à peine j’avais pris le pli des grosses dames black en boubous et turbans colorés vifs et très beaux à motifs d’Afrique ou géométriques magnifiques… des bandes de jeuns des collèges par vingtaine capuches du sweet à rayures turquoise orange indigo vert émeraude le MP3 sur les oreilles et rigolant et se bousculant déboulant de là vite fait à la course… et de toutes sortes de gens différents des quartiers multicolores comme on est nous autres les indigènes de la banlieue… Ouais j’avais pris le pli d’une grande bonhomie même dans les cas pires où on ressemblait plutôt à du bétail qu’à des humains c’était pas fréquent qu’on s’apostrophe et qu’on se malmène…

 

Faut vous dire aussi que j’n’ai pas au fond de ma musette kaki de l’armée avec l’image gribouillée au marqueur black du Che par-dessus que l’expérience de notre 154 autobus des brousses loin de là !… Je pratique aussi assidue le métro de la ligne 13 qui a une extra célébrité comme vous savez par la non fréquence de ses rames… c’est sûr qu’on rame fort en les guettant avec l’œil averti de ceux qui cherchent au fond du tunnel à distinguer des signaux de fumée avant coureurs… en temps normal c’est 8 minutes quand on a raté celle qui vient de se tirer et l’été souvent c’est 10 voir un peu plus…

A la station Saint-Denis Porte de Paris l’avant dernière ils nous ont aussi retiré les portes et ce croisement de couloirs en dessous la terre qui a l’allure d’un refuge en cas de bombardements  personne y traîne tant c’est accueillant… on dirait des galeries de taupes monstres éventées glacial quand la bise rapplique et moites pareilles à l’atmosphère mousson et odeurs d’égouts dégouttantes en prime… Le tout pour le même prix d’un ticket : 1 euros 40 c’est pas cher ! Là d’ordinaire les regards des gens ils sont déjà un peu fermés branchés ailleurs vides par force… y a tant de souffrance planquée derrière leurs yeux absents qui mâchonnent du journal ou magazine pour n’pas penser à longueur de ligne qu’il vont pas encore aller plonger dans celle des autres… de souffrance non !

Différent de notre autobus des brousses le métro de la ligne 13 ?… Un peu quand même je trouve vu que par le fait ça s’finit dans Paris sur Seine l’affaire et l’habitant parisien même s’il fréquente les quartiers il est assez loin de leur existence au quotidien… c’est bien normal… La ligne 13 elle butte contre la Fac de Saint-Denis faut le dire aussi donc c’est la mixité assurée dans les wagons ou plutôt le mélange des genres alors que dans les quatre quarts des cas notre autobus des brousses le 154 et ses confrères d’la banlieue du 9-3 trimballent en proportion générale deux ou trois blancs comme nous d’apparence et les autres passagers sont venus de toute la terre ce qui est formidable !…Mais j’vous raconterai mon histoire du métro une autre fois car là c’est d’un troisième transport en commun car on en a beaucoup et tous les jours… dont il s’agit c’est le train qu’on prend pour rejoindre notre banlieue Nord à la gare du même nom… décidément on fait dans l’actualité brûlante au cœur des braseros où on jette chaque matin une poignée de journaux torchons et pétillante  d’impostures même si on n’préférerait pas… alors voilà… Comme vous le savez déjà notre cité d’Orgemont à Epinay elle est l’idole des extérieurs de la ville et elle se frotte malicieuse contre le lac d’Enghein et la gare qu’est pas loin… une demi-heure avec nos pieds pas plus… c’est qu’on a l’habitude et des baskets aux ailes d’anges ça aide…

C’était juste un ou deux jours après qu’on soit entrés en barbarie et que le printemps magique aux odeurs de merguez en bas des escaliers et aux jeunes greffiers insouciants qui escaladent les branches des tilleuls et hop ! resautent en bas balles de poils farfelues et hop ! loupent le pigeon étourdi qui se tape un bout de sandwich abandonné avec moutarde… se soit tiré sans nous saluer… C’était juste un ou deux jours après un printemps trop beau pour de vrai et de l’espoir envolé plein les ailes des anges qu’il flottait à perte de parapluie et que l’ami Louis et moi aventureux comme on est on a décidé d’aller faire un tour à Paris sur Seine pour renouveler notre stock de bouquins en vue d’un automne qui se pointe avant l’été…

Le train on l’a attendu normal et pas trop… normal quoi… 20 minutes… normal… et y avait presque personne dedans… par ce temps normal aussi… Une dizaine de gens comme nous des mélangés normal… tranquilles comme tout quoi… Rien à signaler sinon un homme qui passe avec des p’tits papiers… visible ne parle pas la langue des indigènes et demande un peu de sous… normal… C’est alors que tout se détraque en trois secondes attention : un… deux… trois… Une dame que personne avait remarquée la soixantaine soixante-cinq bien prononcée qui se jette sur un des p’tits papiers et le déchire en rage et commence à vociférer contre l’étranger qui visible entrave que dalle et nous avec…

- Ils rackettent les gens ces types-là c’est des escrocs !… Faut les foutre dehors !… Et la liberté alors… et la république… et la démocratie !… Ah c’est du beau !… Bande de voyous !…

Ahuris comme des anges qui ont plus d’ailes depuis très longtemps mais toujours aussi peu vindicatifs qu’avant les temps de barbarie on se regarde tous et on n’réagit pas… chacun pour soi on se dit silence que la dame est énervée… c’est la pluie sans doute… ça va aller mieux si on la laisse maintenant qu’elle a déchiré un papier ça doit être bon…

Vous pensez comme nous pour sûr mais la dame a pas l’air de vouloir s’arrêter de prendre le wagon à témoin de son opinion qu’on lui demande pas… Y a soudain un voyageur qui sans doute de l’avis de la dame a le faciès et qui lui répond gentiment pour dire qu’elle nous lâche… on a encore trois stations jusqu’à Paris sur Seine et ça suffit de l’entendre :

- Mais qu’est-ce que ça peut vous faire Madame… il fait de mal à personne…

La dame exaspérée se préparait probable à répondre en même temps qu’elle fouillait frénétique dans son sac à mains et que nous à quelques sièges derrière elle on la regardait inquiets de la tournure que ça prenait quand erreur fatale le garçon qui hésitait depuis un moment effrayé par les cris à venir ramasser ses petits paplars et ses quelques sous s’est décidé… Et que l’homme au faciès lui a tendu un peu de monnaie en lui disant que la dame était en colère et qu’il fasse attention…

Ouille ouille ouille !… ça elle a pas aimé du tout… Elle s’est mise carrément à hurler debout direction l’homme au faciès qui lui tournait le dos :

- Ta gueule ! Ferme ta gueule ! Fous le camp !…

 

Nous on est du genre à s’émouvoir pour bien moins que ça et Louis qui a l’habitude des frottements pas très relax entre les gens dans son job a demandé calmement à la dame de se calmer et de ne pas insulter quelqu’un qui ne lui faisait rien… Alors du coup c’est sur nous autres les deux indigènes qu’elle a retourné sa colère et zouh ! on s’est fait traiter comme des crasseux qu’on est et qu’on avait de la merde dans les yeux !…

Tout ça sans nous regarder puisqu’on était derrière elle… Moi je sentais que l’ami Louis qui apprécie pas trop qu’on lui parle comme ça commençait à s’énerver un peu alors j’ai dit à mon tour à la dame de se calmer… Mais elle arrêtait pas décidément et l’homme au faciès qui lui tournait aussi le dos lui qui était deux sièges devant elle a lancé :

- Vous êtes raciste madame…

Elle a bondi prête à lui sauter dessus en hurlant qu’elle allait tirer le signal d’alarme et appeler la police et c’était vraiment mal barré vu que dans le wagon plusieurs personnes commençaient à trouver qu’elle nous les cassait et lui disaient d’arrêter son cirque… mais elle arrêtait pas… elle arrêtait pas…

Pour finir c’est peut-être la phrase de Louis qui l’a un peu freinée ou le regard d’un homme black le seul qui assis sur un strap en face d’elle pas tout près mais pas trop loin lui faisait face et qui la fixait avec une expression de pitié horrifiée… ouais c’est peut-être ça qui l’a stoppée enfin…

- Ça ne sert à rien la haine madame… qu’il a dit Louis de sa voix douce qui tremblait… pendant qu’on se serrait très fort la main vu que cette dame sans s’en rendre compte elle était en train de nous faire du mal à tous…

Les mots de Louis ils ont été les derniers qu’on a entendus de tout le trajet… La dame s’est plongée dans un bouquin qu’elle avait fini par sortir de son sac et elle a tourné les pages rageusement… L’homme black assis en face d’elle a continué à la regarder en secouant la tête de droite et de gauche… Bien avant d’arriver à la gare du Nord quand le train a commencé à ralentir sans se consulter tous les gens se sont levés et écartés de la dame qui est restée assise à sa place la tête baissée dans son bouquin et on a fui aussi vite qu’on a pu ce drame ferroviaire qui pesait lourd lourd sur nos épaules d’anges sans ailes et qu’on a trimbalé une partie de l’après-midi avec nous comme si d’un coup le nouvel état de barbarie était entré sous nos peaux fragiles et les avait marquées au fer rouge…

Moi quand je me balade sur les trottoirs des quartiers et que je croise les gens je les regarde toujours dans les yeux parce que quelqu’un qu’on n’regarde pas il n’existe pas… Je regarde les gens dans les yeux et souvent ils sont étonnés et ils me sourient… alors je me sens chez moi ici… je me sens bien… mais c’est vrai que je suis quelqu’un d’un peu… ahuri… comme un ange sans ailes quoi… 

A suivre...

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13 juin 2007 3 13 /06 /juin /2007 12:51

Petites chroniques d’une cité de banlieue

                                 Pour Ousmane Sembène  Lundi, 11 juin 2007 : Elle a 80 piges elle est belle elle a les yeux bleus

            Aujourd’hui ça n’était vraiment pas une bonne journée pour commencer… Non vraiment pas… Hier déjà une partie considérable de la population… je ne dirai pas du peuple oh non ! ce mot-là je l’aime trop… nous a sidérés en arrosant un peu plus encore de sang frais qu’il y a un mois à peine le veau d’or qui ne sait plus quoi faire de toutes ces offrandes et les refile en douce à la troupe de veaux d’or plaqués qui l’entoure…

          Dans la cité je vous assure bien que cette cérémonie qu’on avait joué en extra le joli mois de mai dernier a pas eu le plus p’tit succès et personne s’en est soucié du tout… Depuis la première catastrophe la grande la vraie où les autres ils ont mis le veau sur son trône d’or massif qui n’nous concerne pas les gens et surtout les jeunes de la cité se sont bien remis à jouir de la vie et à occuper macadam black de leurs rires et de leur présence pleine de fêtes et de palabres y a pas de raisons…

         Hier soir personne s’est occupé de savoir ce qui se tramait sur les écrans plasma et l’animation joyeuse et ludique des dimanches soirs dans la cité avec les motos qui pétaradent à fond les jeunes assis autour de la cabine téléphonique leur arbre à histoires à eux avec les boîtes de coca et les clopes qui tournent tournent et les p’tits qui courent après le seul ballon du coin les autos qu’on répare à plat sur le dos en dessous le bitume qui se vautre et nous fait le gros dos… tout était normal animé et déjà on s’était habitués à se dire que nous dans le 9-3 on est le dernier p’tit bout de la banlieue rouge comme ils l’appellent à leurs infos et ça nous fait bien marrer !

           Non personne s’est occupé parc’que le désespoir chez les gens du Sud ça laisse toujours place à la fête… à la teuf comme on dit et que même après qu’y ait eu la mort dans le secteur on raconte les histoires on frappe la peau de chèvre du tam-tam ou du bendir et on mange les plats très bons et très épicés safran et harissa qui font revenir la vie… Alors vous pensez que pour une affaire d’élections du veau d’or sur son trône on n’va pas prendre le deuil c’est sûr ! Et pour une partie considérable et considérée de la populace qui n’veut pas de nous non plus… on vivra très bien sans elle et sans sa considération ça oui alors !… sans veau sans or et sans identité nationale aussi hop là !…

           Donc la cité elle a vite fait repris son âme légère mais moi je n’décolère pas vu que sinon j’ai trop la peine et je trouve que la rage ça vaut mieux au moins on peut essayer de faire des choses avec… Aujourd’hui c’est encore lundi et c’est vraiment pas la bonne journée pour commencer même si le 154 notre autobus des brousses il est arrivé tout de suite… ouala ! le miracle et vous n’me croirez pas si je vous dit que le satané fichu lézard de métro de la ligne 13 qu’on attend c’est l’ordinaire huit minutes tous les zonards de la banlieue vous le confirmeront  s’est pointé aussi juste au moment où je radinais dans le sous-sol à taupes sur mes baskets noires avec lacets rouges pour le plaisir… On riposte comme on peut moi c’est par les pieds vu que dans nos banlieues si tu n’as pas tes pieds tu as rien…

          C’est en arrivant sur le Cours de Vincennes là où j’ai encore un p’tit peu mon gourbi avant d’aller pour de vrai habiter dans la cité où crèche l’ami Louis à Epinay définitif et après avoir comme j’aime bien regardé les gens que je kiffe en me faisant la réflexion que pourtant y en a qui font partie de la bande d’adorateurs du veau d’or… c’est en arrivant Cours de Vincennes que tout s’est encore aggravé pour de bon… Là aussi j’ai mes habitudes comme dans la cité et j’achète le journal Libé au kiosque juste en sortant du métro quand c’est une journée qui oblige comme depuis un moment y en a plein…

         A peine j’ai payé mon canard que je commence à feuilleter énervée que je suis de n’pas avoir passé un bac maths au lieu de littéraire mais maintenant c’est bien fini les litté-rateurs on n’va pas les rater c’est écrit dans Libé… donc de n’pas avoir passé un bac maths pour déchiffrer la liste redoutable des circonscriptions, leur découpage surréaliste du secteur en un zappinge affolé et de n’pas dénicher tout de suite des pourcentages clairs mais c’est vrai, je sais pas compter… la honte ! Et brutal je tombe sur une pleine page photo à force de chiffonner mon canard qui ressemble déjà plus qu’à un vieux tas de papiers en vrac de quelqu’un que je connais bien… Ah non c’est pas vrai ! Mais pourquoi la vie la belle la généreuse elle s’acharne comme ça et elle nous fait des coups à mourir sur place tout de suite pour ne pas voir la suite ?…

           Cette photo en plein journal des élections dont je me moque drôlement… cette photo d’un grand homme black la pipe à la bouche et le regard bien plus loin que nous et si proche si proche… c’est celle d’Ousmane Sembène l’écrivain et réalisateur africain originaire du Sénégal poète machineur d’images pas possibles pourfendeur d’histoires extras mirages en plein ciel aux couleurs d’abricots et de goyave… ses personnages sont rares et vrais et ce qu’ils montrent c’est l’Afrique dans ses innombrables traditions et réalités et dans son présent qui bouge bouge…

            Ousmane Sembène le griot dont le dernier film Moolaade est trop fort trop allumé encore dans ma tête et mes tripes… Ousmane Sembène le griot s’est tiré de par ici ils nous laisse avec notre ministère de l’identité nationale… nos rangers écrase beurs blacks étrangers et mal venus… notre haine des autres qui viennent piquer le pain des français… et nos bienfaits colonisateurs multiples y’a ka voir et se rafraîchir les neurones mémoire vis-à-vis de l’Algérie rien que ça et les autres exemples ne manquent pas mais les ratonnades et noyades d’Octobre 1961 ça ne vous dit rien ?…

            Moi qui ai découvert si tardivement cet homme-là ce créateur noir aussi essentiel à mes yeux que Toni Morrison je reste assommée mon canard à la main en songeant au festival de films qu’un des derniers cinémas de création de Paris : L’Espace Saint-Michel a donné l’été dernier de ce grand réalisateur d’Afrique… Non vraiment pourquoi tous ces êtres d’émotion délicates et rebelles et de pensée humaine et généreuse nous larguent-ils ?…

          C’est là que je l’entends avant de me retourner pour regarder de plus près qui parle comme ça par ces temps de sous-pensée télévisuelle banalisant la bêtise crasse et la haine ordinaire… “ Eh ben Monsieur s’y en a un à tuer ça sera celui-là… et on sera bien débarrassés !…” Cette petite phrase qui vient percuter direct le monsieur qui vend les journaux qui ne sait trop où se mettre et qui répond poliment par un sourire prend la forme d’un énorme ballon rouge s’envolant pour la planète de la légèreté et du bonheur enfin retrouvés dans tout mon être soudain parce qu’elle vient d’être balancée comme ça comme je vous la rapporte par une petite personne au dos un peu voûté et aux cheveux blancs qui a 80 balais et qui me fixe avec ses yeux  bleus pareil aux ciels d’été de nos banlieues… j’y crois pas…

             Ces mots-là elle ne le sait pas mais de les entendre dis comme ça par cette femme qui a l’âge tout juste de ma mère qui est l’aînée que j’imagine féministe des premiers instants et qui n’a rien lâché de son humour magnifique et de sa liberté de dire ce qui nous explose dedans… ces mots-là ils viennent de faire péter en une seconde l’énorme insupportable muraille de peine silence qui m’enfermait depuis plus d’un mois à mort !… Je le sais je le sens à mon rire enfin qui sort de moi oiseau fou et déjà barré haut si haut au-dessus de notre misère à vivre en ces temps alors elle s’approche de moi tout près tout près et ses grands yeux bleus me renvoient toute la bonté et la beauté du monde que j’aurais si bien pu oublier sans elle…

          - Tu ris… tu ris… elle me dit pendant que j’admire son visage aux rides fines et qui accentuent encore l’expression enfantine et passionnée et que j’ai trop envie de la prendre dans mes bras…

            - Ça me fait du bien de t’entendre rire tu sais… tu vois moi j’ai 80 ans et je n’y vois plus très bien mais je continue à causer et à dire les choses… et autour de moi on m’en veut mais je m’en fous… T’es une jeunette toi hein ! t’as quel âge ?…

            Ses yeux du bleu qui en finit plus de m’éblouir et de me prendre et de m’enrouler dans la vague farouche et fraîche de notre jeunesse y a quarante ans de ça… notre jeunesse des sixties quand elle était une jeune femme révoltée et tendre et si belle à la regarder aujourd’hui et moi une petite fille qu’elle tenait par la main dans ce magique été de 68… ses yeux voient au-delà de ce monde devenu tellement vieux et lourd à porter et je pose ma main sur son épaule pour lui dire que le temps a été long mais que nous nous sommes retrouvées enfin… Oui nous nous sommes retrouvées et mon rire oiseau fou l’emporte dans la danse la plus effrénée sur macadam black pendant qu’autour de nous le camarade soleil bat la cadence et tourne tourne la ronde de nos printemps à venir…

A suivre...

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1 juin 2007 5 01 /06 /juin /2007 12:05

                                       Le banquet des Dieux

                                                      Vendredi, 25 mai 2007

Cette nouvelle “ Petite chronique d’une cité de banlieue ” a l’étrangeté de raconter une histoire qui s’est passée il y a plus d’un an déjà et que je m’étais promis alors quand je l’ai vue se dérouler sous nos yeux à l’ami Louis et à moi de mettre rapidement par écrit et puis… Et puis y a eu le travail sur nos Cahiers… et puis y a eu plein d’autres textes à écrire et celui-là qu’était pourtant tellement… féerique alors est passé à la trappe des oublis pour le compte des gros ratounets de nos poubelles toujours trop pleines à craquer de conteries…

Mais le revoici qui après avoir passé par ici repassera par là et faute d’avoir le talent féroce de Bukowski et sa façon impitoyable et totale vraie de raconter le quotidien d’un ghetto et tout c’qui nous vient de la rue… faute d’avoir le don des rappeurs et slameurs qui maquillent la langue de mille masques étincelants fusées d’artifice aux retombées poussières d’écarlates rubis et bleus à mourir… je vais tenter de vous dire en quelques mots de vent l’histoire du Banquet des Dieux…

Donc ça se passait vers le mois de juin de 2006 si je me souviens bien en tout cas un mois de douceur et de chaleur légère qui pousse les gens de notre cité d’Orgemont qui se trouve à Epinay comme vous savez… et qui ont pas lerche de distractions du soir après l’turbin vu que pour retourner aux entrailles de la grande ville faut pas y compter c’est des transports à plus finir et l’ouvrier lui qui comme on l’sait se lève tôt il veut bien le soir si ça vous dérange pas s’reposer un brin… donc les gens des cités ils viennent automatique se rafraîchir les idées qu’ils ont très claires à cette heure au bord du joli Lac d’Enghein qu’est aussi le repère des rupins bien entendu…

Que ça soit l’dimanche après le repas famille sans travail vu que l’dimanche encore on a congé dans ce pays pour quelques temps et sans patrie parce’que c’est un mot qui n’fait pas recette dans ces lieux au banc du bien vivre de tant d’autres… ces blocks béton qui sont d’abord des lieux où le monde entier s’est retrouvé y’a quarante ans pour bosser et alors ton origine on n’te la demandait pas… que ça soit l’dimanche ou les beaux soirs d’été qui ressemblent aux bleus de la nuit étoilée d’un certain Vincent qui aimait bien les gens… on s’retrouve au bord du joli Lac d’Enghein que vous connaissez depuis l’temps que je vous en cause…

Y’a tout l’monde qui crèche dans la cité d’Orgemont la plus proche du lac qui vient avec vélos quand y en a… avec ses pieds ou mobylette aussi… des familles entières pas vraiment de souche des vieux assez vieux sur les bancs qui causent entre eux du bled ou d’la retraite pas terrible mais bon… des jeunes qui se vautrent sur le vert de l’herbe fraîche des pelouses où y a les fameux jets d’eau que les p’tits mômes squattent dès qu’il fait chaud et où ils se baignent tout nus formidables… Et puis des tas d’autres et puis nous avec… Mais ce soir-là autour du Casino où les pingouins bleu marine se dandinent avec fierté et femelles très class et ne font d’habitude que passer pour aller croupiner autour de leurs tables à monnaie et à roulette ruse y a une agitation extraordinaire…

Partout autour des pelouses et jusqu’aux abords du lac mais en laissant quand même pour ne pas trop provoquer et puis parc’que ça serait dur à maîtriser un espace où on peut s’entasser à quelques dizaines de créatures venues des lieux innommables où les ratounets font bombances et poubelles résidences… partout autour des pelouses emperlousées d’yeux brillants et de bulles de champ jaune acides on voit les laquais du Casino installer des barrières métal pour séparer en deux espaces distincts l’espace commun devenu du coup d’un bord “ basse-cour d’acajou ” et de l’autre la rue… Et les gens gentils qui du côté de la rue se pointent curieux matent l’affaire en s’demandant si c’est pour la fête ou quoi que les autres rupins les parquent dehors alors que dehors déjà on y est…

La fête… la teuf comme on dit dans les cités d’banlieue on connaît ça… la teuf on se la fait ensemble dehors quand le camarade soleil du Sud il nous salue en rase mottes et qu’on lui rend bien… on la fait avec du bruit beaucoup de bruit des musiques rasta et toutes les musiques qu’on aime des barbecues party des bécanes qui roulent à fond et freinent aussi redoutable dans des poignées d’étincelles… on la fait la teuf avec les p’tits qui crient en se poursuivant de partout pour un ballon ou un vélo rose pourri avec les chiens qui déchiquètent des boîtes de coca vides avec des rires et des pétards comme si on avait dévalisé une poudrière ça oui ! La fête quoi ! Et la danse et les tam-tams qui battent la cadence ! La fête quoi !…

Alors la fête chez les rupins faut vous dire que c’est pas ça du tout… forcé quand vous avez un pingouin qui vous serre les entournures vous pouvez pas danser gigoter sauter partout en frénésie… la fête chez les rupins c’est un truc que vous maginerez jamais si vous l’avez pas vu… D’abord y a les laquais qui vont chercher des tables qu’ils posent tout contre les barrières avec nous de l’autre côté… la rue qui n’en perd pas une et puis les nappes blanches nickel par-dessus on dirait que c’est la messe qu’ils préparent tellement c’est solennel… et aussitôt derrière la procession des autres bouffons avec plein les bras des énormes géantes caisses de boutenches comme pas une fois de votre existence vous avez reluqué !

Pas que je vous emberlificote mais y avait au moins des centaines de boutenches de champ qu’ils mettaient mécanique à la queue leu leu dans les seaux hop ! un seau une boutenche hop ! un seau une boutenche hop !… tout le long tout le long et le défilé des laquais livrée pingouins aussi qui radine avec les caisses de verres cristal où l’soleil qui s’tire pas invité le camarade soleil tu penses ! l’soleil il fait à l’intérieur des gouttes de sang explosif pépins de grenades ouala … et nous autres on regarde les verres les verres sur les tables des centaines… de plus en plus les gens… la rue… ils s’approchent curieux et les autres sans moufter sans les regarder sans les voir ils étalent déballent installent leur banquet lux dans les pieds nus de la rue…

Après… c’qu’y a eu après quelle importance ?… Les assiettes charcuterie les toasts les caviars les p’tits fours les pâtés croûtes les mousses les crèmes les glaces et l’reste et tout l’reste ça n’a plus d’intérêt que ça… Parc’que la rue déjà elle avait pigé que ce banquet-là les rupins du Casino ils pouvaient se le payer devant leur museau d’enfants ahuris et pas voyous pour deux sous… ouais ils pouvaient leur bâfrer et leur avaler sous le pif de quoi nourrir toute la cité tranquille à une centaine deux cents peut-être gugusses avec le mépris qu’ils mettent à faire tout ce qu’ils font… le mépris et la vulgarité qui est leur marque de fabrique monochrome bien à eux…

Ouais la rue elle avait pigé ça toute affairée qu’elle était à observer la façon dont ça se passe de l’autre côté vu que pas souvent on peut autant s’marer et faire des relevés de sociologie sur la populace des nantis qu’on n’voit en somme que derrière ses murailles de verre miroir très loin très loin… Les gens de la rue ils étaient à force d’intérêt pour le spectacle massés tout contre les barrières et ce qu’ils regardaient là avec des mimiques de curiosité et d’étonnement c’étaient bien les singes d’un drôle de zoo alors…

Des sortes d’animaux en voie complète de disparaître qu’on avait rassemblés dans des cages métal… Et la rue avec ses pieds légers de danseurs de lune aux bracelets de chevilles qui tintaient farceurs et joyeux dans la nuit d’été elle était pour la première fois peut-être le convive radieux du banquet que les petits dieux païens avaient servi rien que pour elle… Le fabuleux banquet des étoiles jaune citron sur bleu outremer qu’un certain Vincent qui aimait les gens avait peint et qui se reflétait à l’intérieur des verres cent fois mille fois cent mille fois devant les yeux émerveillés des gens d’la banlieue…

   

A suivre... 

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25 mai 2007 5 25 /05 /mai /2007 12:34

                                  Petite chronique d'une cité de banlieue

Jeudi, 24 mai 2007 Après la fête…

 

Après la fête justement de ce mois d’avril où presque chaque week-end c’était du bonheur à deux sous et de la joie qu’on sentait à fleur de peau comme un fruit sucré et mûr sur nos lèvres c’est la mort qui s’est abattue sur nous dans la cité un dimanche soir avec son gros couvercle lourd en acier qui a tout étouffé d’un coup !

Ça a sonné comme un glas le silence terrible et si vous habitez dans une cité de banlieue vous savez que les silences c’est pas bon… C’est forcément le signe de quelque chose qui s’est détraqué à fond brutal et qu’ça va faire mal ! Donc pas de merguez ce jour-là rien du tout comme si déjà c’était le signal d’un machin mauvais qui nous guettait et juste à l’heure prévue pour ça on s’est sentis tous en même temps chacun dans nos apparts même si on s’est rien dit enterrés en même temps sous une énorme géante lourde à crever masse de béton… Ce poids-là dans la tête sur le cœur sur la peau partout partout qui faisait comme si la cité entière s’était effondrée sur nos p’tites carcasses d’oiseaux libres du ciel bleu de la banlieue je l’ai jamais ressenti de cette façon jamais…

C’était un poids qu’on venait de prendre sur nous en commun… un poids de mort de nos rêves trop jolis de mort de nos espoirs trop fous de mort de nos désirs trop grands de mort de notre idéal trop pur… de mort totale quoi ! La mort de nos enfances et de notre jeunesse avec ses instants les plus fabuleux en même temps que celle de la jeunesse des gamins de la cité qui avaient cru comme nous autres à… mais à quoi au juste on avait donc cru encore ?…

Y’a bien un type qui est passé en voiture en klaxonnant dans la rue de Marseille et puis il est revenu en sens inverse et il s’est tiré parce que personne… personne du tout pas une fenêtre pas un greffier pas un rat de poubelles pas une voix ne lui a répondu… Silence de mort et c’est tout et c’est tout !… L’autre est allé se la jouer ailleurs vu que sa provoc ça ne fonctionnait pas… plus rien ne fonctionnait… tout était cassé…

Nous deux avec Louis on se regardait comme si on avait vu la cité s’embraser dans un gigantesque incendie et qu’on restait là figés congelés ahuris au milieu de l’affaire… Moi je me suis mise à pleurer comme une môme qui reluque son ours peluche râpé jeté dans la benne aux ordures et qui vient de plonger dans le premier infini sans fond désespoir de sa vie et aussitôt j’ai été à la fenêtre vu que ce genre de truc on peut pas les garder que pour soi c’est trop… J’avais envie de dire des choses aux gens… aux jeunes en bas mais en bas y avait personne… envie surtout qu’ils me disent que c’était pas vrai… un mauvais rêve quoi… qu’ils me rassurent… et à la fenêtre j’y suis restée une partie de la soirée comme quand j’étais môme dans ma banlieue d’Aubervilliers le museau dans le bleu j’ai noyé tout ça au bout de la nuit blues tout au bout…

Louis il a été pris d’un fou rire nerveux qui n’s’arrêtait plus et il m’a dit en me consolant avec sa tendresse extra comme toujours… c’est pas possible… j’y crois pas… c’est une blague… Pas possible hein ? C’est ce que chacun se disait pareil à nous à l’intérieur de son block béton et me semble bien qu’aujourd’hui quinze jours après on se dit toujours en se croisant en bas des halls… devant l’épicier arabe… à côte de la boucherie musulmane… ou du restau turc… en se croisant et en se regardant comme si la lune tout entière nous était tombée dessus ce soir-là mais juste sur nous ceux du 9-3 alors… C’est pas possible hein ?…

 

Légende : ce lapin volant de mon enfane ( y a 40 piges... ) s'appelle Pointutu et il s'était chargé de la mission de conduire les humains direction une vie plus douce et plus humaine où on respecterait la nature et où on arrêterait de consommer et de détruire les forêts et les p'tites bestioles sympath... Chance extrême pour moi : j'aivais des parents écolos qui n'le savaient même pas...

 

Y a bien des jours et des nuits qui se sont passés depuis ce dimanche impansable et impensable et toujours on a la sensation que ça n’est pas réel… qu’on va sortir de ça par une pirouette de clown et se retrouver parmi des gens ouverts généreux fraternels et qui ont mené tant de combats y a pas si longtemps pour que ce p’tit coin de la jolie planète bleue soit un paysage où il fait bon vivre ensemble… Notre banlieue métisse où on a choisi d’être nous autres parce que c’est magique sans voyager de rencontrer des gens et des cultures de partout et parce que c’est ensemble qu’on a grandis forcés à l’époque et ça les arrangeait bien de nous caser dans des cases béton alors !… maintenant faut pas venir nous reprocher d’avoir un drôle de penchant pour nos frangins !…

Karim et les parties de merguez du dimanche… les jeunes garçons blacks autour de la cabine téléphonique aux palabres… “ Eh vas-y ! c’est la teuf c’est la teuf cousin !… ” les p’tits mômes de l’école Rousseau maternelle qui descendent du bus du centre aéré en se chamaillant de toutes les couleurs… le vieil homme juif marocain du 2ème étage qui me sourit en passant… et notre voisine africaine avec son boubou vert d’herbe fraîche comme y en a pas là-bas et ses éléphants qui courent dedans et moi qui ai la peau blanche dehors mais qu’est-ce qu’on s’en tape alors !

Ouais tout ça ce qui fait notre bonheur d’être simplement vivants sur notre petit bout de planète bleue ils vont essayer de nous le piquer de nous le rapter de nous le réduire peau de chagrin… Tout ça… notre insouciance à flâner au soleil comme des lézards dès que les odeurs bonnes du printemps nous reviennent… notre plaisir à faire la fête à taper sur les casseroles comme sur des tam-tams pour la musique improvisée des grands soirs… notre joie à rire de rien et à regarder avec envie les p’tits mômes salir l’eau des bassins des rupins du casino d’Enghein… et la passion qu’on met à repeindre de taggs aux couleurs terribles les murailles gris béton de nos blocks que d’autres ont faites tristes à mourir et où ils ne mettent jamais les pieds alors !…

Tout ça… ouais… notre énergie solidaire à vivre ensemble et à aimer les odeurs les musiques les langues les histoires les imaginaires les nourritures les fringues d’un certain Sud… notre enthousiasme pour tout ce qui nous vient de la rue et de nos quartiers… notre jeunesse et notre folie toujours… nos illusions qui nous font grandir mais jamais vieillir nos utopies et notre désordre chaleureux… notre Far-West et nos brasiers de feuilles mortes autour desquels on danse on danse on danse !… Ouais tout ça ils veulent nous l’interdire et pervertir la chance que nous avons de le partager…

Interdit ! Obligé ! Interdit ! Obligé !… mais les p’tits frères des quartiers comme le chante si bien I am n’ont rien à fiche des mots d’ordre d’un pouvoir décadent qui n’a ni morale ni convictions sauf… Mister Pognon ! Alors pour les p’tits frères justement et pour qu’il ne leur arrive pas de se faire du mal à eux-mêmes en croyant détruire un monde injuste et vide de sens… pour les p’tits frères qui jouent aux grands et qui ne doivent pas mourir si tôt et pour celles et ceux qui ont envie de découvrir leur étrangeté en se frottant à celle des autres… et pour la vie tout simplement… entrons en résistance avec un grand un formidable éclat de rire !

A suivre...

                                            Alger au loin

                                           ( gravé sur l’herbe )

                                                 Jean Sénac

(…) Recule, mort ! Enraye dans ces pierres roses la marche absurde du trident !

Et vous, mes lointaines familles, oh, ne ricanez pas des ramages

de l’exilé. Parmi tant d’inutiles phrases, un mot va demeurer, un geste,

comme une note de guitare, où soudain mes écarts prendront une allure

de destin.

 

Je n’ai fait toute chose, je n’ai accompli de service, que pour toi seul,

amour, lumière entre les hommes, fraternité !

 

Enfants de mon pays, je vous ai vus courir ensemble sur la plage,

libérés de nos races et libérés du sang.

 

Enfants, pourrai-je voir votre bonheur adulte ?

 

Recule, mort, recule et rompt mes étriers !

 

Ici, dans la douce verdure, la nuit d’échardes me défend.

La longue nuit sans qui le soleil est mirage.

 

Rodez, 8 septembre 1957

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4 mai 2007 5 04 /05 /mai /2007 13:08

Petites chroniques d’une cité de banlieue

On vit ensemble

Mardi, 1er mai 2007 Merguez et compagnie…

 

Quelques mots fraternels depuis notre banlieue du 9-3 pour se tenir chaud par ces temps très durs.. Il va falloir résister et se serrer plus que jamais les coudes ! Proches et solidaires les uns des autres.

Rebelles et créateurs !

Ça fait un moment que j’écris sur la banlieue et à partir d’elle et que je tente de raconter des histoires qui se passent dans la cité où habite mon ami Louis à Epinay dans le 9-3… des histoires qui nourrissent mon imaginaire et dont j’ai envie de témoigner… Envie d’écrire ce qu’on n’lit pas ailleurs dans les journaux et les revues qui se vendent partout… de tenir une chronique de la cité et de parler des gens d’ici parce qu’on vit ensemble tout simplement et que j’aime ça !

Mardi c’est férié la chance tu parles ! Pour les jeunes qui ont pas de job et qui sont souvent en bas sur les trottoirs de la cité à s’balader ou bien assis à côté de la cabine téléphonique sur le banc béton construit là en rond juste pour la palabre c’est une journée pas mieux qu’les autres vu qu’y aura toujours rien à faire… Rien à faire ? Eh bien non ! justement c’est pas vrai du tout…

Depuis qu’il s’est mis à y avoir ce printemps qui a jamais été aussi magique avec les arbres qu’on a la baraka d’avoir partout dans notre cité sur les parkings autour des blocks qui nous font un peu la campagne… p’tits veinards qu’on est à côté d’autres cités bien moins vernies comme Les Bosquets à Montfermeil par exemple… depuis le printemps en folie et les p’tits piafs partout les jeunes ont eu une idée extra pour pas rester à glander au pied des halls et se faire quelque monnaie de manière pas nulle !

Ils ont entrepris d’organiser le dimanche une après-midi merguez sur barbecue et thé à la menthe qu’ils bradent à leurs potes et aux gens d’la cité qui veulent pour trois sous avec la tchache en prime et l’harissa par-dessus bien entendu ! C’est un des garçons qui crèche à deux escaliers du nôtre qu’a pris ça en main vu qu’il a l’air d’avoir le sens d’l’organisation sous le tee-shirt tatouée et l’autorité qu’il faut pour mener l’affaire et qu’les autres lui prêtent la main sans moufter…

Karim il habite là depuis sans doute pas mal de temps car il connaît tout l’monde dans l’paysage du coin et les gens l’ont à la bonne c’est clair… Le premier dimanche où ils ont fait ça c’était frénétique à fond et il courait dans tous les sens en gueulant des ordres et des contre-ordres mais on voyait bien que c’était pas n’importe quoi et qu’il avait préparé l’opération sacrément bien… D’abord y avait l’matos qu’était prêt à portée les planches les tréteaux les tabourets pour installer l’bazar dessus… le barbecue avec la réserve d’charbon les cartons pour pas qu’le vent y s’en mêle et fasse tout foirer…

Au départ quand on a vu ça l’ami Louis et moi on s’est dit c’est génial ! Déjà on savait qu’ici dans la cité on vit ensemble des gens de partout sur la terre et ça se passe plutôt bien… Mais là y a eu d’abord quelqu’un qui a prêté le barnum du marché parc’que l’soleil il tape aussi raide que si on était à Alger ou au bled cousin ! c’est pas d’la blague… Il leur a installé l’barnum pendant que Karim faisait les aller-retour direction la boucherie musulmane qu’est juste à côté pour emprunter les nappes en papier les serviettes et les sacs poubelles… pas question d’tout saloper autour ça non !

Ils étaient tous là à bosser préparer les merguez les morceaux de pain pour les sandwichs l’harissa et la moutarde avec la théière argentée et les petits verres multicolores… et ça s’est mis à sentir bon extra avec la radio pour donner d’l’énergie la musique arabe enfin c’était la fête quoi ! Les gens ils revenaient des courses les poussettes et les gamins qui courent partout et ils s’arrêtaient pour voir curieux de c’qui s’passait et causer un bout… ça fait des échanges rigolos et tout le monde voit que les jeunes ici dans la cité ils font des choses pour s’occuper et qu’ils se débrouillent sacrément ! Enfin c’était la bonne ambiance la journée entière et aussi tard dans la soirée vu qu’le printemps c’est pas tous les jours faut en profiter…

Donc mardi c’est l’jour du 1er mai et dans notre banlieue comme dans presque tout le 9-3 on a pas tellement d’endroits chouettes où aller et y a à nouveau la partie de merguez ça fait d’la distraction pour nous aussi… Je sors voir si des fois je trouverais pas un brin de muguet égaré dans l’secteur vu que cette année c’est la première de ma vie depuis que je m’souviens que je m’suis débrouillée pour pas avoir un brin d’muguet le jour de la fête des travailleurs ! C’est sacré ce jour-là alors mais voilà du muguet y en a pas beaucoup à cause du printemps très beau… c’est comme ça…

Je descends tranquille et au passage je croise notre voisine d’en face du palier une dame black superbe qui vit avec ses enfants et qui sors aussi mais pour les ordures… elle a son boubou vert émeraude et les éléphants dessus qui courent… On a l’habitude on s’entend d’un appart à l’autre avec nos cloisons papier cigarettes… mais ça gène pas c’est la vie…

Bonjour ça va ? Ça va… Ça va al hamdou li’l’ah ! On se sourit et hop ! je saute les marches du quatrième où on habite et je rencontre son mari avec le keffieh palestinien rouge autour de la tête et le boubou bleu nuit d’Afrique qui est encore plus extra que nos nuits d’banlieue… il s’écarte pour me laisser passer et à nouveau… ça va ? ça va… Il a le visage marqué des gens qui ont pas mal trimé et les marques sur le front des rituels africains qui s’mélangent à ses rides… c’est un visage fort qui ressemble à un masque ébène ou dans le genre et jamais il laisse rien voir même au fond d’ses yeux… J’voudrais bien lui parler mais j’ose pas… enfin dans quelques années peut-être si on nous laisse vivre les uns avec les autres en bonne amitié…

Sur l’trottoir j’arrive à la hauteur des merguez et du thé à la menthe et je m’arrête pour dire bonjour et mater comment ça fonctionne en prenant l’air du temps… tranquille la cité ce matin c’est vraiment un jour de vacances pour tout l’monde ou presque… Soudain y a la porte du hall à côté qui s’ouvre fort et tout une troupe de jeunes femmes avec les poussettes et les gamins dans les jambes qui déboule en riant et en parlant les langues que je n’connais pas…

Je remarque une très jeune qui porte le voile par-dessus la robe longue noire et qui doit être drôlement belle car le bout d’son visage qu’on voit et ses yeux sont mirages trop magnifiques ! Elle est africaine et ses copines arabes avec le voile aussi mais de couleur et les gamins tous habillés comme les autres mômes de la cité multicolores les fringues habituelles jeans et tee-shirts… Ils jouent et se chamaillent pendant qu’elles causent causent… D’un coup c’est l’branle-bas total et je comprends pas tout d’suite en les voyant se précipiter à traverser la rue dans tous les sens comme si y avait le feu…

C’est le bus qui s’arrête à l’extrémité de la cité qui arrive vrombissant toute vapeur… le bus pas le nôtre le 154 notre autobus des brousses que vous connaissez… mais c’est le bus quoi ! et là quand vous avez une robe longue qui arrive sur les pieds pour courir c’est pas gagné ! Elles passent devant avec les p’tits dans les pieds et je me dis danger quand je vois Karim sortir de je n’sais où sur un p’tit vélo rose de môme qui fait un signe de la main au chauffeur qu’il ralentisse et qu’il les attende…

Le conducteur c’est un homme un peu fort qui a la moustache et qui connaît la cité pour sûr car il répond à Karim et dit bonjour au passage signe qu’il a compris qu’il attend… d’ailleurs les chauffeurs ici ils attendent toujours… la jeune femme black elle essaie de courir le plus vite en tirant par la main une petite fille dans son jogging rose et en poussant la poussette qui se prend dans ses pieds c’est hard ! Sa copine est déjà arrivée et grimpée dans le bus… elle rit et elle court… elle court et elle rit… les gens ont fini de descendre… elle arrive pas à aller plus vite…

Je vois le chauffeur du bus qui regarde dans son rétro et elle est enfin devant la porte mais la poussette veut pas elle résiste… sa copine attrape la petite et la hisse et c’est un monsieur un peu âgé un visage pâle comme moi qui saisit la poussette et la monde dans l’bus et elle embarque avec toujours le fou rire… C’est bon on se tasse comme on peut et le bus démarre pendant que les merguez sentent très bon et que le thé à la menthe coule dans les petits verres vert vert…

Toujours pas de brin de muguet à l’horizon… j’ai été jusqu’à la boulangerie marocaine qui fait l’angle et j’ai rien trouvé sauf le pain car aujourd’hui c’est ouvert évident !  Pendant que je fais la queue pour le pain y a une voiture qui est arrêtée au feu du croisement tout près de la boulangerie et qui n’redémarre pas au vert… Derrière ça attend on a l’habitude… et puis ça klaxonne un peu mais toujours ça n’démarre pas…

Un jeune garçon de la cité s’approche de la fenêtre passager et semble expliquer quelque chose à une grosse dame qui a l’air toute paniquée. Le moteur est noyé elle sait plus comment faire… Encore rouge puis vert… ça démarre pas… y a des gens qui s’demandent ce qui se passe et le patron du restau turc où on mange souvent avec l’ami Louis se décide vu que la dame est plus capable de rien on dirait par l’angoisse sans doute…

Il s’approche et lui ouvre sa portière… il lui prend le bras et la conduit pour qu’elle s’assoie à la place passager… il lui explique que le moteur il est noyé… c’est rien… il va pousser la voiture et la garer pour que les autres ils passent et elle va boire un verre d’eau…  ça ira mieux… Et la voiture aussi dans deux minutes elle redémarre… Je l’entends qui bafouille affolée comme si elle trépassait… vous croyez monsieur ? Mais oui mais oui c’est rien… c’est l’moteur qu’est noyé… Alî apporte de l’eau pour la dame…

Il gare la voiture près de la boulangerie et la dame avale son eau avec un regard panique sur les gens qui sourient en sortant avec le pain… Le patron du restau turc récupère le verre vide qu’il pose par terre et il l’aide à reprendre sa place dans l’auto au volant en lui expliquant comment faire pour pas caler à nouveau tout d’suite… elle fait que répéter de la même voix vous croyez monsieur ? vous croyez ?… Mais oui ça va aller… c’est rien… c’est rien du tout… Elle finit par se décider à accélérer à fond en faisant hurler la machine et fonce de l’autre côté du carrefour comme s’il y avait un énorme monstre à ses trousses…

Le patron du restau turc ramasse son verre vide et on se croise au moment où il rentre dans sa boutique avec l’air gentil qu’il a toujours… Les voitures neuves hein ! … il dit ça serein et un brin amusé… La dame était tellement affolée qu’elle n’a dit merci à personne et pour sûr que jamais plus elle ne repassera par ce coin-là où tout est si… dangereusement imprévisible… J’aimerais bien savoir ce qu’elle va raconter autour d’elle de son aventure… Mais de quoi elle avait peur au fait ? Et toujours pas de brin de muguet à l’horizon…

Zut ! je renonce… Et je reprends le chemin de chez nous en me disant que quand même ils sont formidables les gens parmi lesquels on vit… Quelle chance on a de s’être retrouvés là alors qu’on est originaires des quatre coins de la terre… Et quelle chance c’était jusqu’ici comme le chantait ce matin un jeune rappeur sur FIP de vivre dans ce pays où d’autres se sont battus pour qu’on ait le bonheur d’y être libres… et d’y être ensemble !      

A suivre...

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13 janvier 2007 6 13 /01 /janvier /2007 01:15

                                       Sans eux sans ailes     Ce thème de Banlieue terre d'exil nous a sans doute permis d'exprimer de manière indirecte ce que nous ressentons face à l'exclusion de ceux avec lesquels nous avons grandi et vécu jusqu'ici et qui se pensent à juste titre autant chez eux dans nos banlieues que nous le sommes nous autres.

      Et on n'affirmera jamais trop que ce paysage que nous partageons est notre demeure commune, notre macadam blues que nous défendons ensemble des chasseurs de têtes et que ces mots nous relient plus que jamais en dépit de ce qui peut parfois nous séparer et qui n'est autre que notre singularité.

      Non ! elle ne repartira pas la grande tribu des fleurs d'agaves, ou bien alors il ne restera derrière elle qu'un désert de feu et une tristesse aride infinie...

      Mardi, 12 décembre 2006 

       Pourquoi elles partiraient les hirondelles leurs ailes noires comme nos toits d’ardoise fardés d’indigo où elles accrochent leurs hottes de laine et de roseaux. Nos toits d’ardoise qui battent de l’aile sans elles qui leur nouent des écharpes de cris autour du cou.

      Ils farandolent grave nos toits quand les frissons grelots s’aggravent et le givre partout.

      Pourquoi elles partiraient les hirondelles qui crèchent dans nos jardins bleus d’banlieue alors qu’en Afrique on a fait d’elles des déesses que les villages blancs comme lait caressent. Pourquoi elles partiraient elles qui ont choisi nos jardins d’banlieue et nos pluies tristesses.

      Pourquoi elles partiraient elles qui filent des tissus de soie douce à nos déserts béton et leurs petites maisons qui nous enchantent.

      Pourquoi elles partiraient nos princesses nos fées qui dansent des barcarolles dans nos greniers hantés d’odeurs de pommes séchées et de vieilles poupées.

      Pourquoi elles partiraient elles qui mènent les rondes de nos cours d’écoles et qui nous affolent sur les fils rassemblées et si elles allaient tomber ! Elles qui  survolent nos enfances métisses où on échange des bâtons de craie contre du réglisse.

      Pourquoi elles partiraient… parce qu’y a plus de blé à partager ?

      En Afrique on a construit pour elles des palais des merveilles et dressé des lits de pétales de roses d’une blancheur de lait. On a tendu des tentures vermeilles sur l’horizon et les mangeoires sont pleines de graines d’anis et de cumin.

      En Afrique des terrasses agrippées aux ciels elles sont les reines et les puits farandolent de jasmin grelots quand elles reviennent.

      Si elles partaient les hirondelles pourquoi voudrais-tu qu’elles reviennent ?

      Il n’y a pas de cage pour les oiseaux du vent aucun barbelé qui les retienne. Si elles partaient les hirondelles leurs ailes noires pointillant le lait blanc de la lumière d’Afrique nos étés seraient comme du pain sans sel et sans levain.

      Les caravanes nomades ont initié le chemin du Sud vers le Nord et du Nord vers le Sud comme un lit aux draps d’eaux vives qui se nomme demain.

      Un lit bon pour le corps fatigué de ceux qui rêvent d’une âme sans peine.

      Un lit aux draps défaits où nos songes métis rencontrent d’autres songes vagabonds.

      Si elles partaient les hirondelles aux ailes blacks pourquoi voudrais-tu qu’elles reviennent.

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