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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

22 janvier 2009 4 22 /01 /janvier /2009 22:48

      Le marchand d'oiseaux

      Cela s’était passé un matin de Mai je m’en souviens. Cela s’était passé au moment le plus frais des cerisiers. Celui où tu avais pris l’habitude au lieu de te rendre à l’école de marcher pieds nus dans l’herbe lorsque les mains des magiciens retiennent les gouttes d’eau. De marcher pieds nus tes chaussures nouées autour de ton cou sous les églantiers blancs. Tu nous avais regardé passer la bête et moi le visage enfoncé dans nos pensées de solitude sans doute car nous ne parlions pas.
      Tu t’étais caché dans l’odeur mielleuse des baies naissantes et le goût acidulé des petites pousses vertes au bout des branches de cette année comme un jeune hérisson inquiet et excité à la fois par ce qui allait arriver.
      Tu as eu envie quand tu nous as vu disparaître entre les branches lourdes qui pleuvaient leurs masses de parfums crèmes et orangés de pousser la porte rouge du petit jardin. Mais tu t’es repris aussitôt par la peur que tu avais d’y être enfermé à ton tour.
      Alors tu as attendu en surveillant le vol taquin des mésanges charbonnières. Et puis soudain la porte a grincé de nouveau et une main si fine que tu l’as pensé être celle d’une créature féerique s’est posée sur le bois écaillé qui avait la douceur d’une ancienne écorce.
      Alors tu t’es approché avec dans le dos des ruisseaux de sueur sous ta chemise. Et tu as saisi au fond de ta poche une grosse poignée de billes si claires qu’on aurait dit des citrons ou des berlingots à la pâte filante. Et tu as tendu ta main vers moi comme pour une offrande de jour nouveau.
      Ma paume était pleine de pétales de roses sang et la bête à mes côtés ne disait rien. J’ai regardé les billes couler tels des berlingots entre mes doigts et les pétales de roses s’envoler légers vers le soleil. On aurait cru la queue d’un cerf-volant à la ficelle cassée. Fragiles tu as serré mes doigts dans les tiens et tu as dit :
      - Si tu veux je connais un endroit où il y a des iris d’eau et des nénuphars…             
      Et comme je te souriais et que j’hésitais devant ta tignasse où s’emmêlaient des brindilles d’églantiers au-dessus de tes yeux de noisettes tu as demandé en pointant de l’index les griffures sur mon visage :
      - Et ça qu’est-ce que c’est ?…
      - Oh ! je t’ai répondu… Ça c’est les roses… Mais ça n’est pas grave… Non ça n’est pas grave du tout…
      Pendant que nous remontions en riant le chemin qui mène à la forêt nos deux mains nouées tu pensais que maintenant cela n’avait pas d’importance si on se perdait un peu de vue dans le fouillis de la vie. Car tu possédais le signe. Et le signe te permettrait de me retrouver n’importe où sur la terre qui est plus grande sûrement qu’on le voit au fil des cartes qui n’ont jamais bougé des murs d’ennui de l’école.
     Toi partout où tu irais tu te souviendrais des doigts si fins sur la porte écaillée rouge comme un coquelicot à peine entrebaîllé.


      La première fois où je t’avais vu à nouveau j’étais assise seule en plein milieu de la salle du bar accoudée presque endormie à cette table rouge vermillon car le marchand d’oiseaux m’avait fixé rendez-vous.

La première fois où je t’ai vu à nouveau j’ai compris la tragique et silencieuse beauté de la bête quand j’ai contemplé tel un mirage nuage le kaléidoscope de ton regard émerveillé se dépliant grave de douceur et de passion polisson. Ton regard qui redonnait d’un seul embrasement un souffle venu de loin à toutes ces roses fanées sur moi.
      Car la bête qui loge dans nos antres a le front barré d’une nostalgie obstinée d’avoir été si longtemps présente mais obligée de se cacher à nos côtés. Maintenant je sais qu’elle a le droit d’apparaître dans la lumière et les parfums du jour tout autant que le tournesol dont les mille visages sont agréables à surprendre entre les mains des magiciens mouillées de rosées.
      C’était un dimanche matin et la bête et moi nous nous sommes enfin réconciliées avec toutes les aubes frissonnantes.
      C’était un dimanche matin à six heures alors que tu venais de prendre ta douche brûlante sous laquelle ta peau se défaisait un peu de son costume de fatigue et du maquillage de lassitude ordinaire que l’usine n’en finissait pas de fabriquer. Après les vestiaires tu glissais vite la petite carte dans la fente de la pointeuse machinale dont les dents étaient depuis longtemps usées avant de chercher dans le brouillard entre roudoudous et framboise rose cendre ta voiture quelque part… tu ne savais jamais où… au milieu du parking à moitié vide ce jour-là.
      C’est en ouvrant la portière que tu l’as senti se poser sur ton épaule gauche mais senti à peine car il ne pesait pas plus lourd que le vent jouant joyeux dans ton cou.
      C’était un perroquet vert pomme ou bleu turquoise dont la petite tête aux yeux de billes jaune citron s’est nichée contre ton oreille avec des cris d’amitié bien reconnaissables.
      - Eh bien bonjour !… tu as dit pendant que la voiture crachouillait vaguement de fins flocons gris mauves avant de démarrer.
      - Bonjour !… Bonjour !… a crié le perroquet vert pomme en surveillant d’un œil chacun de tes mouvements.
      - Eh !… pas dans l’oreille s’il te plaît… Et tu as patienté quelques instants avant de demander sans le regarder :
      - Alors j’espère que tu sais où on va car moi à cette heure je ne sais plus rien du tout…
      - A gauche toute !… s’est exclamé sur un ton de commandement sévère et goguenard le perroquet bleu turquoise.
      - A gauche toute d’accord !… mais pas dans l’oreille… tu as obtempéré avec un grand rire que le perroquet vert pomme a repris en sourdine aussitôt.
      A chaque croisement tu avais droit à un :
      - A gauche !… ou A droite !… strident tandis que le perroquet vert ou bleu effectuait sur ton épaule une danse de plus en plus frénétique et que les plumes de sa tête se redressaient lui offrant une couronne de petit roi.
      - C’est ici !… C’est ici !… il s’est écrié soudain en se mettant à voleter dans le kokpit de la voiture où le soleil tissait une buée que les mains des magiciens parsemaient de poussière d’ambre rose légère.
      - Ici !… Ici !… Juste à côté du bistrot “ Au chien qui fume ” il a fallu encore que tu négocies un créneau avant de le suivre tourbillonnant au-dessus de toi et jacassant au point que tu as enfoncé tes doigts dans tes oreilles jusqu’à ce qu’il disparaisse par la porte rouge entrebaîllée dans la lueur rouquine du café.
A suivre...
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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 23:08

      On oubliera pas...

      Après ces trois semaines de violence dont nous sommes à peine en train de nous remettre un peu il y aurait bien des choses à dire sur l'indifférence absolue de la plupart des gens ici devant ce qu'on fait aux autres mais on a l'habitude... ça fait vingt piges que ça dure dans ce pays ils sont autistes... ne voient qu'eux et leurs petites affaires... leurs soldes leurs sports d'hiver leur prime de fin d'année.... Pauvres gens....
      D'autres heureusement ne leur ressemblent pas mais alors pas du tout ! Marie Virolle mon amie qui habite Vallauris et dont l'assoc Le Moulin des deux rives fait travailler écrire danser faire de la musique ensemble aux fous qui des deux côtés de la Méditerranée ont envie de se rapprocher et de s'éclater ensemble m'a écrit des mots qui font du bien...
      La Zaïne c'est la cité de Vallauris où vivent la plupart des gens qui ont pas beaucoup de pognon et une grande quatité d'immigrés et leurs familles deuxième et troisième génération on connaît le principe... C'est dans la cité que des quêtes ont été organisées pour envoyer des médicaments de la nourriture et tout ce dont les enfants de Gaza et les familles pouvaient avoir le plus besoin durant cet abominable Noël qu'on oubliera pas c'est sûr... Et comme me le disait Marie : " tout le monde a donné ce qu'il n'avait pas... c'était beau... " Ouais... entre frangins de mistoufle faut s'entraider et la solidarité ça existe encore z'inquiétez pas... on fera ça sans vous...
      Non... on oubliera pas les p'tits mômes de Gaza traumatisés à donf pour toute leur vie... massacrés amôchés et le reste... On oubliera pas les citronniers déracinés les champs labourés par les chenilles des tanks dernier cri... les fermes dévastées les vaches zigouillées l'eau polluée les détritus éparpillés...
      Cette terre-là aussi c'est la nôtre... toute la terre est aussi la nôtre et les enfants de Palestine assassinés sont les nôtres...
      Pour eux pour effacer la honte de ce que des adultes imbéciles et barbares ont fait on reconstruira on recommencera une fois encore... pour la vie qui était la leur et qui nous reste au creux des mains...

GAZA : on n’oubliera pas

                                                                                       Camp de Khan Younis  Gaza 1993  

Publié le 19-01-2009

 

      Israël a déjà mis au point tout son arsenal de propagande pour aider les “ faiseurs d’opinion ” à effacer le plus rapidement possible le souvenir des atrocités commises par son armée, et à redorer son blason. Pour des centaines de millions de personnes dans le monde, c’est peine perdue. Et le billet que nous envoie Paula, traduit bien que nous ne sommes pas dupes et que nous n’oublierons pas.

 

ZEITOUN

 

      Ils ont dix-huit ans peut-être vingt. Ils surveillent, armes au poing, les alentours peu sûrs. Ils prennent possession du lieu, un immeuble éventré par leurs amis venus du ciel et jouant du cerf-volant à la beauté assassine. Dans les gravats, gît la mère au corps ensanglanté. Les enfants s’agrippent aux jupes, au foulard, à la chevelure, à ce qu’il reste de sa tendresse protectrice.      
      Les enfants murmurent : maman, maman… La vie est en eux encore et ils voudraient se lever. Les petites jambes frêles après dix-huit mois de privations infligées les abandonnent. Ils retombent serrés à la mère. Ainsi ils demeurent quatre jours durant.

      Ils ont dix-huit ans peut-être vingt et ils amoncellent maintenant terre et caillasse, manière de ne pas voir, de ne pas entendre les petites voix qui dérangent. Après moult discussions locales et onusiennes, au bout de quatre jours une ambulance est autorisée à venir sur les lieux. Le petit amoncellement ne lui permet pas de passer. Les secouristes sautent du véhicule sous les menaces et injures des jeunes hommes armés et crispés.

      On va chercher un âne tirant une carriole pour dégager la mère et les enfants. Alors ils pointent leurs armes sur l’âne, la carriole, la mère, les enfants, les secouristes.

      La misère fait des ravages dans la jeunesse armée. Mais quand le travail sera terminé, on leur offrira pour soigner leurs cauchemars un voyage en Inde ou en Amérique Latine pendant un an ou deux.

      Et dans vingt ans nous aurons un autre très beau “ Valse avec Bachir ” que nous applaudirons.

      Ils auront bien travaillé les petits, ils seront même capables après tant d’années de bouleverser les salles de cinéma du monde entier qui aura oublié la mère et ses enfants. Et les enfants auront-ils oublié ?

Paula

















Gaza  Janvier 2009

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17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 22:16

D'autres printemps à Gaza...
 
Petit âne avec sa charette à Khan Younès en 1993

     
      A la veille de ce que nous espérons être les derniers moments de l'épouvante que vivent les enfants de Gaza j'ai recopié pour vous le faire découvrir ce témoignage de la vie quotidienne dans un lieu sous les bombes écrit par une jeune femme de la ville de Khan Younès.
      Mon ami Marc avait été au camp de Khan Younès au moment du processus de paix en 1993 et les photos qui accompagnent ces articles depuis le début de la guerre menée par Israël contre les Palestiniens sont celles qu'il avait prises alors...
      Ce témoignage plein de tendresse de joie malgré l'horreur et la peur et d'humour nous fait du bien je crois alors que tant de mal est arrivé déjà aux enfants de Gaza qui comme tous les enfants ne sont responsables de rien de tout ça ! Que cette guerre atroce comme toutes les guerres se termine vite vite et que les enfants de Gaza aient enfin le droit de rire et de jouer dehors comme tous les gamins sans que la mort ne leur tombe dessus...
      Nous souhaitons à Majeda que son témoignage de la vie sous les bombes s'arrête là et que le prochain soit un message qui nous dise que la vie va renaître et qu'il y aura d'autres printemps à Gaza et à Khan Younès...

" Il n’y a rien de plus effrayant que les bruits de la guerre "

Deuxième rendez-vous avec Majeda al-Saqqa, animatrice socioculturelle à Khan Younès, qui tient un journal de bord sur le quotidien d'une famille sous les bombes.

 

Jeune femme à Khan Younès en 1993

MAJEDA AL-SAQQA

     Nous poursuivons aujourd’hui la publication commencée lundi ( Libération du 12 janvier ) du carnet de bord de Majeda al-Saqqa. Animatrice socioculturelle à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, elle tient un journal depuis le début de l’opération israélienne " Plomb durci ", le 27 décembre. Voici de nouveaux extraits de cette vie au quotidien sous les bombes d’une famille palestinienne.

 

MERCREDI 7 JANVIER: l’orchestre de la guerre

 

       Comme dans une boîte de sardines, nous sommes tous regroupés dans une seule pièce. C’est devenu trop dangereux pour mon frère et ma famille de dormir à l’étage. Et c’est très angoissant de voir la maison trembler. Wael et moi partageons un petit matelas étalé au sol. Nous regardons ensemble des photos sur mon téléphone portable, en tentant d’ignorer l’orchestre de la guerre dehors. En l’espace de quelques minutes, Wael s’endort en suçant son pouce, le portable dans une main. Je m’éveille en sursaut à cinq heures. Wael dessine sur mon visage avec ses petits doigts et chuchote à mes oreilles: " La guerre est finie, nous devons sortir. Tu es mon avion. Levons-nous. Je veux aller au jardin d’enfants.
      - Nous irons quand la guerre sera finie.

       - La guerre est finie.

        - Non, la guerre n’est pas finie. "
       Il réveille tout le monde et à 5h30, toute la maison est en mouvement. A 8 heures, le soleil brille et nous avons de l’électricité. Wael vient de prendre sa douche et descend les escaliers avec sa veste rouge. " Allons-y ! "
       - Non, dis-je, la guerre n’est PAS finie ! Wael, crois-moi, c’est trop dangereux de trop s’éloigner de la maison. " 
        Il va dans le jardin et décide de jouer exactement là où je lui avais dit de ne pas jouer : devant notre jardin, sur la gauche, il y a un immeuble que les Israéliens ont déjà bombardé. Tout le monde s’attend à ce qu’ils recommencent.
      - Wael, je t’ai demandé de ne pas jouer là.
      - Je t’ai demandé de me faire sortir. 
      - Mais c’est dangereux ! "

     Au milieu de cette discussion frustrante, ma nièce débarque de chez elle, à deux maisons de la nôtre. Dima, 9ans, a pu, elle aussi, se doucher aujourd’hui. Elle s’assoit au soleil pour se réchauffer.

     Je rentre à la maison. Wael me suit. Soudain, une énorme explosion. Les avions noirs sont partout. Ils tapissent le ciel. Un bruit effrayant. Dima hurle, elle ne peut pas bouger. Elle est seule dans le jardin. Partout dans le voisinage, des enfants pleurent. Wael se cramponne à mes jambes, en suçant son pouce. Je le relève et le donne à sa mère. Je récupère Dima. Elle tremble. Elle hurle. J’essaye de la serrer dans mes bras, mais tout son corps est raide, sauf ses jambes qui tremblent. Les avions sont toujours dans les airs. 
       - Je ne veux plus sortir aujourd’hui, lance Wael. Je confie Dima à sa mère. Je sens chaque battement de son cœur. Elle pose sa tête au creux de mon cou. :
       - Dima, calme. Ils sont partis. Ils n’ont frappé personne. C’était juste un exercice.
       Cette fois, je ne mens pas. Mais la vérité n’a guère d’importance.

 

VENDREDI 9 JANVIER : trois secondes de survie

     Aujourd’hui, ma mère a rapporté une vieille lampe à huile dont elle a hérité de sa mère. Elle a longtemps fait partie du décor de notre salon où étaient conservés les souvenirs kitsch. Ma mère l’a rempli de mazout bien que la moitié de la famille y soit allergique. La lampe diffuse une douce ambiance. Curieusement, chacun de nous assis dans ce salon, parle tout bas, comme si nous devions masquer nos voix à quelque chose, à quelqu’un. Je ne sais pas.
     - J’ai l’impression que l’un de mes points de suture est en train de lâcher, dit Zeina. Mon médecin est à Gaza et la route pour y aller est coupée. De toute façon, les hôpitaux ne soignent que les urgences et ça n’en est pas une !
      Hitham me regarde et demande :  
      - Peux-tu le faire ? 
       - Moi ?
       - Oui, toi…

     Avant qu’il ait fini de parler, la maison tremble de gauche et de droite, dans un horrible bruit sans fin. Des courants d’air s’engouffrent par les fenêtres, les portes claquent. Un éclair immense illumine toute la ville de Khan Younès. Nos yeux fixent la porte. Nous essayons de nous souvenir de ce que nous avons appris hier, quand un F16 ( avion, nlde ) frappe ton quartier. Mais est-ce bien un F16 ? S’il s’agit de tirs de chars, les instructions sont différentes.

     Apparemment, nous sommes de mauvais élèves, parce notre seule réaction est le silence. Nous restons les yeux fixés sur la porte et attendons. Peut-on dire " attendre " quand il ne s’agit que de trois secondes ? Je suppose qu’à Gaza, c’est le cas. Trois secondes à Gaza peuvent changer votre vie. Puis, comme des athlètes sur la ligne de départ, nous fonçons tous en même temps vers le jardin. La fumée s’élève à plus de 500 mètres de la maison. Dieu merci.

     - Nous avons survécu à une nouvelle frappe, déclare ma mère. Nous avons survécu trois secondes de plus. Dorénavant, notre survie s’évalue en secondes, plus en jours.

 

SAMEDI 10 JANVIER: au marché aux légumes

 Au camp de Khan Younès en 1993

       
       Après une nuit horrible de tirs de chars, de bombardements de F16, peut-être d’Apache ( hélicoptère, ndle ) de drones et, le plus inquiétant de tout, l’odeur des gaz au phosphore qui nous parviennent du voisinage, je veux m’excuser, aujourd’hui, auprès de tous les musiciens du monde pour avoir employé le mot orchestre au sujet des bruits des bombardements. Il n’y a rien de plus effrayant et de plus laid que les bruits de la guerre. Aujourd’hui, je ne plaisante pas. Pas assez de nourriture à la maison. Découragés, les enfants veulent quitter cette prison. La fin n’est pas pour aujourd’hui. Il n’y a pas d’endroit sûr dans la bande de Gaza. Si mon propre lit n’est pas sûr, alors le marché n’est pas sûr non plus. Mais il pourrait l’être autant que mon lit… Donc, je me réveille tôt.

     J’appelle les enfants :

     - Allez, nous allons tous aller au marché aux légumes.

     - Est-ce que la guerre est finie ? interroge gaiement Arslam, mon neveu de 5 ans.

     - Non, mais il y aura un cessez-le-feu entre 13 et 15 heures.

     - Qu’est-ce qu’un cessez-le-feu?, demande Wael à ma sœur Najat.

     - On dirait qu’il y a du mouvement dans la rue, dis-je. Essayons de sortir maintenant.

     Je n’ai jamais vu les enfants si heureux. Ils n’attendent même pas que je sorte la voiture du garage.          
     Comme des oiseaux s’échappant de leur cage, ils chantent et dansent devant la maison.

     Je décide de regarder uniquement dans le rétroviseur et devant moi. Je ne veux rien voir autour de moi. J’aime Khan Younès.

      Un camion distribue de la farine aux habitants. Nous nous essayons et attendons que les familles aient reçu leur quota. Une femme âgée vend la moitié de ce qu’elle a reçu. Je lui demande si je peux lui en acheter.

      - Oui. Je dois rentrer vite. Si mes fils apprennent que je suis là, ils vont s’énerver. Je suis venue là car nous n’avons plus rien à la maison et nous devons faire vivre 12 enfants

     Je lui demande pourquoi vend-elle alors cette farine ?

     - Nous avons reçu deux sacs des Nations unies. Nous en vendons un pour acheter des légumes. Je lui achète le sac.

     Quand je démarre la voiture, Dima m’interroge:

     - Pourquoi as-tu acheté ce sac de farine. Il est écrit dessus “ Ne doit pas être vendu ” ?

     Je lui souris :

     - Je l’ai acheté, je ne le vendrai pas, car il ne doit pas être vendu.

     Nous rentrons. Je fixe mes yeux bien droit devant. Wael, Arslan, Dima et Majed commencent un nouveau jeu :

     - Je vois quelque chose de différent. Je ne suis pas en mesure de regarder.

     Les frappes reprennent à Khan Younès. Nous arrivons à la maison tout le monde est content.

     Le téléphone sonne. Wael se précipite et décroche.

     - Bonjour, qui est-ce? Il reste silencieux un moment puis :

     - Non, nous n’avons pas. Mais nous avons besoin de sucre et je veux une voiture et un avion avec une télécommande.

     Je m’empare du combiné. Il s’agit d’un message enregistré des militaires israéliens :

     - Si vous avez des armes à domicile, vous devez les rendre. Si vous cachez des membres de la milice, signalez-le au numéro suivant… Si vous voulez nous communiquer une information, composez le numéro suivant…

     Wael me demande s’il peut réclamer à la voix d’acheter également du chocolat pour son frère. Je lui donne mon accord.

     - Apportez-en aussi pour Majed, Arslam et Dima.

 

DIMANCHE 11 JANVIER: le coq décalé

 

     - Qu’est-ce qui arrive à ton coq ?, me demande une amie au téléphone. Il est 21 heures et il chante comme si c’était l’aube !

     - Il souffre du décalage horaire, lui dis-je. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit à cause des explosions. Il a faim parce qu’il n’y a pas de nourriture pour eux au marché et, en plus un hélicoptère Apache vient d’illuminer tout Khan Younès avec ses fusées éclairantes. Il pense que c’est le matin. Je la rassure : Ne t’inquiète pas. Il va se rendormir.

























       Enfant à Khan Younès  en 1993...

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16 janvier 2009 5 16 /01 /janvier /2009 23:37

Comment apprendre à vivre ensemble ?

     





















          Un autre regard sur ce qui se passe entre les Palestiniens et les Israéliens qui n'est pas directement celui porté sur la guerre et sur le massacre actuel de la population de Gaza mais plutôt sur l'irréalité dans laquelle beaucoup d'Israéliens vivent leur rapport au peuple de Palestine... Le regard d'un artiste et musicien israélien...

      Gilad Atzmon est un musicien de jazz réputé dans le monde entier dont le CD “ Exile ” a été sélectionné comme meilleur CD de jazz de l’année par la BBC.
      Né en Israël en 1963, Gilad Atzmon, compositeur qui joue de tous les saxos ( soprano, alto, tenor, bariton ), mais aussi de la clarinette, du zurna et de la flûte, a émigré à Londres en 1994 où il a fondé l’Orient House Ensemble, qui s’est produit dans le monde entier, avec Asaf Sirkis à la batterie, Yaron Stavi à la basse et Frank Harrison au piano.
Au fil des ans Gilad Atzmon a intégré différents styles dans sa musique, un mélange détonant de Coltrane de be-bop et de Moyen-Orient, produisant un mélange très personnel d’une très grande puissance. ( http://www.gilad.co.uk )
Gilad Atzmon, critique acerbe de la politique israélienne, est aussi l’auteur de plusieurs essais et romans dont ’A Guide to the Perplexed’ et ’My One and Only Love’, qui ont été traduits dans 24 langues.

 

Vivre en en sursis sur une terre volée

Par Gilad Atzmon

 

      Discuter avec des Israéliens a de quoi laisser pantois. Même en ce moment, alors que l'aviation israélienne assassine au grand jour des centaines des civils, des personnes âgées, des femmes et des enfants, le peuple israélien parvient à se convaincre qu'il est la véritable victime de cette saga violente.
      Ceux qui sont intimement familiers du peuple israélien réalisent que ce dernier n'est absolument pas informé des racines du conflit qui domine son existence. Assez souvent, les Israéliens en viennent à des arguments d'un genre bizarre qui ont tout leur sens dans le discours israélien, mais sont dénués de toute signification hors la rue juive.
      Un de ces arguments est le suivant : “ Ces Palestiniens, pourquoi insistent-ils pour vivre sur notre terre ( Israël) , pourquoi ne s'installent-ils pas tout simplement en Égypte, en Syrie, au Liban ou dans n'importe quel autre pays arabe ? ”
      Une autre perle de sagesse hébraïque est du genre : “ Qu'est-ce qui ne va pas avec les Palestiniens ? Nous leurs avons apporté l'eau, l'électricité, l'éducation et tout ce qu'ils trouvent à faire c'est d'essayer de nous jeter à la mer. ”
      De manière assez étonnante, les Israéliens même ceux de la soi-disant ‘ gauche ’ et même ceux de la ‘ gauche ’ intellectuelle sont incapables de comprendre qui sont les Palestiniens, d'où ils viennent et le pourquoi de leur résistance. Ils n'arrivent pas à comprendre qu'Israël a été créé aux dépens du peuple palestinien, de la terre palestinienne, des villages, des villes, des champs et des vergers palestiniens. Les Israéliens ne réalisent pas que les Palestiniens de Gaza et des camps de réfugiés de la région sont en réalité les populations dépossédées de Ber Shive, Jaffa, Tel Kabir, Sheikh Munis, Lod, Haïfa, Jérusalem et de bien d'autres villes et villages.
      Si vous vous demandez comment il se fait que les Israéliens ignorent leur histoire, la réponse est très simple, on ne la leur a jamais racontée. Les circonstances qui ont conduit au conflit israélo-palestinien sont bien cachées à l'intérieur de leur culture. Dans le paysage, les traces de la civilisation palestinienne d'avant 1948 ont été effacées. Non seulement la Nakba, le nettoyage ethnique en 1948 des indigènes palestiniens, ne fait pas partie des programmes scolaires israéliens, elle n'est pas même mentionnée ni discutée par aucun forum officiel ou universitaire israélien.
      Dans le centre de presque chaque ville israélienne on peut trouver une statue commémorative en forme bizarre, presque abstraite, de tuyauterie. Cette tuyauterie est appelée Davidka et est en réalité un canon de mortier israélien de 1948. Il est intéressant de savoir que le Davidka était une arme particulièrement inefficace. Ses obus n'avaient pas une portée supérieure à 300 mètres et causaient peu de dégâts. Mais si le Davidka causait un minimum de dommages, il était par contre très bruyant. Selon l'histoire israélienne officielle, les Arabes, c.à.d. les Palestiniens, s'enfuyaient tout simplement pour sauver leurs vies dès qu'ils entendaient le Davidka au loin.
      Selon le discours israélien, les Juifs, c.à.d.. les Israéliens ‘ récents ’ faisaient quelques feux d'artifices et les ‘ Arabes poltrons ’ couraient tout simplement comme des idiots. Dans la version israélienne officielle, on ne trouve aucune mention des nombreux massacres planifiés et perpétrés par la jeune armée israélienne et les unités paramilitaires qui l'ont précédée. Il n'y a aucune mention non plus des lois racistes qui interdisent aux Palestiniens de revenir sur leurs terres et dans leurs maisons.
      La signification de ce qui précède est assez simple. Les Israéliens ne sont absolument pas familiers avec la cause palestinienne. Dès lors, ils ne peuvent interpréter la lutte palestinienne que comme une lubie meurtrière irrationnelle. A l'intérieur de l'univers israélien avec son caractère judéo-centré et de seule réalité existante, l'Israélien est une innocente victime et le Palestinien rien moins qu'un meurtrier barbare.

Cette grave situation qui laisse l'Israélien dans l'ignorance totale de son passé mine toute possibilité de réconciliation future. Dès lors que l'Israélien n'a pas un minimum de compréhension du conflit, il est incapable d'envisager la possibilité d'une solution qui ne serait pas l'extermination ou le nettoyage de ‘ l'ennemi. ’ Tout ce que l'israélien a la possibilité de savoir sont des variations du récit de la souffrance juive. La souffrance des Palestiniens lui est complètement étrangère. ‘ Le droit au retour des Palestiniens ” lui semble une idée farfelue. Même les ‘ humanistes israéliens ” les plus en pointe ne sont pas prêts à partager le territoire avec ses habitants indigènes. Ce qui ne laisse guère d'autre possibilité aux Palestiniens que de se libérer eux-mêmes. A l'évidence, il n'y a pas de partenaire pour la paix du côté israélien.
      Cette semaine, nous en avons appris un peu plus sur l'arsenal balistique du Hamas. Il est évident que le Hamas a fait preuve d'une certaine retenue avec Israël depuis trop longtemps. Le Hamas s'est retenu d'étendre le conflit à l'ensemble du sud d'Israël. Il m'est venu à l'esprit que les volées de roquettes qui se sont abattues sporadiquement sur Sderot et Ashkelon n'étaient en réalité rien d'autre qu'un message des Palestiniens emprisonnés. C'était d'abord un message à la terre, aux champs et aux vergers volés : “ Notre terre adorée, nous ne t'avons pas oubliée, nous combattons encore pour toi, au plus vite nous reviendrons, nous reprendrons là où nous avons été arrêtés ”. Mais c'était aussi un message clair aux Israéliens. “ Vous là-bas, à Sderot, à Beer Sheva, Ashkelon, Tel Aviv et Haïfa, que vous le sachiez ou pas, vous vivez en réalité sur la terre qui nous a été volée… ”
      Voyons les choses en face, en réalité la situation en Israël est assez grave. Il y a deux ans, c'était le Hezbollah qui bombardait à la roquette le nord d'Israël. Cette semaine, le Hamas a prouvé sans doute possible sa capacité à distribuer au sud d'Israël quelques cocktails de missiles vengeurs. Dans le cas du Hezbollah comme dans celui du Hamas, Israël n'a pas trouvé de réponse militaire. Il peut certes tuer des civils mais ne parvient pas à enrayer les tirs de roquettes. L'armée israélienne n'a pas les moyens de protéger Israël sauf si recouvrir Israël d'une toiture en béton peut être vu comme une solution viable. Au bout du compte, c'est peut‑être ce que les responsables israéliens essaieront de faire.
      Mais nous ne sommes pas à la fin de l'histoire. En fait ce n'est que le début. Tous les experts du Moyen-Orient savent que le Hamas peut prendre le contrôle de la Cisjordanie en quelques heures. En fait, le contrôle de l'Autorité Palestinienne et du Fatah sur la Cisjordanie est maintenu par l'armée israélienne. Dès que le Hamas se sera emparé de la Cisjordanie, les plus grands centres urbains israéliens seront à sa merci. Pour ceux qui ne parviennent pas à le voir, ce serait la fin de l'Israël juif. ça peut arriver dès ce soir, dans trois mois ou dans cinq ans, la question n'est pas de savoir ‘ si ça se produira ’, mais ‘ quand. ’ A ce moment là, l'ensemble d'Israël sera à portée de tir du Hamas et du Hezbollah et la société israélienne s'effondrera, son économie sera ruinée. Le prix d'une maison individuelle de Tel Aviv nord équivaudra à celui d'un cabanon à Kiryat Shmone ou à Sderot. Au moment où une seule roquette touchera Tel Aviv, c'en sera terminé du rêve sioniste.
      Les généraux israéliens le savent, les dirigeants Israéliens le savent. C'est pourquoi ils intensifient la guerre d'extermination contre les Palestiniens. Les Israéliens n'envisagent pas d'occuper Gaza. Ils n'ont rien perdu là-bas. Tout ce qu'ils veulent c'est terminer la Nakba. Ils larguent des bombes sur les Palestiniens dans le but de les anéantir. Ils veulent les Palestiniens hors de la région. Il est évident que ça ne marchera pas et que les Palestiniens resteront. Non seulement ils resteront, mais le jour de leur retour chez eux ne fait que se rapprocher vu qu'Israël a épuisé ses tactiques les plus meurtrières.
      C'est précisément à ce moment que le déni israélien de la réalité entre en jeu. Israël a dépassé le ‘ point de non retour ’. Son destin funeste est gravé au creux de chaque bombe qu'il largue sur les civils Palestiniens. Il n'y a rien qu'Israël puisse faire pour se sauver lui-même. Il n'y a pas de stratégie de sortie. Il ne peut pas négocier une issue à ce conflit car ni les Israéliens ni leurs dirigeants n'en comprennent les paramètres fondamentaux. Israël n'a pas les moyens militaires d'achever cette bataille. Il peut réussir à tuer les leaders de la base palestinienne comme il le fait depuis des années, pourtant la résistance et l'opiniâtreté des Palestiniens ne font que se renforcer au lieu de faiblir. Ainsi que l'avait prédit un général des services de renseignements israéliens pendant la première Intifada, “ pour vaincre, tout ce que les Palestiniens ont à faire est de survivre. ” Ils survivent et ils sont en fait en train de vaincre.
      Les dirigeants Israéliens comprennent tout ça. Israël a déjà tout essayé, retrait unilatéral, famine et maintenant extermination. Ils ont cru se débarrasser du problème démographique en se recroquevillant dans un ghetto juif intime et douillet. Rien n'a marché. C'est la ténacité palestinienne incarnée par la politique du Hamas qui définit l'avenir de la région.
      Tout ce qui reste aux Israéliens, c'est de s'accrocher à leurs œillères et à leur déni de la réalité pour fuir leur le triste destin qui leur est déjà fixé. Tout au long de leur déchéance, les Israéliens entonneront les divers chants de victimisation dont ils sont coutumiers. Imprégnés d'une réalité faite de suprématie égocentrée, ils seront hypersensibles à leurs propres souffrances tout en restant aveugles à celles qu'ils infligent aux autres.
      De façon assez singulière, les Israéliens se comportent comme un collectif uni quand ils bombardent les autres mais, s'ils sont légèrement blessés, ils deviennent des monades de vulnérabilité innocente. C'est cet écart entre la façon dont les Israéliens se voient et celle dont les autres les voient qui transforme les Israéliens en monstrueux exterminateurs. C'est cet écart qui les empêche de comprendre les tentatives nombreuses et répétées de détruire leur État. C'est cet écart qui empêche les Israéliens de comprendre la signification de la Shoah et d'être capable d'éviter la prochaine. C'est cet écart qui empêche les Israéliens de faire partie de l'humanité.

Une fois encore, les Juifs devront errer vers une destinée inconnue. D'une certaine manière, j'ai personnellement commencé mon voyage depuis un moment.

 Vous pouvez lire ce texte sur le site http://palestine.over-blog.net/

Gaza Camp de Khan Younès 1993
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15 janvier 2009 4 15 /01 /janvier /2009 23:17

      Alors que les mots nous manquent pour parler et qu'on voudrait à tout prix que tout cela s'arrête simplement certains n'ont pas de phrases trop dures pour dénoncer le désastre de Gaza et leur légitimité qui est lointaine puisqu'ils ont lutté contre le nazisme leur donne plus de poids que nous pour dire l'indicble...
      Qu'un homme se lève pour refuser ce qu'aucun de nous ne devrait accepter nous redonne de la force car comme disait Camus chaque juste qui se dresse face à l'innomable nous remet face à ce que ça signifie d'être un homme...

Le professeur André Nouschi écrit à l’ambassadeur d’Israël à Paris

jeudi 15 janvier 2009

 

      Le professeur André Nouschi, 86 ans d’age, natif de Constantine, une icone dans le monde des historiens, réputé mondialement, Professeur honoraire de l’université de NICE, a écrit cette lettre à l’adresse de l’ambassadeur d’Israel à Paris.

 

Monsieur l’Ambassadeur,

 

Pour vous c’est shabat, qui devait être un jour de paix mais qui est celui de la guerre. Pour moi, depuis plusieurs années, la colonisation et le vol israélien des terres palestiniennes m’exaspère. Je vous écris donc à plusieurs titres : comme Français, comme Juif de naissance et comme artisan des accords entre l’Université de Nice et celle de Haiffa.
Il n’est plus possible de se taire devant la politique d’assassinats et d’expansion impérialiste d’Israël. Vous vous conduisez exactement comme Hitler s’est conduit en Europe avec l’Autriche, la Tchécoslovaquie. Vous méprisez les résolutions de l’ONU comme lui celles de la SDN et vous assassinez impunément des femmes, des enfants ; n’invoquez pas les attentats, l’Intifada.
Tout cela résulte de la colonisation ILLEGITIME et ILLEGALE. QUI EST UN VOL.
Vous vous conduisez comme des voleurs de terres et vous tournez le dos aux règles de la morale juive. Honte à vous : Honte à Israël ! Vous creusez votre tombe sans vous en rendre compte. Car vous êtes condamné à vivre avec les Palestiniens et les états arabes. Si vous manquez de cette intelligence politique, alors vous êtes indigne de faire de la politique et vos dirigeants devraient prendre leur retraite. Un pays qui assassine Rabin, qui glorifie son assassin est un pays sans morale et sans honneur. Que le ciel et que votre Dieu mette à mort Sharon l’assassin. Vous avez subi une défaite au Liban en 2006.Vous en subirez d’autres, j’espère, et vous allez envoyer à la mort de jeunes Israéliens parce que vous n’avez pas le courage de faire la paix
Comment les Juifs qui ont tant souffert peuvent ils imiter leurs bourreaux hitlériens ? Pour moi, depuis 1975, la colonisation me rappelle de vieux souvenirs, eux de l’hitlérisme. Je ne vois pas de différence entre vos dirigeants et ceux de l’Allemagne nazie ?

Personnellement, je vous combattrai de toutes mes forces comme je l’ai fait entre 1938 et 1945 jusqu’à ce que la justice des hommes détruise l’hitlérisme qui est au cœur de votre pays. Honte à Israël. J’espère que votre Dieu lancera contre ses dirigeants la vengeance qu’ils méritent. J’ai honte comme Juif, ancien combattant de la 2ème guerre mondiale, pour vous. Que votre Dieu vous maudisse jusqu’à la fin des siècles ! J’espère que vous serez punis..

 

André Nouschi

Professeur honoraire de l’Université

Palestine-Le cri des poètes : Habibi, Darwich et frères
Par
Benaouda Lebdaï


      Rarement dans les temps modernes, une littérature n’aura été si longtemps et de si près liée au destin de son peuple. Des bombes pleuvent sur le peuple palestinien de Ghaza. Des femmes, des hommes et surtout beaucoup d’enfants sont tués par l’armée israélienne. Depuis soixante ans, le peuple palestinien souffre et crie sa douleur.
   
      Au-delà de toute position politique, depuis 60 ans, les poètes, les romanciers et les dramaturges palestiniens écrivent sur le désespoir sans fin de leur peuple, sur la situation d’étau psychologique, voire physique qui est la leur. Parmi eux, le romancier palestinien, Emile Habibi, qui décrit avec justesse et grande pudeur l’éparpillement des familles, l’éclatement des clans familiaux, dont chaque membre a dû prendre une route, un chemin différent à travers le monde sous la pression de l’armée israélienne ou des milices des colons. L’expulsion et l’expropriation étaient la loi et le demeurent d’ailleurs. Dans Les circonstances étranges de la disparition de Saïd Abou Nahs, au titre éloquent, il écrit : « Après le premier malheur de 1948, les enfants de notre famille envahissent les pays arabes qui n’ont pas été occupés. C’est ainsi que j’ai un parent traducteur du et au persan au palais des Rabib ; j’ai un autre cousin spécialisé dans l’allumage des cigarettes d’un autre monarque ; l’un des nôtres est capitaine en Syrie, un autre au Liban … Il faut sauver sa peau ». Emile Habibi a choisi de rester sur la terre de ses ancêtres et de prendre même la nationalité israélienne.
      Le désespoir est toujours là et il décrit bien cette volonté délibérée de coloniser, d’occuper toujours un peu plus et pour ce faire, de rejeter toujours plus loin les Palestiniens, en dehors des terres, en dehors de l’histoire, en dehors même des mémoires du monde. Il raconte ainsi que l’officier usurpateur et criminel abat celui qui refuse de partir ou celui qui retourne sur ses pas : « Va n’importe où, à l’Est, à l’Ouest … ». Et l’Est, c’est la Jordanie, la Syrie, les autres pays arabes et l’Ouest, c’est la mer ! Emile Habibi continue son récit : « La mère se lève, prend l’enfant par la main et tous deux se dirigent vers l’Est, sans se retourner ». Le départ, l’exil forcé, l’humiliation, ont toujours été le lot de ceux qui n’ont pas été tués. Dans un autre ouvrage « Les Aventures extraordinaires de Saïd le peptimiste », il crée justement le personnage de Saïd qui passe sans cesse de l’optimisme au pessimisme, oscillant entre les deux dans un mouvement perpétuel.
      Aujourd’hui, en 2009, c’est plutôt le pessimisme qui se confirme au rythme des bombes sophistiquées qui s’abattent sur les enfants palestiniens qui meurent ou qui, pour les plus chanceux, resteront handicapés ou traumatisés à vie. Emile Habibi ne verra pas cette nouvelle surenchère de l’horreur car il a disparu en 1996, tout comme Mahmoud Darwich, décédé l’an dernier, et qui avait écrit ces vers ciselés d’ironie : « Toutes nos félicitations au bourreau, /au vainqueur sans mérite/ bienvenue au tyran de l’enfance ». Ces mots de feu et de colère rentrés, auraient pu être écrit en ce début d’année 2009, ce qui est fort significatif de l’état des choses. Mahmoud Darwich a été le poète prophétique de l’espoir, le poète du message de recouvrement d’une terre palestinienne maternelle et nationale.

      Lui aussi avait connu ce dur chemin de l’exil avant le retour difficile, en portant toujours en son cœur le destin de cette terre spoliée et celui de son peuple livré à l’indifférence des puissants, et n’ayant plus comme lieu et sol que celui de son identité historique et culturelle. Ainsi, écrit-il dans son célèbre poème Carte d’identité, il écrit de façon magistrale : « Inscrit, / Je suis arabe/ Vous avez usurpé les vignes et les champs/ De mon grand-père/ Et la terre que je labourais/ Moi et tous mes enfants/ Et vous nous avez laissé/ Ainsi qu’à mes petits-enfants, / Uniquement ces pierres.. » D’autres et d’autres encore ont roulé le grain de leur écriture dans le même désespoir. Le poète palestinien, Salem Gabran, décrit avec émotion son lien maternel à la terre palestinienne bombardée et humiliée, et au nom de tous les siens, il lui clame son amour : « Comme la mère aime/ Son enfant mutilé/ Je l’aime/ Mon amour, mon Pays ! »
      Lorsque tout un peuple porte avec autant de force l’amour pour la terre de ses ancêtres, aucune bombe, aucune force, si puissante soit-elle, n’est en mesure de réduire sa détermination, même si celle-ci peut connaître des moments de faiblesse. Multiplier les colonies, sacraliser un apartheid en construisant un mur semblable à celui de Berlin - que personne n’imaginait qu’il s’effondrerait un jour -, créer des « bantoustans » à l’image d’une Afrique du Sud raciste qui n’existe plus au XXIe siècle, tout cela n’attire certainement ni l’amour, ni l’amitié. Sans exception aucune, les poètes palestiniens évoquent constamment et dans toutes les langues cette humiliation et la négation quotidienne de leur peuple de la part d’Israël. Si leurs mots ne font jamais (ou alors très rarement) la une des journaux, des radios ou des télévisions, ils s’enracinent toujours plus dans les cœurs et les consciences, celle des Palestiniens d’abord, mais aussi celle des citoyens du monde entier qui, mêmes silencieux, découvrent de plus en plus l’horreur d’un dictat historique
.

      On peut lire ce texte sur le site de : http://www.elwatan.com/Palestine-Le-cri-des-poetes-Habibi




Gaza Camp de Khan Younès 1993
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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 20:59

  " Nous résistons encemble... "  
  
      Quelque soit notre épuisement et notre dégoût face à ce qui se passe à Gaza nous continuerons à parler sur notre blog des Cahiers de cette abomination pour laquelle d'ailleurs nous n'avons pas de mots...  
      Surtout ne croyez pas que nous prenons la moindre habitude ou facilité à témoigner chaque jour en diffusant les articles des écrivains poètes journalistes et intellectuels de Palestine d'Israël du monde arabe et européen qui ont la volonté et le courage de casser ce silence complice...
      Pour nous c'est un engagement déterminé par notre refus total de ce massacre et de toute forme de guerre et de colonisation, de toute forme d'épuration ethnique comme celle que nous vivons avec les palestiniens de Gaza, totalement solidaires et totalement et abominablement impuissants !
      Nous rêvons d'une paix juste et fraternelle et comme l'écrivait Mahmoud Darwich de roses qui auront la couleur rouge qui ne soit pas celle du sang... J'ai trouvé ce texte simple vrai et très beau dans son dépouillement. J'ai eu envie de vous le faire partager... sans autre commentaire...

      Vous pourrez lire l'article que voici sur le site The Electronic Intifada  :
http://electronicintifada.net/v2/ar...

Nous parlons en silence, nous résistons ensemble 

mercredi 14 janvier 2009

Laila El-Haddad

 

      Nous avions décidé de nous rendre à Washington DC afin de participer à la marche nationale « Let Gaza Live ». C’était une décision de dernière minute, après n avoir pesé le pour et le contre : notre soutien à Gaza contre le coût d’un voyage en voiture de huit heures, avec une météo déplorable, accompagnés de mes jeunes enfants Yousuf et Noor.
      Deux étudiants de l’Université de Duke nous accompagnent, un Palestinian de Lydd et un étudiant Syrien.
      En route, Yousuf interrompt soudainement notre conversation pour me demander si son grand-père à Gaza va mourir. Il me recommande de « leur » dire de ne pas le tuer.
      Je l’invite à réciter une dua, une prière adressée à Dieu pour garder son grand-père sain et sauf - pour garder toute la bande de Gaza saine et sauve.
      Je lui explique que cette prière est plus puissante qu’une balle.
      Nous arrivons à destination, un peu tard, et rapidement nous rejoignons un groupe d’environ 10 000 manifestants. C’est une foule diverse et civile non-violente. Malheureusement, la pluie est, elle, violente et non civile. Au terme de la manifestation, nous sommes transpercés par la pluie gelée, j’ai les doigts ankylosés, Noor a les lèvres bleues, nos pèlerines en plastique recouvrent nos visages trempés
      Nous rattrapons mon frère et mon neveu, Zade, qui porte un écriteau mouillé, l’encre saignant sur le sol simulent les larmes et le sang de Gaza. Sur l’écriteau on peut lire :

      « Obama : j’ai pleuré quand votre grand-mère est morte. Ferez-vous la même chose pour moi ? Mon grand-père vit à Gaza. »
      En réponse à ses protestations contre le froid glacial, sa mère, immédiatement, réplique « gelé est mieux que mort ».
      Il acquiesce.
     Plus tard, il dira fièrement à son grand-père qu’il a marché pendant deux heures sous la pluie gelée pour Gaza.
      Nous passons devant l’hôtel où le futur Président s’est installé (des sources disent qu’il est occupé à manger du chili). Finalement nous arrivons devant la Maison Blanche, puis reprenons notre route vers la Caroline du Nord.
      Vers 21h00, encore sur la route, je reçois un appel de mon père, un de ces appels si souvent redoutés. Mon sang ne fait qu’un tour. Le soir, si tard, n’apporte rien de bon.
      « Toujours des bombardements, je ne peux pas dormir, les navires militaires Israéliens sont en train de pilonner le quartier Tel al-Hawa dans la ville de Gaza ; tu sais, où Amo Musab a construit sa nouvelle maison » faisant référence à son cousin.
      Il continue calmement : « les faubourgs sont en flamme. Les résidents appellent le Croissant Rouge Palestinien, mais sans succès. Ils disent qu’ils sont en train d’être bombardés par des bombes incendiaires, ils ne savent plus trop, asphyxiés par une épaisse fumée noire.
      Je me précipite sur le compte Twitter de mon frère. Je me sens mieux, renforcée par la puissance de savoir que je vais diffuser au monde ces quelques informations qui semblent en même temps autant irrationnelles que significatives. Mon frère lutte pour contenir en 140 caractères sa terreur, sa panique et sa peur de la mort.
      Nous continuons à parler.
      J’apprends que le cousin de mon beau-père a été blessé. Au nord de Gaza, sa maison a été touchée par les forces israéliennes, puis rasée au bulldozer. Ensuite, il a été arrêté, les yeux bandés, puis torturé : poussé en bas des escaliers, les côtes brisées. Comme si ce n’était pas suffisant, il a dû marcher une heure pour rejoindre le quartier de Sheikh Ijleen. Au milieu de la nuit, vêtue de son seul pyjama, son épouse a été forcée de quitter sa maison. Seule, elle a erré dans la ville.
      Pendant une heure, jusqu’à ce que les bombes se calment, je suis restée avec mon père. Parfois nous ne disons rien, collés à nos téléphones. Nous avons parlé en silence, cette technologie devenant tout à coup si étrangère. Comme si, pendant ces quelques minutes, je pouvais le protéger de l’enfer faisant rage autour de lui. Aussi absurde que cela puisse paraître, nous nous sommes sentis, d’une certaine manière, protégés, se rassurant que quoi qu’il se passe, nous résisterions ensemble.

 

 Laila El-Haddad est une journaliste, photographe et bloggueuse palestinienne qui passe son temps entre Gaza et les Etats-Unis. Elle tient le blog : http://a-mother-from-gaza.blogspot.com

 Traduction de l’anglais : Christine Rossetti

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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 23:23

      Ne pas se perdre...
Enfants israéliens en train de dédicacer des obus destinés à tuer la population palestinienne
     

      Depuis le début du massacre de la population de Gaza notre blog des Cahiers n'a pas cessé et ne cessera que quand il aura cessé lui aussi de vous parler de ce qui se passe et de refuser le silence ou les informations partisannes qu'on nous assène ci et là... Et ce que je retiendrai de mes recherches pour vous donner à lire des articles ou des poèmes qui préservent le plus possible la beauté de la vie et qui me rend cette période plus supportable ce sont les nombreux témoignages des écrivains ou poètes juifs d'Europe et également de certains qui vivent en Israël...
      Ce qui me surprend heureusement car j'ignorais qu'une telle proximité existait réellement entre ces deux populations et je suis sûre désormais que seuls les gouvernants et ceux qui avec leur besoin de dominer le monde ne songent qu'à réduire les autres en esclavage ont intérêt à perpéruer les guerres et les crimes tels que ceux qu'on voit aujourd'hui avoir lieu contre les Palestiniens de Gaza... Voici donc un texte qui m'a beaucoup intéressée qui m'a touchée car la personnalité de Mark Edelman est attachante et en plus qui m'a bien fait rire... Ce qui par ces temps n'est pas gagné et vous verrez pourquoi à votre tour...

Marek Edelman soutient Ahmadinedjad

Jean-Paul Cruse - Imbongi

 

      L’histoire juive a sa part d’ombre. La tradition juive, la culture juive... Elles ne sont pas sans tache... Le savent, ceux qui ont lu Shahak ; ceux qui connaissent la terrible vérité des tribunaux rabbiniques de l’époque médiévale, ou le martyre de Baruch Spinoza, banni pour avoir pensé en philosophe, en homme libre... Et même les vrais écrits de Maïmonide... Sans parler du sanglant boucher de Sabra et Chatila, Ariel Sharon, l’héritier “ spirituel ” du fasciste Jabotinsky, autant que du raciste Théodore Herzl, aujourd’hui rattrapé par son destin, à l’agonie sur son lit d’hopital...
      Mais cette part d’ombre, trop souvent tue, et l’abjecte actualité de l’oppression raciste et coloniale en Palestine, ne peuvent dissimuler, ni relativiser, d’aucune façon, l’authentique part de lumière de ce qui fut une religion, et pas des plus douces, avant de devenir l’histoire d’êtres d’exception, dont le nom mérite de rester gravé, à tout jamais, sur les pierres de l’Humanité.
      Parmi ces hommes, parmi ces Justes d’entre les Justes, Marek le Polonais. Marek Edelman, aujourd’hui dernier survivant de l’immense épopée que fut, sous la botte nazie, le soulèvement du ghetto de Varsovie. On parle peu de lui. En reprenant un fort article d’Eilat Nadav, pour Yediot Aharonot - un quotidien israélien - le Courrier International lui rend, en cette semaine anniversaire de l’insurrection juive du 19 avril 1943, un hommage mérité.

      Edelman a refusé de participer aux cérémonies commémorant, dans cette Pologne qu’il n’a pas voulu quitter - même et surtout pas pour “ l’Etat Juif ” construit sur l’ “ épuration ethnique ” des “ ghettos ” arabes de Palestine - l’héroïque soulèvement de 1943. Il ne craint pas, raconte la journaliste qui est allé le rencontrer à Lodz, que sa mort sans doute prochaine, “ ne fasse tomber dans l’oubli l’insurrection du ghetto de Varsovie ”. –“ Non, cet événement a laissé trop de traces dans l’histoire, la littérature, et l’art. C’est en Israël qu’on risque d’effacer notre souvenir. ”
      “ Pour vous Israéliens, me dit-il, la guerre de Six Jours de 1967 a été l’événement le plus important de l’histoire juive contemporaine. Vous pouvez vous appuyer sur un Etat, des chars, et un puissant allié américain. Nous, nous n’étions que 200 jeunes avec six revolvers pour tout armement, mais nous avions la supériorité morale ”.
      “ Campant ”, s’étonne la journaliste, “ sur son opposition implacable à l’éthique israélienne ”, le héros de l’insurrection anti-nazie du ghetto juif de la capitale polonaise n’a aucun doute sur l’avenir de l’entité raciste de Tel Aviv : “ Israël ne pourra survivre dans une mer de 100 millions d’Arabes .
      Fils d’un couple de militants du Bund, l’Union Générale Juive des Travailleurs, le grand parti juif socialiste et non sioniste d’Europe orientale - un parti viscéralement opposé à la création d’Israël -, Marek raconte : “ Nous avons été marqués par les juifs de Chelmno, qui s’étaient laissé déporter sans résister. Il n’était pas question que cela se reproduise à Varsovie ”Mémoires du Ghetto de Varsovie - Liana Levi ed, 2002 ).
      Interrogé par la journaliste israélienne sur les premières actions “ terroristes ” de la Résistance juive - dirigées contre “ la police juive du ghetto, dont les membres avaient multplié les exactions ” : “ c’étaient des traîtres, dit-il, sèchement. Ils n’étaient pas obligés de collaborer avec les nazis, mais ils pensaient que c’était une bonne manière de gagner de l’argent et de sauver leur peau ”.

“ N’est-il pas logique que des Juifs fassent tout pour survivre ? ”, demande la voyageuse ?
      “ Ça, c’est votre philosophie d’Israélienne, celle qui consiste à penser qu’on peut tuer vingt Arabes pourvu qu’un Juif reste en vie. Chez moi, il n’y a de place ni pour un peuple élu, ni pour une ‘ Terre Promise ”.
      Les nazis “ ayant autorisé l’ouverture d’un dispensaire dans le ghetto pour traiter les cas urgents ”, dans le but, en fait, “ d’y pratiquer une sélection en amont et d’envoyer les malades dans les camps d’extermination ”, Marek décide de saisir la balle au bond. Il choisit de se faire recruter par les Allemands comme infirmier, “ afin de recruter ceux qu’il jugeait aptes à rejoindre la Résistance ”. Participant ainsi, d’une certaine façon, mais à la guerre comme à la guerre, “ à envoyer 400 000 personnes à la mort ”...
      “ En 1942, poursuit la journaliste israélienne, plus des trois quart des 400 000 Juifs du ghetto de Varsovie avaient déjà été déportés et exterminés. Parmi les survivants, 30 000 personnes travaillaient comme esclaves dans les usines allemandes, et 30 000 autres se cachaient dans les souterrains ( … ) Le chapitre final de la liquidation du ghetto de Varsovie s’ouvrit la veille du jour de Pâques, le 19 avril 1943. Quand les Allemands pénétrèrent dans le ghetto, ils se heurtèrent à une forte résistance de la part de combattants qui tiraient des appartements déserts. Les Allemands commencèrent alors à incendier les immeubles les uns après les autres, et les abris dans lesquels s’étaient réfugiés de nombreux civils se transformèrent en pièges géants. ”
      Les nazis lancent des bonbonnes de gaz. Beaucoup de combattants choisissent de se donner la mort. “ Un chef n’a pas le droit de se suicider, commente aujourd’hui Edelman, impitoyable. Il doit se battre jusqu’au bout. D’autant qu’il était possible de fuir le ghetto, malgré les barrages. La preuve, c’est que nous sommes 15 à être parvenus à prendre la fuite. ”
      Israël a transformé le suicide collectif du groupe de martyrs juifs du 18 rue Mila en “ Massada du XX ème siècle ”. “ Hystérie collective ”, répond Marek. Combattant de toujours, il est toujours en guerre : mais aujourd’hui, c’est contre les “ professionnels de la mémoire ” - coupables, à ses yeux qui ne cillent pas, d’une “ éthique trop israélienne ”.
      On comprend, commente cruellement YEDIOT, pourquoi “ le cinéaste Claude Lanzman a choisi de ne pas lui donner la parole dans son film Shoah ”.

 

      En se soulevant, dit-il, les “ chebab ” juifs de l’intifada sans espoir de Varsovie avaient hautement témoigné de leur “ appartenance au genre humain ”.

 

      “ En prenant les armes contre ceux qui voulaient nous anéantir, nous nous sommes raccrochés à la vie et nous sommes devenus des hommes libres ”. Libre, désormais, donc, et pour toujours, le petit juif du ghetto n’a pas de mots assez durs pour les sionistes - concentrés, à l’époque déjà, sur leur politique insensée d’épuration ethnique en “ Terre Sainte ”…

      “ Le Mossad savait ce qui se passait ici. Ses agents se sont pourtant contentés d’évacuer les Juifs disposant d’argent, et encore, jamais pendant la guerre, et uniquement vers la Palestine. Le fondement de l’idéologie de Ben Gourion et des siens, c’était la rupture avec la diaspora. ” “ Le désastre qu’affronte le judaïsme européen n’est pas mon affaire ” ( Ben Gourion, cité par Tom Segev ( Le septième million, Liana Levi, 1993 ).

 

      “ Il eut mieux valu créer un Etat Juif en Bavière ! ”, cingle encore Edelman.

“ Exactement ce qu’a récemment proposé le Président de l’Iran, Mahmoud Ahmadinejad  ?

      “ Il raison, répond-il en s’esclaffant, le climat y est excellent. ”

      Après s’être échappé du brasier du ghetto, où rôdaient, à ses trousses, des hordes de SS surexcités, guidés par des chiens de combat la bave au lèvres, en rampant dans les égouts, il a rejoint la résistance polonaise - nationaliste, catholique et communiste. La paix venue, il a écrit un petit livre sec et précis, sans pathos. Et a fini ses études de médecine dans la seule patrie qu’il se reconnaisse, la Pologne. Il a soutenu Solidarnosc, et fait quelques jours de prison, pour cela, en 1981. Aujourd’hui, des imbéciles maculent les murs de sa maison de croix gammées, à l’occasion. Il en faudrait plus pour abattre cet indomptable. Ou pour qu’il se renie.
      “ De quel peuple juif parle-ton ? ” dit-il encore. “ Aujourd’hui Israël est un Etat culturellement arabe ( … ) Israël s’est créé sur la destruction de cette immense culture juive multiséculaire qui s’était épanouie entre la Vistule et le Don. La culture israélienne, ce n’est pas la culture juive. Quand on a voulu vivre au milieu de millions d’Arabes, on doit se mêler à eux, et laisser l’assimilation, le métissage, faire leur œuvre. ”

 

      Pour écouter ta mélodie, mon frère, pour l’absorber, pour la faire chair de ma chair, pour la faire mienne, j’ai ouvert grand les baies vitrées de mon studio de Pigalle, respirant la senteur des fleurs jaunes et blanches, sur mon balcon, dans le roucoulement doux de pigeons de Montmartre, que nourrissent les travelos, en bas, avec des miettes de pain... Et j’ai glissé dans la fente de mon Mac Mini l’Ave Maria de Schubert, chanté par une grande et superbe noire à la voix puissante...

      Tu n’as pas voulu aller te perdre en Israël, Marek, tu as eu raison. Toi, le vieux sage indien des prairies avec ton beau visage tout ridé de Cochise. Ils t’auraient flingué sans pitié, comme Rabin. Ou empoisonné, comme l’Autre...Ces chiens...

 Dimanche 21 décembre 2008

 http://www.info-palestine.net/

 
          Et pour poursuivre avec ce qui se passe dans le Ghetto de Gaza en ce moment voici quelques extraits du blog de Vittorio Arrigoni... Je n'ai choisi exprès que des passages courts et plutôt " amusants " ou du moins surprenants afin de ne pas encore vous faire lire les abominations qu'on peut lire chaque jour sur les sites qui parlent de Gaza... 

        Vittorio Arrigoni est un militant italien des droits de l'Homme qui se trouve actuellement sur la bande de Gaza. Il est  l'un des nombreux activistes arrivés à Gaza avant l'offensive israélienne à bord du bateau de l'association Free Gaza (en anglais). Vittorio (Vik) a un blog, Guerrilla Radio [en italien], et écrit également pour le quotidien italien Il Manifesto . Ses articles dépeignent de façon saisissante ce que les Gazaouis vivent actuellement.

      A la fin de son article du 8 janvier, également publié par Il Manifesto en Italie, Vittorio écrit :

      En me rendant à l'hopital As Quds, où je devais participer toute la nuit au service d'ambulances, à bord d'un des rares taxis téméraires qui zigzaguent toujours, en défiant les points d'impact des bombes, j'ai vu un groupe d'enfants sales, avec des vêtements rapiécés au coin d'une rue, exactement comme les gamins cireurs de chaussures dans notre Italie d'après-guerre, qui, avec leurs lance-pierres, tiraient en direction du ciel vers un ennemi distant, inapprochable, qui joue avec leurs vies. C'est une métaphore démente, qui capture l'absurdité de ce lieu et de ce moment.


      Dans un article publié sur son blog le 9 janvier, il explique l'importance des

      Mon dentifrice, ma brosse à dent, mes lames de rasoir et ma mousse à raser. Les vêtements que je porte, le sirop pour me débarrasser d'une mauvaise toux que je traîne depuis des semaines, les cigarettes achetées pour Ahmed, le tabac pour mon narguilé. Mon téléphone portable, mon ordinateur portable sur lequel je me bats comme un schizophrène pour sortir un témoignage de l'enfer qui m'entoure. Tout ce dont on a besoin pour une vie humble et digne à Gaza venait d'Egypte, et arrivait sur les comptoirs des magasins en passant par les tunnels.
      Les mêmes tunnels que les avions de chasse F 16 israéliens ont continué à bombarder lourdement au cours des 12 dernières heures, ce qui a provoqué la destruction de milliers d'habitations près du point-frontière de Rafah. Il y a deux mois, je me suis fait soigner trois dents. A la fin de l'intervention, je me souviens que j'ai demandé à mon dentiste palestinien où il s'était procuré son matériel dentaire : le matériel de dentiste, l'anesthésiant, les seringues, les couronnes en céramique, et les instruments de sa profession. D'un air rusé, le dentiste a fait un geste avec ses mains : de sous la terre. Il ne fait pas de doute que les explosifs et les armes sont aussi passés par les tunnels de Rafah, ces armes même que la résistance utilise aujourd'hui pour tenter de freiner l'avancée terrifiante des mortels blindés israéliens ; mais ce n'est pas grand chose, comparé aux tonnes de biens de consommation qui affluaient dans une Gaza réduite à la faim par un siège criminel.


      Il conclut ainsi son article :

      Gaza est tristement enveloppée d'obscurité depuis dix jours : c'est uniquement dans les hôpitaux que l'on peut recharger son téléphone portable et son ordinateur, et regarder la télé avec les médecins et les secouristes qui attendent un appel d'urgence. Nous entendons les grondements au loin, et quelques minutes plus tard, les chaînes de télévision arabes par satellite informent du lieu exact où l'explosion à eu lieu. Nous regardons souvent l'extraction des corps dans les ruines, sur l'écran, comme si ce n'était pas suffisant de l'avoir vu directement. La nuit dernière, en jouant avec la télécommande, je suis tombé sur une chaîne israélienne. Ils diffusaient un festival de musique traditionnelle, avec beaucoup de filles en jupes courtes, et des feux d'artifices à la fin. Nous sommes retournés à notre horreur, pas sur l'écran, mais dans les ambulances. Israël a absolument le droit de rire et de chanter, même pendant qu'il massacre ses voisins. Les Palestiniens demandent simplement de mourir d'une mort différente, de mourir de vieillesse.

tunnels de Rafah :
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12 janvier 2009 1 12 /01 /janvier /2009 17:49

Aux enfants des Ghettos du monde   
      C'est la phrase d'un article d'Abdo Wazen poète libanais et ami de Mahmoud Darwich avec lequel il a réalisé le livre Entretiens sur la poésie, Ed. Actes Sud, 2006 qui a suscité chez moi l'envie d'écrire ce poème...
      Je sais que les mots ne soulagent en rien la colère et la douleur qui sont les nôtres à voir les enfants palestiniens et toute la population de Gaza martyrisée mais les réactions très humaines de certains écrivains et poètes israéliens et leur refus clair et sans appel de cette barbarie nous donne encore l'espoir que toute une population n'a pas complètement sombré dans la démence meurtrière à la suite de l'Etat qui la mène à ces actes sans nom proches de ceux de tous les fascistes du monde...
      Nous qui luttons pour la paix nous nous battons aussi pour que la fraternité existe et nous refusons d'être séparés en tribus hostiles prêtes à détruire une terre qui appartient à tous ou plutôt qui n'appartient qu'à elle-même et à son intime beauté... 

“ Les enfants de Palestine tombent comme les pétales de fleurs ”

Epinay, dimanche, 11 janvier 2009

 

Les enfants de Palestine tombent comme des pétales de fleurs

Et moi je réchauffe dans mes doigts gourds

Des coquelicots rougis par le givre je broie leur chair

Légère entre mes paumes de receleur d’épices de draps et de grains

Le jardinier est parti cet été il a quitté le jardin des roses

Ici je sombre dans un somme d’ivrogne sourd

A tout ce qui nous pousse dedans ses racines

Les vergers de citronniers aussi ont un passeport

En peau de lune retournée

On y taille de beaux petits linceuls de plumes sur mesure

Je les glisse avec les têtes de coquelicots coupées

Dix grains de café deux grains de cardamome et sept grains de blé

Dans une enveloppe nocturne scellée du sel de mes pleurs

Les corps des enfants de Palestine s’envolent comme la farine

Des greniers innocents où nous plongeons nos mains

Avec la poudre du masque que je portais à Venise ou

A Varsovie j’écris dessus l’adresse que les oiseaux grues connaissent

“ Gaza Ghetto ” tout le monde sait où c’est

Je suis revenu de si loin dans mon costume d’oiseau mort

Je ne peux pas attendre encore pour envoyer ma lettre

La fin de leur guerre et le retour du jardinier

Dans le jardin des roses

Les formations d’oiseaux migrateurs suivent la trace

Des pétales de fleurs

Tous les chemins jusqu’à la Mer Rouge en sont recouverts

Et le vent qui souffle sur la terre n’arrive pas

A déboutonner ce grand manteau couché sur son ventre ouvert

Sur ses ruines indécentes sur sa dépouille de chienne crevée

Ses tripes à l’air où tournent encore parmi les vergers

Témoins de leur folie

Tournent encore mille toupies de plomb durci

Je ne peux pas attendre que ma lettre écrite à la lueur des flambeaux

De Venise ou de Varsovie frappe à la porte de vent

De la demeure du jardinier qui n’est plus là pour recueillir

Les graines du poème et les semer sur les pages labourées

Des cahiers d’école je ne peux pas attendre que mes pleurs

Mêlent au sang des enfants lucioles de tous les ghettos

La poussière douce des mots tombés comme des pétales

De fleurs sur Gaza au burnous rouge berger des pierres

Les menant avec son pipeau dormir longtemps

Sur les jeunes corps alors

Qui que tu sois si tu trouves ma lettre apporte-là au jardin des roses

Je t’en prie prends la place désertée par le jardinier et lis :

“ Enfants afin que le printemps renaisse de vous

Qui ne savez rien de la vieillesse et de la honte

 Afin que le printemps renaisse Pardonnez-nous ! ”

























       Camp de Khan Younès Gaza 1993

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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 22:02

Les enfants de Gaza ne sont pas seuls...
Enfants palestiniens au camp de Khan Younès au sud de Gaza en 1993

      Aujourd'hui c'est une grande partie des populations conscientes en Europe et dans le monde qui ont dit NON ! au massacre de Gaza.
          NON ! à la séparation du monde en civilisations antagonistes destinées à lutter infiniment les unes contre les autres.
          NON ! A la guerre que livrent des Etats menés par des irresponsables à des peuples qui refusent leur domination et leur barbarie.
          NON ! à l'arrogance des puissants et des riches et OUI ! à la solidarité et à la fraternité possible entre les peuples. Oui ! à un autre monde à inventer  plus ouvert plus généreux et porteur de tous nos rêves !
      Ces manifestations en France en Europe et aussi en Algérie disent que les peuples n'attendent plus après les intellectuels ou les politiques pour refuser la cruauté et l''épouvante que nous offrent chaque jour les images en provenance de Gaza et les yeux terrifiés des enfants de Palestine... Il nous faut continuer ce chemin que nous sommes en train d'emprunter ensemble pour construire... Travailler à construire la paix et la compréhension de nos différences qui sont nos pierres précieuses sur lesquelles nos noms d'hommes sont écrits dans toutes les langues qui parlent de la vie... Ce chemin est celui des êtres libres de la peur et de la culpabilité d'avoir à porter sur leurs épaules toute l'histoire du monde.
      Cessons de regarder les erreurs d'hier et leurs désastres pour nous rassembler face à la violence qu'on veut nous faire endosser aujourd'hui afin de nous enfermer dans de nouvelles hontes et de nouveaux silences.
      A nous les enfants de la première génération qui n'a pas connu la guerre sur son sol de nous relier pour dire qu'elle n'est pas, qu'elle ne sera pas notre façon de partager le monde comme elle a été celle de nos prédécesseur sur la petite planète bleue. En lisant ce très beau texte de Serge Grossvak je sais que nous sommes capables de donner aux enfants de Palestine un espoir pour demain pour bientôt pour aujourd'hui... Un espoir de renaissance parmi des vergers d'amandiers en fleurs...





















Je suis juif, et aujourd’hui j’ai honte.

Vendredi 9 janvier 2009.

 

      Je suis juif et j'entends ces bruits, ces bombes, ces souffrances qui hurlent. C'est l'histoire qui me revient pour m'éclater à la face.
      L'histoire que mes parents m'ont léguée pour honnir la guerre honteuse. Je suis juif et je vois le sang, le sang qui coule sous les bombes comme à Guernica. Je suis juif et je sais la révolte désespérée contre l'étouffement et la famine du ghetto de Varsovie. Je sais l'indifférence absolue qui précédait, comme à Gaza.
      Je suis juif et je suis frère de racine et d'histoire de ces hommes d'Israël.  Ces fils de victimes adossant aujourd'hui l'armure des bourreaux.
      Quelle honte, quel désespoir de voir ceux qui ont tant souffert, qui ont été tant terrorisés n'engendrer de leur passé qu'un abomineux dédain pour l'âme humaine !
      C'est à désespérer. Est-ce la victoire posthume d'Hitler que cette sauvagerie distillée ? Est-ce sa victoire que ce reniement de l'humanisme ?
      Ah ma mère ! Je me souviens lorsqu'enfant tu me fis l'apprentissage de ce gardien d'immeuble qui vous avait avertis, il était communiste, puis de ces religieuses vous extrayant d'un Paris devenu trop dangereux. Ah ma mère ! Je me souviens de ce poème d'Aragon où le résistant arménien avait pour derniers mots « vive le peuple allemand » devant les Nazis qui allaient l'achever. Ma mère, où se cache aujourd'hui la dignité de nos frères d'Israël ou de notre famille aveuglée de haine et de conquête ? Ma mère, il était dur de naître en portant les souffrances de vos vies, mais les enfants d'aujourd'hui vont devoir affronter bien pire : la honte !
      Gaza martyr, Liban martyr, Jenine martyr et rien d'autre ne vibre dans leur âme qu'un énervement et une volonté de soumettre ! Que leur demeure-t-il de sens humain ? N'auraient ils plus qu'un Bush dans les os ?
      Les palestiniens perdent leurs chairs, leur sang, leur terre.
      Les juifs perdent leur âme, aveuglément engagés derrière l'État d'Israël.
      L'horreur s'ajoute à l'horreur sans jamais permettre qu'émerge une étincelle d'intelligence.
      L'intelligence, la bonne intelligence. La Paix ! Cette Paix qui en tout lieu du monde a la même science : celle du respect partagé.
      Cette Paix de Kant pour tous les peuples de la terre.
      Ce respect est honteusement dénié en affamant, en occupant, en excluant, en dominant. Ce déni qui légitime la rage et fait monter les haines. Ce déni qui rend impossible la fin des armes et des souffrances.
      Ce déni qui nous plonge dans un massacre récurent où la vie n'a plus la valeur d'une vie.
      Le respect, c'est le Droit, partout dans le monde. Le respect, c'est Israël entrant dans la Loi du monde, comme tout le monde. La Loi du monde délimite des frontières depuis 40 ans.
      Au-delà de ces frontières rien n'est à régenter, à occuper. Des frontières où commence la liberté des autres. Des frontières, tout simplement, comme partout dans le monde. Des frontières pour que monte le respect, premier pas, tout premier pas des humains.
      Pour que demain les peuples partagent leurs rêves et que les frontières soient une invitation amicale aux rencontres.

 

Serge Grossvak,

de l'Union juive pour la paix

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9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 23:35

" Le soulèvement du Ghetto de Gaza "
Camp de Khan Younès au Sud de Gaza en 1993

      Si j'emprunte à Joseph Massad professeur de politique arabe et d'histoire intellectuelle à l'Université de Columbia le titre de son article c'est que je le trouve terriblement fort et beau et qu'il me parle car je souhaire qu'au-delà des morts et des blessés qui garderont à jamais l'empreinte du massacre qu'ils subissent aujourd'hui les Palestiniens parviennent quant à eux à sortir renforcés dans leur solidarité fraternelle et dans leur obstination à demeurer libres de cette infâmie.
     Voici quelques extraits de son texte qui relient fort justement en ces jours où le fascisme est en train de prendre un autre visage les Juifs du Ghetto de Varsovie aux Palestiniens de Gaza.


Le soulèvement du Ghetto de Gaza

Mardi,6 janvier 2009 

 

Joseph Massad

The Electronic Intifada

      ( … ) C’est d’ailleurs la même Tzipi Livi qui, il y a seulement quelques semaines, informait les citoyens palestiniens d’Israël qu’elle envisageait leur dénationalisation et leur déportation vers les bantoustans palestiniens, une fois qu’Israël et la communauté internationale auront reconnu à ces prisons de Cisjordanie le statut d’Etat palestinien indépendant, enfermé derrière le mur d’apartheid. ( … ) Contrairement à elle et aux dirigeants israéliens dont les idéaux et les projets de nettoyage ethnique visent à faire d’Israël un Etat purement juif vidé des Palestiniens ( Palästinenser-rein ), la plupart des Palestiniens croient qu’ils resteront sur leurs terres, même et surtout si cela souille la pureté d’un Israël juif.
      Livni a également affirmé que les valeurs d’Israël étaient partagées par le “ monde libre ” et par les régimes arabes libérés qui sont les alliés du “ monde libre ”. Ajoutons que ces valeurs sont également partagées par les intellectuels arabes néolibéraux subventionnés par les Saoudiens, et par la direction de l’Autorité collaborationniste palestinienne casée dans la zone verte de Ramallah. Les valeurs civilisées d’Israël ne sont pas différentes de celles défendues par les Etats-Unis dans leur guerre constante contre les Arabes et les musulmans, et elles sont très proches des valeurs coloniales européennes de la grande époque du colonialisme et au‑delà.
      Livni et les dirigeants israéliens parlent de droits de l’homme, de démocratie, de paix et de justice comme valeurs universelles, mais ils ne les appliquent qu’aux juifs et les refusent surtout aux Palestiniens. Cela n’est guère qu’une ruse israélienne. Souvenons-nous des propos impérissables de Frantz Fanon à cet égard : “ Quittons cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. 

      Le 19 avril 1943, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis se rencontraient aux Bermudes, vraisemblablement pour discuter de la situation des juifs dans l’Europe occupée par les nazis. Ce fut aussi le jour où les nazis lançaient leur attaque contre les juifs qui restaient dans le Ghetto de Varsovie, y rencontrant une résistance inattendue, pleine de courage. Bien peu est ressorti de la conférence des Bermudes et la guerre a continué contre le Ghetto de Varsovie, sans interruption. La résistance juive dans le Ghetto de Varsovie a exécuté des juifs qui collaboraient avec les nazis et s’est bravement affrontée à l’armée nazie avec le peu d’armement qu’elle possédait, avant d’être exterminée. Son soulèvement a toujours été une source d’inspiration pour les Palestiniens.

A l’âge d’or de l’OLP, symbole de la libération palestinienne, l’organisation déposait une couronne mortuaire sur le monument au Ghetto de Varsovie, en l’honneur de ces héros juifs quLa résistance des juifs du Ghetto de Varsovie contre l’occupant.
      Szmul Zygielbojm était le dirigeant du parti socialiste juif, le Bund en Pologne et avait participé à la résistance contre l’invasion nazie en 1939. Il sera plus tard otage des nazis puis libéré et deviendra membre du Conseil juif, ou Judenrat - l’équivalent pour les nazis de l’ACP créée par les Israéliens -, qui fut chargé de la construction du ghetto juif à Varsovie. Zygielbojm s’est opposé à l’ordre nazi et a fui en Belgique, en France, aux Etats-Unis, et en 1942 il a fini à Londres où il a rejoint le gouvernement polonais en exil. Le 12 mai 1943, après avoir été informé que la résistance dans le Ghetto de Varsovie avait finalement été écrasée et que beaucoup de ses combattants avaient été tués, Zygielbojm a ouvert le gaz dans son appartement à Londres et il s’est suicidé pour protester contre l’indifférence et l’inaction des Alliés devant la situation désespérée des juifs dans l’Europe occupée par les nazis.
      Ce qu’il a ressenti, c’est qu’il n’avait pas le droit de vivre après que ses camarades aient été tués en résistant aux nazis. Dans sa lettre de suicide, Zygielbojm insiste sur le fait que pendant que les nazis se rendaient responsables de l’assassinat des juifs polonais, les Alliés, par leur inaction, s’en rendaient aussi coupables : 
       “ D’après les dernières nouvelles qui nous viennent de Pologne, il est clair, au-delà de tout doute, que les Allemands assassinent actuellement les derniers survivants juifs de Pologne avec une cruauté sans borne. Derrière les murs du Ghetto, le dernier acte de cette tragédie se joue.
      La responsabilité de cet assassinat de toute la nationalité juive de Pologne repose d’abord sur tous ceux qui y ont participé, mais indirectement elle retombe aussi sur l’ensemble de l’humanité, sur les peuples des nations alliées et leurs gouvernements qui, jusqu’à ce jour, n’ont pris aucune véritable mesure pour mettre fin à ce crime. En regardant passivement cet assassinat de millions d’enfants, de femmes et d’hommes sans défense, ils ont pris une part de la responsabilité...
      Je ne peux continuer à vivre et à rester silencieux pendant que les survivants de la communauté juive de Pologne, dont je suis un représentant, se font assassiner. Mes camarades dans le Ghetto de Varsovie tombent les armes à la main dans une ultime bataille héroïque. On ne m’a pas permis de tomber comme eux, avec eux, mais je les rejoins après leur mort à tous.
      Par ma mort, je tiens à exprimer ma plus profonde protestation contre l’inaction dans laquelle le monde s’est contenté de regarder et qui a permis la destruction du peuple juif... ” ( … )
     
      Le peuple palestinien, comme Zygielbojm avant lui, a très bien compris qu’Abbas, sa clique, les régimes arabes, les Etats-Unis et l’Europe étaient tous responsables de leur massacre tout autant qu’Israël. Zygielbojm a, dans son cas, condamné les puissances du monde pour leur indifférence et leur inaction, dans le cas des Palestiniens, les puissances mondiales et régionales sont des co-conspiratrices et des partenaires actifs dans le crime.
      L’écrasement du soulèvement du Ghetto de Gaza et le massacre de sa population sans défense seront une tâche relativement aisée pour la machine de guerre militaire superpuissante israélienne et la direction politique sadique d’Israël. C’est en rapport avec une détermination palestinienne renforcée à continuer de résister à Israël, une détermination qui va se révéler beaucoup plus difficile à affronter pour Israël et ses alliés arabes.
      Si des milliers de Palestiniens tués et blessés sont les principales victimes de cette dernière guerre terroriste israélienne, le principal perdant de tout cela sur le plan politique sera Abbas et sa clique de collaborateurs. Le défi pour la résistance palestinienne maintenant est de continuer à refuser à Israël le droit de dominer sa population, de voler sa terre, de détruire ses moyens de subsistance, de l’emprisonner dans des ghettos et de l’affamer sans résister.
      La seule constante dans la vie des Palestiniens de ce dernier siècle d’atrocités sionistes a été de résister contre le projet sioniste de les rayer de la surface de la terre. Tandis que le sionisme, depuis son implantation, recherche et recrute des collaborateurs arabes et palestiniens dans l’espoir d’écraser la résistance palestinienne, ni Israël ni aucun de ses collaborateurs n’ont été capables de l’arrêter.
      La leçon que le sionisme a refusé d’apprendre, et refuse toujours d’apprendre, c’est que le désir ardent des Palestiniens de se libérer du joug sioniste ne pourra pas s’éteindre, quelle que soit la barbarie à laquelle peut arriver Israël dans ses crimes. Le soulèvement du Ghetto de Gaza marquera à la fois un nouveau chapitre de la résistance palestinienne au colonialisme, et la dernière brutalité coloniale israélienne dans une région où les peuples n’accepteront jamais la légitimité d’une implantation coloniale européenne raciste parmi eux.

 

Et comme chaque jour depuis que le massacre de Gaza se poursuit voici quelques mots de poésie palestinienne... Il s'agit d'un poème de Mahmoud Darwich qui est suivi d'un extrait d'un entretien qu'il a eu avec le poète libanais Abdo Wazen dont il est né un livre Entretiens sur la poésie publié aux Ed. Actes Sud.

 

La terre nous est étroite et autres poèmes
Ed. Gallimard, 1994

Mahmoud Darwich

“ Onze astres sur l’épisode andalous ”

 

La vérité a deux visages

Et la neige est noire

 

La vérité a deux visages et la neige est noire sur notre ville

Nous ne pouvons désespérer plus que nous ne l’avons fait, et la fin marche vers

Les remparts. Sûre de ses pas

Sur ces dalles mouillées de larmes. Sûre de ses pas

Qui mettra en berne nos étendards ? Nous ou Eux ? Et qui

Nous donnera lecture du Pacte de paix, ô roi de l’agonie ?

Tout est apprêté pour nous. Qui dépouillera notre identité de nos noms ?

Toi ou Eux ? Et qui posera en nous

Le sermon de l’errance : “ Nous avons été incapables de briser l’encerclement

Remettons les clefs de notre paradis à l’émissaire de la paix, et nous serons saufs… ”

La vérité a deux visages. Notre emblème sacralisé était un glaive dans nos mains

Et un glaive pointé vers nous. Qu’as-tu fait de notre forteresse avant ce jour ?

Tu n’as pas combattu car tu crains le martyre, mais ton trône sera ton cercueil

Porte ton cercueil et préserve le trône, ô roi de l’attente

Ce départ nous laissera poignée de poussière

Qui enterrera nos jours après nous ? Toi ou Eux ? Et qui

Hissera leurs bannières sur nos remparts : Toi ou

Un cavalier désespéré ? Qui suspendra leurs cloches sur notre voyage

Toi ou un pauvre garde ? Qui suspendra leurs cloches sur notre voyage

Toi ou un pauvre garde ? Tout est apprêté pour nous

Pourquoi éterniser la fin, ô roi de l’agonie ?

Les cinq entretiens avec Abdo Wazen ont été publiés dans le quotidien arabes de Londres Al‑Hayât, en décembre 2005. Celui avec Abbad Beydoun a paru dans le quotidien de Beyrouth As-Safir, le 21 novembre 203

Traduits de l’arabe ( Palestine ) par Farouk Mardam-Bey

Actes Sud, Collection “ Mondes Arabes"= ”, octobre 2006

Présentation de l’éditeur :

Dans ces cinq entretiens avec le poète libanais Abdo Wazen, Mahmoud Darwich apporte de précieuses informations sur sa vie et son œuvre, et notamment sur ses derniers recueils marqués à la fois par un renouvellement thématique et par une grande exigence formelle. Prolongeant son précédent livre d’entretiens, La Palestine comme métaphore, il précise ses positions sur l’engagement politique de l’écrivain, rend hommage à quelques grands poètes européens du XXe siècle, aborde sa production poétique arabe depuis le début des années 1950 jusqu’à nos jours et, surtout, explique comment naît un poème, à partir d’une idée, d’une sensation, d’une image ou d’une cadence. L’ensemble est sous-tendu par sa lancinante réflexion sur la frontière ténue entre la poésie et la prose.

L’entretien avec Abbas Beydoun complète ses propos sur le métier de poète et sur les débats qui agitent la scène poétique arabe.

 

Abdo Wazen – Vous avez dépassé la soixantaine, mais vous ne cessez de rajeunir sur le plan poétique ?

 

Mahmoud Darwich – Mon secret n’est pas si compliqué.

 

Abdo Wazen – Il n’est pas simple non plus !

 

Mahmoud Darwich – Je ne dis pas qu’il est simple d’un point de vue littéraire, mais il l’est dans ma manière d’en parler.

D’abord, je ne me satisfais jamais de ce que j’écris et je suis perpétuellement en quête d’un nouveau langage qui permette à ma poésie de devenir … plus poétique, si je puis dire. J’essaie sans relâche d’alléger la pression qu’exerce le moment historique sur mon écriture poétique sans pour autant ignorer ce moment.

Ensuite, je ne crois pas aux applaudissements. Je sais qu’ils sont passagers, trompeurs, et qu’ils peuvent détourner le poète de la poésie. Je suis en fait hanté par cette idée parce que je n’ai pas encore écrit ce que je voudrais écrire. Vous me demanderez : "Et que voulez-vous écrire ?" Et je vous répondrai : "Je n’en sais rien !" Je me meus dans une contrée inconnue, à la recherche d’un poème qui soit capable de dépasser ses conditions historiques, de vivre dans un autre temps. Voilà ce que je cherche, mais comment parvenir à l’expliciter ?

Il n’y a pas de réponse théorique à cette question. La réponse se situe forcément dans la création poétique elle-même. Tout ce qu’on dit à propos de la poésie n’a de sens que s’il est réalisé effectivement, dans l’écriture poétique. Je suis toujours inquiet, insatisfait de ce que je fais, et c’est là mon secret.

Je vous dis en toute sincérité : je ne lis jamais ma poésie, je ne la relis pas, si bien que je l’oublie. Cependant, avant de la publier, je ne cesse de la réécrire et de la polir. Une fois le recueil édité, je considère qu’il ne m’appartient plus, qu’il appartient désormais aux lecteurs et aux critiques.

 

La questions la plus difficile que je me pose alors est la suivante : que faire maintenant ? Je me sens totalement démuni, habité d’une inquiétude existentielle. Serai-je capable d’écrire de nouveau ? Chaque fois que je publie un livre, j’ai l’impression que c’est le dernier.

 

Site de François Xavier sur Mahmoud Darwich

http://mahmoud-darwich.chez-alice.fr/entretiens.html


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