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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 22:48
  Un poing levé pour dire NON ! suite

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Les paroles de Léo parmi celles des poètes debout des poètes sans‑papiers ! si c’est pas prémonitoire ça hein ? des poètes de la harangue sociale et libertaire à la Villon et tout près de nous des poètes du peuple algérien comme Jean Sénac… “ Ce que j’ai vu en arrivant dans ma patrie ce sont les yeux / La Révolution a donné un regard à ce peuple. / Beauté de nos gosses à l’orée du jour ! ( … ) Soleil dans le regard de tous ! / J’avais rêvé. Ce peuple est plus grand que mon rêve. / Les plus beaux livres de la Révolution sont les murs de nos villes… ” de tous ces mecs qui nous ont planté là avec des signaux brûlants à reprendre et à porter Léo est celui qui n’a pas arrêté en gueulant la solitude bonne pour les gueux amants de la création les sauvages du temps maudit les albatros au grand large… de nous appeler à nous rejoindre…

Je me le rappelle une fois de retour en banlieue parisienne… 1985… à chacun des concerts qu’il donnait pour la Fédération Anarchiste… la Fédé comme on disait quand il attaquait au piano “ La solitude ” justement… ce texte qui commence par : “ Je suis d’un autre pays que le vôtre, d’un autre quartier, d’une autre solitude… ” et puis d’un coup après un accord plaqué vif son rire qui nous rattrapait désemparés… son clin d’œil de poteau tendre et chaleureux le cœur à pleines paluches il nous appelait : “ Allez viens… viens avec moi je t’emmène… allez tu vas voir… là où on va c’est fabuleux… viens viens… ”

Solitaire Léo tu penses ! Solitaire pour travailler pour écrire pour composer comme on l’est tous nous autres et aussi pour se protéger des sales méchants cons qui lui ont tué sa guenon Pépée et tous ses animaux qu’il aimait… 1968… Hein ? La mort toujours là aux trousses la salope la grande Ogresse portée à bout de flingue par les rabatteurs de gibier… les gueux les poètes les rebelles dans les caves tous ! Et Pan ! Jean Sénac au fond de sa cave vigie rue Elysée Reclus à Alger après qu’ils lui aient sucré son émission de radio Poésie sur tous les fronts… La misère et le soleil… le 30 août 1973 Jean Sénac assassiné… dans sa cave… Léo solitaire face aux récupérateurs du show‑biz et de la politj.-senac-petit.jpgik chiottes mais solidaire des gens simples et qui venaient l’écouter comme nous à qui il balançait ses coups de gueule et les poètes ses frangins qu’il nous ramenait sur la scène… Solitaire tu penses !

 

“ L’argent c’est le sourire du désespoir.

Demain, c’est aussi le désespoir. Alors, Demain tu seras riche, mon camarade. Car ce que je te donne n’a pas de prix.

Accepte‑moi comme je t’accepte.

Demain, je t’aime. ”

Léo Ferré “ Demain ” pps.187‑188 in Testament Phonographe, Ed. Plasma, 1980

 

Ouais pas de prix c’est vrai… ses orchestrations après celles tellement modernes de “ C’est extra ” incroyable cette chanson je l’ai écoutée la première fois dans le pensionnat de bonnes sœurs où je croupissais à 13 piges dans l’Est de l’Est cette région glaciaire aux épouvantes ! j’y ai compris que couic mais alors la musique des mots et ce slow hein ? “ Une robe de cuir comme un fuseau / Qu’aurait du chien sans l’faire exprès / Et dedans comme un matelot / Une fille qui tangue un air anglais / C’est extra / Les ‘ moody blues ’ qui chant’nt la nuit / Comme un satin de blanc marie Et dans le port de cette nuit / Une fille qui tangue et vient mouiller… ” ses orchestrations des textes de Baudelaire ceux qu’on étudie rien du tout dans les écoles pas de danger ou de Rimbe le forniqueur  sulfureux avec son Verlaine de contrebande elles ont filé à mes poteaux des milieux populaires qui trimaient au CAP de tourneur ou de fraiseur des espaces d’imagination et de la poésie où les chanteurs de rues avec orgues de barbarie piochaient leurs rimes à jeter par-dessus bord les machines outils le cambouis la limaille et le reste !

Léo avec ses trouvailles qui nous plantaient raide… y a qu’à relire elles ont pas vieilli d’un poil il a fait plus pour nous les mômes de la zone que tous les bouquins qu’on a pu lire après si y en a eu ! Pour beaucoup… la plupart c’était la première fois qu’on nous causait avec de la grandeur et de la simplicité alors Baudelaire on apprenait à écouter et pour finir on trouvait ça extra ! Ceux qui ont survécu comme moi à ces années d’imposture où à 20 piges on a eu qu’un modèle celui de nos vieux l’idéal du frigo à remplir et du crédit foncier à banquer en fin de mois alors qu’on voulait si fort devenir les baladins du monde savent combien elles nous ont tirés du trou ces soirées…

 Avant de nous lâcher retour à nos quartiers de haute solitude il nous en reversait un petit coup de la chaleur partagée et de ce qu’il faut surtout pas oublier… Que font‑ils ? Qui sont‑ils ? /  Ces gens qu’on tient en laisse / Dans les ports au shopping / Au bordel à la messe ? ( … ) 

Shakespeare aussi était un terroriste / ‘ words… words… words… ’ disait‑il / Videla ? / En français : budelle, tripes / En italien : budella, tripes / En argentin ? / Vas‑y voir ! / De quoi dégueuler, vraiment ! ”

 

Ouais Léo c’était drôlement subversif ce qu’il écrivait ! Sa “ Préface ” au recueil Poètes… vos papiers ! ” y a pas photo… c’est un texte qui aujourd’hui s’il était gribouillé et publié sur le Web par un inconnu ferait mettre vite fait son auteur en tôle comme ça risque d’être le cas du chanteur du groupe de Rapp La Rumeur pris en joue par les censeurs de la République…

 

“ Place à la poésie, hommes traqués ! Mettez des tapis sous ses pas meurtris, accordez vos cordes cassées à son diapason lunaire, donnez‑lui un bol de riz, un verre d’eau, un sourire, ouvrez les portes sur ce no man’s land où les chiens n’ont plus de muselière, les chevaux de licol, ni les hommes de salaires. ” ( … )

“ Je voudrais que ces quelques vers constituent un manifeste du désespoir, je voudrais que ces quelques vers constituent pour les hommes libres qui demeurent mes frères un manifeste de l’espoir. 

Mort de Léo 2 

Et c’est exactement là où nous en sommes désormais piégés coincés entre le désespoir qui nous renvoie seuls à nos chemins de traverse qui ne traversent plus rien et qui nous mènent jusqu’à ce pont où le personnage de Camus dans La Chute décide de se suicider comme le font chaque jour ceux qui laissent la mort la salope les alpaguer plutôt que d’avoir à affronter des choix qui les singularisent… et l’espoir qui attend et qui veille un stylo… un pinceau… un outil… un caillou à la main…

Ouais nous sommes totalement les deux… à nouveau comme du temps y a trente piges où on avait fui l’existence de nos vieux à crever d’ennui… Et si nous arrivons à échanger notre désespoir solitaire qui nous a fait tracer ces paroles de colère de frustration d’impuissance de désarroi de poésie…contre un espoir solidaire dont tous les rêves sont déjà en route puisque nous avons mis ensemble nos révoltes en mots alors bientôt dans quelques jours peut-être ouais on la réinventera la jeunesse et la beauté du monde…

 

“ Comme si je vous disais qu’un intellectuel peut descendre dans la rue et vendre le journal

Comme si je vous disais que ce journal est un journal qu’on aurait pu interdire

Comme si je vous disais que le pays qui s’en prend à la liberté de la presse est un pays au bord du gouffre

Comme si je vous disais que ce journal qui aurait pu être interdit par ce pays au bord du gouffre pourrait peut‑être s’appeler la Cause du Peuple

Comme si je vous disais que le gouvernement intéressé par ce genre de presse d’opposition pourrait sans doute s’imaginer qu’il n’y a ni cause ni peuple

Comme si je vous disais que dans le cas bien improbable où l’on interdirait le journal la Cause du Peuple, il faudrait l’acheter et le lire

Comme si je vous disais qu’il faudrait alors en parler à vos amis

Comme si je vous disais que les amis de vos amis peuvent faire des millions d’amis

Comme si je vous disais d’aller tous ensemble faire la révolution

Comme si je vous disais que la révolution c’est peut-être une variété de la politique

 

Et je ne vous dit rien qui ne puisse être dit de ‘ variétés ’, moi qui ne suis qu’un artiste de Variétés ”

Léo Ferré “ Le conditionnel de variétés ” p.300 in Testament Phonographe, Ed. Plasma, 1980                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 23:02

A toi Léo... et à tous mes frangins morts d'overdose ou explosés avec leur motos à Rungis à 17 ans... Aux mômes d'aujourd'hui qui bivouaquent dessus les trottoirs crasses des villes avec leurs chiens... à ceux qui dorment dehors...

Un poing levé pour dire NON !

“ Nous sommes des charrues avec des socs de rêves ”

Léo Ferré Le Loup

 Léo paroles et musiques

“ Dans ma trappe aujourd’hui, je vis avec une population car je suis devenu la population. Il suffit qu’un berger passe, avec son troupeau, pour qu’aussitôt je m’identifie au spectacle de la laine bientôt tondue, aux effrois de l’égorgement, aux fourrures prolétaires, aux protestations syndicales, aux carêmes chiffrés. Dans l’association de pareilles idées, il y a ce mouvement irréversible de la pensée qui nous domine, ce déroulement totalitaire qui nous soumet à ce qui n’est pas nous, aux mots‑pensées qui ne sont pas nos mots, aux racines imposées qui remontent aux calendes indo‑européennes et qui maintiennent – au bord de ce que nous voulons bien croire être notre libre arbitre – le psychisme barbare dont nous sommes encore les dépositaires. ”

Léo Ferré “ Technique de l’exil ” p.9 in Testament Phonographe, Ed. Plasma, 1980

 

Ouais c’est vrai que les mots de Léo tous… qu’il cause d’amour ou de révolte ce qui est la même chose chez lui et chez les graines d’ananars que nous sommes quelques‑uns… je les écoute à chaque fois que je sens que je vais lâcher le morceau… laisser aller quoi… que j’en ai marre de la lutte de l’exaspération… de rester dans la vigilance… Les artistes c’est ça leur job non ? En tout cas moi je crois bien que c’est ça et si on veut pas se fatiguer faut faire autre chose quoi ! Léo… ça me remonte à des années… des siècles presque… ce temps que je n’ai pas encore écrit d’une jeunesse déjà consciente de notre naissance à nous autres ceux des générations 50‑60 entre le désespoir de tous ces combats perdus de l’Espagne de Fernando Arrabal et de Garcia Lorca à notre futur bientôt espoir trahi du Chili de Salvador Allende et de Victor Haja…

Libertaire je l’étais et je ne savais pas pourquoi et l’assiette du pauvre dedans le placard chez mes grands‑parents m’avait mis la puce à l’oreille alors qu’on me racontait encore doucement des histoires de charité et d’un pauvre qui passerait… Comment ça se repasse ces choses‑là à saute‑mouton des générations j’en sais rien… mais c’est sûr que de mes ancêtres ouvriers paysans nés eux juste avant la Commune… en 1870 ils avaient vingt piges et moi j’ai le sang rouge épais bouillonnant des fédérés assassinés par la clique des Versaillais qui roule à l’intérieur ah ouais ! Et mes mains qui écrivent sont aussi les mains nues des travailleurs blacks des filatures du Nord les dernières en 1980… 

Ce sang des mineurs de Courrières en 1906 et de tous les combats ouvriers il a été tiré et nous sommes en train de le boire… A la santé de qui trinquons nous nous qui lisons à 17 ans Bakounine et Camus et très vite ces chansons d’un grand albatros au plumage blanc qui nous arrivent et nous sidèrent ?

 

“ La grande misère du langage, signifiée à Rimbaud qui trouvait une couleur aux voyelles, nous contraint à une forme de pensée stéréotypée, une pensée ‘ maître d’hôtel ’ des mots. ‘ Je trouvais une “ odeur ” aux voyelles ’ pourrait encore dire Rimbaud, A vernis, E menthe, I charbon, O foin, U éther. Et les consonnes ? On pourrait leur trouver un relief, une matière. B gras, C diaphane, D osseux, F papier bible, ou bien des sons, des fréquences d’oiseaux, des graves moelleux, un médium tranquille. L’alphabet passé par tous les sens. Rimbaud le prévoyait. ”

Léo Ferré “ Technique de l’exil ” p.10 in Testament Phonographe, Ed. Plasma, 1980

 Léo les étrangers

En fouillant mes bouquins pour aller y boire en ces jours d’immonde aux poèmes de Léo qui me fracassaient à l’époque tout dedans mon p’tit crâne d’adolescente ces sensations d’angoisses aiguës de la mort si bien semée en nous par tant d’années de guerres accumulées peut-être au profond des corps de nos vieux qui n’avaient rien à nous refiler d’autre j’ai trouvé hier froissé un billet d’entrée au concert à Nîmes en 1983…

1983… des mots comme ceux de Rimbe aux voyelles genêts et bruyères et aux consonnes schistes bleu‑noir… Cévennes… notre hameau perdu… ses “ Terres en péril ”… squatts… communautés… insoumission… utopies et mise en route d’un monde neuf… jeune… joyeux… Tu parles !

1983… Léo la révolte qu’on avait mise en actes tu nous la mettais en mots fallait écouter ça c’était dans ce sang tiré aux encriers des prolétaires que tu avais trempé ta plume toi ! La mort la salope tu l’as arrachée de moi ce soir‑là si je me souviens ouais ! ouais !… Des compagnons que j’avais... morts d’overdose à 17 ans ou pulvérisés avec leur moto dessus le bitume de Rungis... qui garde les noms sur un rouleau d’argile gravés ? 

Titi… Mario… Jérome… Martine… et toi Marc mon frangin enfui… personne dans les jardins des baraques de vos vieux tous ouvriers pour tailler les pierres de granit qui marquent votre passage… personne qui crie qui vocifère qui s’indigne de l’indifférence abjecte de votre départ ! Ouais personne… et ce sont les mêmes aujourd’hui qui se foutent bien des gamins du trottoir qui réclament une couverture parce que dans un squatt la nuit l’hiver il fait froid Madame ! Monsieur ! Ils ont arraché les fenêtres de l’immeuble bourgeois vide et en bon état… ils ont viré les ardoises du toit et coupé les fils électriques ! Ils… qui ça ? Des employés comme tout le monde… des gens… des fossoyeurs ordinaires…

 

“ ALORS QUE CES ENFANTS SONT TOUT SEULS DANS LES RUES

ET S’INVENTENT LA VRAIE GALAXIE DE L’AMOUR INSTANTANÉ

alors que ces enfants dans la rue s’aiment et s’aimeront

alors que cela est indéniable

alors que cela est de toute évidence et de toute éternité

JE PARLE POUR DANS DIX SIÈCLES et je prends date

On peut me mettre en cabane

On peut me rire au nez ça dépend de quel rire

JE PROVOQUE A L4AMOUR ET A LA RÉVOLUTION

YES ! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR

Je vous l’ai dit

Des armes et des mots c’est pareil

Ça tue pareil ”

Léo Ferré Testament Phonographe p.35, Ed. Plasma, 1980


Ouais alors pas questiMort de Léoon de dormir hein ? Garder la colère bien fraîche et la porter comme un bouquet d’œillets rouges dessous la pèlerine des jours glacés d’enfance et la faire péter encore encore plein milieu de nos quartiers de solitude… de nos rêves renversés le ventre en l’air parce qu’on en avait tant et qu’on a laissé les corbacs leur crever la peau douce de lumière…Ouais on a laissé… les rapaces repus les imbéciles merdaillés les fabricants d’armes et de cataplasmes à bien vieillir au chaud les donneurs de leçon et de “ bonne volonté ” faire des grimoires où était écrite notre révolte impure et scintillante des escarbilles dorées de notre héritage du papier monnaie du papier torchon du papier cul !

A suivre...

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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 21:43

Cet article est publié sur le site : www.info-palestine.net 
La Suisse
soutient un film genevois devant les ministres du HamasBoycott-Israel.jpg

Mercredi 16 décembre 2009

 

Andrès Allemand

 

      BANDE DE GAZA “ Aisheen ”, le documentaire de Nicolas Wadimoff et Béatrice Guelpa tourné juste après la guerre, livre un puissant message d’espoir. Il vient de subir le test du public à Gaza City. Avec succès !

 

       “  Aisheen ( Still Alive in Gaza ) ”, le documentaire des Genevois Nicolas Wadimoff et Béatrice Guelpa. Le film a été tourné en quatorze jours, un mois après la fin de l’offensive israélienne de décembre et janvier.

      “ C’est truqué ! Votre film déforme la réalité de Gaza en montrant cet adolescent qui parle de devenir moudjahidin s’il n’a pas la possibilité de faire des études universitaires ! Il n’aurait jamais dit une chose pareille, vous salissez notre image ! ” La scène se déroule à Gaza City.

Debout au milieu de la salle de projection, l’homme ne décolère pas. Pourtant, quelques rangées devant lui, trois ministres du Hamas, trop heureux de côtoyer des Suisses, ont poliment applaudi Aisheen ( Still Alive in Gaza ), le documentaire des Genevois Nicolas Wadimoff et Béatrice Guelpa. Un film tourné en quatorze jours, un mois après la fin de l’offensive israélienne de décembre et janvier.

 Ali-et-le-chat.jpg

Les clowns, le zoo et le rap

 

      Curieuse polémique, qui s’éteint comme un feu de paille. Car tout le monde en convient : le documentaire n’est pas militant. Bien au contraire, il dresse le portrait de Palestiniens qui résistent au désespoir et reconstruisent leur vie. Malgré la guerre et le blocus israélien. Malgré la mainmise du Hamas. “ La Suisse apporte son soutien officiel à ce documentaire indépendant, que nous souhaitons voir projeté en Occident, mais aussi en Cisjordanie et en Israël, pour faire entendre la voix des gens de Gaza ”, lance l’ambassadeur helvétique Roland Steininger face à une salle comble.

      Faire entendre la voix du forain qui retape une roue de manège. Celles des clowns à Rafah qui faisaient rire les enfants malgré les bombardements. Du gardien de zoo si dévoué aux bêtes qui ont survécu. Des enfants pêcheurs qui jouent à tromper la surveillance des vedettes israéliennes. Ou encore celle des rappeurs du groupe Dargteam.

      “ C’est le rêve de ma vie ! ” souffle Fadi Bakheet, jeune manager de Dargteam. “ Pouvoir dire au monde la vérité sur Gaza. Nous en avons assez du désespoir et de la guerre. A chaque conflit armé, c’est la population palestinienne qui est victime. Alors ça suffit ! Nous sommes prêts à mourir pour la cause, mais pas par la violence. Personne n’ose le dire par peur de passer pour un collabo. La police nous a arrêtés plusieurs fois, mais nous n’avons pas peur. Le rap, c’est notre djihad à nous. Le rap c’est notre liberté. ”

      Une liberté qui reste à conquérir. Le film genevois n’a pas pu être projeté à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Par prudence, la séance a été annulée. La population était jugée trop conservatrice pour supporter de voir et d’entendre des rappeurs, suspects d’accointance avec la culture américaine.

 

Du côté des vivantsMaisons-de-boue.jpg

 

      Un peu déçu, Nicolas Wadimoff ne se laisse pas démonter : “ Il y a tout de même eu plusieurs représentations à Gaza. J’étais d’abord très tendu, mais j’ai vite réalisé que les gens se retrouvaient dans le film. Parce que nous avons cherché du côté des vivants, plutôt que de reproduire une fois de plus la litanie de la violence. ”
       Béatrice Guelpa enchaîne : “ C’est ce qui pourra toucher le public en Suisse, je pense. Des situations individuelles, dans lesquelles chacun peut se reconnaître. ”

      Peut-être même un peu trop, glisse Majeda Al-Saqqa, de l’association pour la culture et la libre pensée, de Khan Younis. “ Tout ça m’a replongé dans l’immédiat après-guerre. C’est un excellent film... à visionner à l’étranger. ” Par exemple lors du prochain festival Visions du Réel en avril à Nyon. Ou peut-être même - qui sait ! - au Festival de Berlin.

 

Un musée pour Gaza ? La Ville de Genève en première ligne

 

      Le conseiller administratif genevois Patrice Mugny était lui aussi présent à Gaza City pour la première mondiale du film de Nicolas Wadimoff et Béatrice Guelpa. C’est même lui qui avait posé pour condition que Aisheen soit d’abord projeté dans la bande de Gaza, devant les Palestiniens. Moyennant quoi, le Département de la culture de la Ville de Genève a contribué au financement de ce documentaire, à hauteur de 50.000 francs ( sur un budget de 350.000 ).

      Mais ce n’est pas le seul projet que soutient Patrice Mugny à Gaza. Il n’a pas abandonné l’idée de contribuer à la réalisation d’un musée archéologique à Gaza. Un projet qui pourrait reprendre forme si l’accalmie se maintient. Il a rencontré le ministre de la Culture du Hamas etAisheen Still Alive in Gaza espère l’inviter l’an prochain à Genève, de même qu’un représentant du Fatah. Objectif : lancer un concours d’architectes.

Enfin, le magistrat genevois a pu constater de ses propres yeux le degré d’avancement du centre pour femmes financé par l’Association Meyrin-Palestine, un projet auquel la Ville de Genève contribue également.

 

10 décembre 2009 - Cet article peut être consulté ici :

http://www.tdg.ch/actu/monde/suisse...

 

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 23:28

Ma soeur du lait de l'Ogresse suite...

Eve détail 2009

Ecoute…

La Medina elle est le repère de Tyroun-bâ et de tous les crapauds et c'est interdit pour nous d’y pénétrer... D’un côté comme de l’autre on respecte le verrouillage... Y'a personne qui s'préoccupe des étrangers qui restent plus de deux ou trois mois dans son espace de transition.   Ceux qui en sortent ils en parlent pas... Certainement ils pensent qu’y a bien assez de honte à être passés par là. et ils se hâtent de s'agglutiner à l'intérieur du nouveau décor... Y se mêlent aux autres comme la famille de Zahra ou comme la mienne qui vivent sous la peau de la chèvre recousue ils se coulent au creux de l'odeur poisson pourri… Ils oublient pour finir la clairière des baobabs et les histoires que raconte M’mâ Zoulika dedans la poussière des soirs d'été...

A l’intérieur d'la Cité aux ordures on a tous au moins quelques gouttes de sang sauvage...C’est le cas des mômes black-café indiens… des blanc-cassés ou encore des négro-arabes comme P’tit Nègre... Mais c’est aussi le cas de ceux qu'ont une famille de ratons laveurs comme la mienne et qui'essaient de pas se souvenir d’un grand-père qui… que… avec une fille du Grand Sud... Eux ils ont assez lavé  de ce sang-là pour être quittes jusqu’au jour où ça leur ressort pareil à une excroissance... Une grenade mûre.

Nous c'est un bon exemple de ce qu'y a de tordu dans l'ensemble des familles blanches du Block 3 l’Afrique. D'un côté mon vieux qui m'cause en cachette de Lakhdar l'Arabe de l'autre ma darone qui vocifère tout bas quand elle croise les femmes algériennes vêtues de la gandoura et des grands tissus de couleur... Elles reviennent de la laverie avec le panier de linge qui déborde sous leurs bras et contre leurs hanches elles se racontent dans leur langue des histoires qui les font rire aux éclats... Aucune qui va à la laverie toute seule…  aucune qui se sépare du groupe...

Comme les Africaines aussi dont M’mâ Yao une qu'est sapée d'un boubou turquoise où y a des cases qui s'baladent et des palmiers noirs qui dirigent les expéditions en évitant les chemins des ouvriers fourmis... Se trémoussent queue leu leu on dirait des crapauds… C'est énervant ces couleurs qui s'faufilent joyeuses dessus les murs gris ! Et ma mère solitaire elle s'acharne à faire le parcours cinquante fois par jour et à laver l'linge sale des autres... Ma mère elle se sent en état d'infériorité et de honte face à la tribu des femmes...

Visage oiseau

Les soirs ordinaires dans l'herbe aux tam-tams qui nous sépare d'la Medina P’tit Nègre pose le cabas et il se met à tourner sur lui-même et à sauter comme le diable… Frappe ses paumes l’une contre l’autre pour capturer le rythme. Morgane moi j'essaie de le suivre… Morgane oublie qu’elle est une fille des eaux et qu’elle sait faire danser que les mots... Mon corps est prisonnier de son absence... Qui va le mettre au monde dans la rosée du désir ?

Qui va ?… Est-ce qu’y faut toujours choisir entre les mots et tes jambes de fille ? Marcher sur les mots… Danser sur leur petit ventre doux… L’herbe me retient les hanches de ses cheveux…

J’entends loin le rire de Zahra… il se déchaîne et il vole milieu du cercle des gamins black-café qui battent pour elle le sang d’Afrique sur le cul des casseroles. Boum… boum… rata boum !…

Envie de courir vers elle Zahra… plus légère que les cerceaux de lumière qui tournent au creux d'mon sommeil… Mais ils m’échappent et ils renaissent en bordure d’un ksar inconnu de mes yeux...

Ecoute… écoute… Mais Zahra a jamais vu l'ocre-rouge des ksour… ni moi… alors nous on imagine…

 

Ecoute… écoute…

Parfois je réussissais à sauter les grilles de l’école sous l'odeur méchante des brasiers d'ordures. Zahra me suivait et on s’enfuyait à quatre pattes loin du triangle isocèle et des cabinets… Poisson pourri…

A suivre...

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 23:26

Cet article a été publié sur le site : www.info-palestine.net

Israël a fait de tous ses citoyens des colonsBoycott-Israel-copie-1.jpg

Vendredi 11 décembre 2009 - 07h:00

amirahass.jpg 

Amira Hass

Ha’aretz

 

Le sentiment de trahison que ressentent les colons est naturel. L’Etat et ses institutions ne nous ont-ils pas appris que le colon était supérieur à tous les autres ?

 

Les colons qui se sont opposés aux inspecteurs de l’Administration civile cette semaine vivraient-ils dans les territoires si les gouvernements d’Israël ne les avaient installés et encouragés ? Les évacués de Gush Katif [ Gaza ] auraient-ils déménagé dans des mobil‑homes à Ariel [ Cisjordanie ], en attendant des maisons en dur, spacieuses, si le gouvernement leur avait clairement signifié que c’était interdit - parce que les colonies allaient être évacuées dans un avenir proche pour un accord de paix - et que les indemnités pour les évacuations ne seraient pas versées à quiconque s’en irait en Cisjordanie ?

Les colons qui s’affrontent aux forces de l’ordre ne savent-ils pas que ceux qui ont commis des crimes - des menaces racistes et blocages de routes aux ventes en gros d’arbres abattus, incendies criminels, tabassages et assassinats de Palestiniens - n’ont pas subi d’enquête ou qu’ils ont été pardonnés et oubliés, en un clin d’œil ?

Le sentiment de trahison que ressentent les colons est naturel. L’Etat et ses institutions ne nous ont-ils pas appris que le colon était supérieur à tout autre ?

 

Oui. Le colon, en fait, c’est chacun d’entre nous. Les ordres de gel ne changeront rien à ce qui existe aujourd’hui : un Etat élitaire pour les juifs et un sous-espace pour les Palestiniens - tronqué, coupé en morceaux, asphyxié. De nos jours, dans les esprits la distinction entre l’Etat d’Israël et les colonies est artificielle.

Il en va ainsi de la distinction entre le mal et le bien, entre la violence et le respect de la loi, entre les résidents de l’avant-poste colonial Migron, ceux du bloc de colonies Etzion et des territoires annexés à Jérusalem, et ceux qui vivent à l’ouest de la barrière de séparation.

Ceux qui louent les ordres de gel le font en pensant aux relations avec les Etats-Unis.

Les inférieurs et les occupés n’en tiennent pas compte dans leurs calculs. Et en effet, la terre qui leur a été volée à Beit Jala ( au profit de Gilo ) est la même que celle de Qalqilya que la colonie Alfei Menash convoitait et convoite encore.

La légitimité des blocs de colonies n’existe que dans le consensus israélien. En réalité, ce sont ces blocs et Ma’aleh Adumim qui détruisent les chances d’une paix juste, parce qu’eux et les routes qui leur sont réservées ont jeté les bases d’une entité politique palestinienne paralysée.

Il y beaucoup d’ingratitude dans l’assaut des médias contre les colons qui ont monté des barricades avec des hommes armés pour sauver une réalité dont beaucoup d’Israéliens bénéficient et qu’ils acceptent comme naturelle.

Si les gouvernements d’Israël s’étaient souciés de maîtriser à temps le Golem qu’ils ont créé, ils n’auraient pas cyniquement exploité les accords d’Oslo pour accélérer les constructions et attirer de plus en plus d’Israéliens avec des avantages pour les colons.

Appartheid.jpg 

L’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin aurait évacué les colons d’Hébron et de Kiryat Arba après le massacre perpétré par Baruch Goldstein au Tombeau des Patriarches/la Mosquée d’Ibrahimi.

Son gouvernement et les gouvernements qui ont suivi n’auraient pas étranglé Bethléhem avec leurs tunnels routiers et la colonie “ modérée ” d’Efrat qui serpente et se tord le long des collines.

Ils auraient préparé l’opinion à un scénario dans lequel tous les colons seraient rentrés chez eux et ils leur auraient présenté leurs excuses pour les avoir attirés dans ces transgressions.

Néanmoins, en 1993, nous avons raté une occasion unique de promouvoir une entité dont l’objectif n’aurait pas été l’expansion territoriale aux dépens d’un autre peuple - peuple qui s’attendait à des concessions très douloureuses pour son indépendance et la paix.

Nous avons manqué une occasion de chasser l’acte de dépossession des chromosomes institutionnels et mentaux de notre Etat.

Il n’est pas étonnant que les colons prétendent qu’il n’y aucune différence entre le kibboutz Baram et la colonie Psagot, entre Givat Shaul [ Jérusalem-Ouest ] et la colonie Alon Moreh.

C’est précisément dans l’ombre des négociations diplomatiques qu’Israël a choisi une politique de colonisation accélérée en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est.

Il y expulse les habitants palestiniens de leurs maisons par diverses méthodes.

En faisant ainsi, Israël tire une ligne droite entre Kiryat Shmona et la colonie Beit El, entre Tel-Aviv et la colonie Givat Ze’ev.

 

Israël a fait de nous tous, des colons.Villages-d-truits.jpg

 

Du même auteur :

 

-  Un échec retentissant pour un journaliste

-  La soumission chronique de Mahmoud Abbas

-  Comment Israël décide-t-il à qui délivrer des visas pour Ramallah ?

-  La marque des FDI

-  Quelle justification aux tués à bout portant par les FDI à Gaza ?

 

9 décembre 2009 - Ha’aretz - traduction : JPP

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 23:44

Ma soeur du lait de l'Ogresse suite...

Chasseur

Ecoute… écoute… 

- Non m'sieur… pas les cabinets s'iou plaît… y'a le diable dans c'trou-là… pas les cabinets…

- Foutu Négro !… c'est bien ce que je dis que ça ne sert à rien de vous instruire ! Mais on n'm'écoute pas... Vous serez toujours aussi superstitieux et ignares que vos crapauds et vos vieilles emballées dans leurs voiles qui marchandent pendant une heure un poulet à dix francs ! Allez… va bouffer la queue du diable qu'est là-dedans… c'est ça qui est bon pour vous pas plus !

P’tit Nègre satisfait de son entourloupe que l'autre savait pas se débattait entre le seau où la mousse faisait une barrière difficile à contrôler et la serpillière. Quelques minutes ça lui prenait à s'aménager un polygone de carrelage crème où il s'asseyait sur ses pieds. Certain qu'on l'oublierait là jusqu'à ce'que le gardien poux vienne faire sa ronde avant la nuit il posait sur ses genoux le cahier aux taches d'encre. Modestement il l'avait intitulé : “Légendes de ma grand-mère Afrique”. Et il écrivait dans une langue approximative sous la dictée de djeda Fatima comme Morgane avait dit... Les cabinets c'était le moyen parfait pour utiliser le pouvoir du maître à l'envers et lui épargner la corvée du cabas aux bouteilles de rouge....Négros… foutus Négros…

Les jours de cabinets Morgane elle allait frapper d'un air d'accablement à la porte du marabout du quinzième B le crapaud Tyroun-bâ sur l'épaule afin de prévenir que P’tit Nègre avait une fois de plus décroché la punition. Pendant que le baveux réintégrait son hammam le marabout qui détestait le maître recouvrait le petit Black de compliments compatissants...

- Ya ! Ya ! Ya ! tu es grand mon fils tu es grand... c'est tout ce que Morgane elle pigeait de la mélopée vu que le reste c'était en arabe qu'il le marmonait mais le Ya ! Ya ! Ya !... ça c'est sûr qu'il le répétait au moins dix fois c'était son rituel à Abu Aïssa pas de doute !

Faut dire que le marabout du quinzième B avait un défaut de boisson caractérisé... Et c'était P’tit Nègre qui se farcissait les tracas de bouteilles de rouge carillonnant depuis le haut des escaliers jusqu'au bas de l'épicerie du coin… Et retour avec souci de casse en plus… quelle vie ! Poisson pourri…

En descendant à la recherche de Zahra ma sœur de lait je songeais qu'y a pas de limites à leur bêtise. Ça suffit de leur dire ce qu'ils attendent de nous pour savoir ce qu'ils sont tout au fond. Visage-des-cites-2-2009.jpgLe maître il était pas capable d'imaginer que c'était qu'un jeu... Ni que P’tit Nègre dans les cabinets il écrivait l'histoire d'une vieille femme venue d'Afrique avec son djinn dedans de la lampe à huile... C'était un jeu qui nous ouvrait les portes condamnées de la Cité aux ordures en direction du Grand Sud...

- M'sieur… est-ce qu'il existe vraiment le diable des cabinets ?

- Tu n’as pas fini de poser des questions idiotes… Enlève tes mains de tes poches… Qu’est-ce que tu as dans ton plumier… Je-te-plumerai-la-queue… et le cœur… et le sexe… et la langue de l’Oiseleur. Je te couperai la langue et je t’apprendrai une langue bien usinée qui te fera docile et nénuphar. Ta robe déployée flottant sur l’eau. Ta robe de bal blanche corolle pour nos yeux. Je t’apprendrai la langue des poètes qui parlent de toi sans te connaître...

Mais Morgane moi je ne veux qu'une minijupe moulante rouge et des bas résilles pour Zahra qui danse… danse… Zahra est la reine des baobabs. Que serais-tu sans eux ? Qui te fabriquerait un corps… nénuphar ? Morgane… Zahra… qu’est-ce que c’est que cette odeur… Poisson pourri…


Ecoute… écoute…

Des fois c’est vendredi dans les cantines plus qu’ailleurs. On le sent venir deux jours avant comme un filet de pêche qui s’étendrait sur nous et nous entraînerait vers les fonds plein d’épaves aux flancs ouverts. Ça a été facile d’avoir des têtes en grosse quantité et même des intestins qu’on mange pas nous autres. P’tit Nègre en a caché une caisse pleine. Il l'a traînée pareil au cabas des bouteilles à l’intérieur du sous-sol du Block trois l’Afrique pendant que le sax haletait tout au fond sa ballade affolée. A chaque fois qu’on s’enfonce un peu plus là où la bête enfermée et docile lape le pétrole pour expulser un souffle chaud par ses orifices on l’entend qui reprend sa complainte au rythme lent comme si elle marchait sur de la bruyère. Maintenant les ours savent qu’on est de leur côté. Poisson pourri… Il y a ceux qui partent et puis il y a ceux qui racontent… Là où on va M’mâ… est-ce qu’il y a des oiseaux colibris?… ( … )

 

Ecoute… écoute…

A l’école du ça-voir Zahra me gardait de la méchanceté des maîtres qui  supportent pas mes cheveux verts. Ma mère non plus. C'est Sien qui me les teint. Sien dans son café sait que c'qu'y a d'important c'est de maginer la vie…  Elle a compris qu'pour moi être clown c'est la seule façon de m'tirer d'ici... Alors en plus du bistrot et de ceux qui viennent chez elle lui demander une oreille d'amitié elle s'occupe de Zahra et de Morgane moi comme une frangine complice et bienveillante. A cause de mes cheveux verts ma mère elle dit avec la délicatesse qu'est tout elle que j'ressemble à un crapaud... Pour une fille de l’eau pas encore née des fonds vaseux j'pense que c’est normal... Tiroun-bâ le maître des crapauds il accompagne P’tit Nègre aux commissions de vin rouge perché sur son épaule.  Dès qu’il a la possibilité il saute sur ma tête… ravi baveux… Plus moyen d'l’enlever de là. Je suis sa plaine et son gourbi...

- Tiroun-bâ il t’a reconnue… t’es la déesse des étangs… il me dit P’tit Nègre. S’il savait que j’élève un nénuphar à l’intérieur du bocal des poissons rouges… P’tit Nègre il serait bien déçu .

Tiroun-bâ il a des pouvoirs incertains dus au regard fixe et brumeux de ses grosses loupes d’yeux… ses sous de cuivre bien plus qu’à la puissance du marabout. Le baveux c’est lui qui s’occupe de l’émigration des siens direction d'la Medina arabe au moment de la reproduction... C'est drôle c'qu'il perpétue l’idée d'la fécondité dans le crâne des ouvriers fourmis que rien ne touche. ..Peut-être il leur rappelle des vieux rites paysans qui disaient qu'la terre elle a besoin d'la semence de l’homme pour les fruits et les récoltes...

Les caniveaux boueux et clos de petites écluses d’ardoise de la Medina ils permettent au peuple des crapauds d'rejoindre leur vrai corps au cœur de la nuit brutale d’Afrique... Tiroun-bâ et sa procession de crapauds traversent des kilomètres de macadam entre les pieds des fourmis ouvrières... Elles oseront pas un geste. Non elles oseront pas...

Kee-Bock le boiteux tout l'monde le connaît dans la Cité aux ordures… Il demeure loin derrière comme c'est la coutume vu qu’il est toujours le premier en dépit de sa patte à annoncer la mort et les mauvaises nouvelles. Il sait qu'il peut pas y participer au rituel de la vie… Et justement depuis plusieurs nuits Kee-Bock sommeille dans l’angle des Blocks aux odeurs d’urine à l’étage où se fait la rencontre paillasson pour paillasson des familles d’Afrique et des familles d’ici...

Elles se mènent un combat d’odeEve-petit-2009.jpgurs sans pitié et pas toujours estimables. Poisson pourri contre cabinets bouchés de l’Ogresse débordante... Le père de Zahra il habite au mitant de cette bordée d’effluves à pas tenir. Le père de Zahra en partant travailler dans sa fabrique de feux d’artifice a repéré les deux sous de cuivre du boiteux au gré de l’ombre frontière...

- Tiens… il s’est dit en se faisant la réflexion que le boiteux a pas bonne réputation… il faudra que je parle de ça à Morgane…

Parce que Morgane moi même si j'ai pas encore l'âge je porte déjà sur les épaules tout ce dont ils savent pas quoi faire…

A suivre...

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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 20:30

Ma soeur du lait de l'Ogresse suite...
La-pensee-2009.jpg
      Après avoir saisi P’tit Nègre par l'oreille entaillée pareille à celle d'un vieux matou le maître nous laissait à notre confusion. Il traînait sa victime terrifiée à l'idée des odeurs malfaisantes et des diables dégoûtants vers le cabinet le plus sale. Faut dire que dans c't'école-là on a pas forcément des contrôleurs d'hygiène au petit matin avant qu'on s'en doute et qu'on essaye vite fait de donner le change. Les femmes du ménage viennent gentiment par-dessus le marché si on les invite après leur tournée de toutes les autres écoles de la Cité.

Vu qu'on est l'école la plus métisse du quartier les femmes de ménage qui sont blacks de préférence nous aiment bien et elles passent volontiers boire le thé même si elles ont jamais été payées pour les cabinets de chez nous à visiter. P’tit Nègre… Zahra… Sami et Morgane moi on va à la nuit maquillée rafler les tiges de menthe qui sentent l'odeur d'ailleurs en escaladant les petites barrières déglinguées des premiers jardins ouvriers pas trop loin des palissades entrebaîllées. Les feuilles de menthe elles sont là pour ça.

On traverse sans traîner le terrain vague où ceux d'Alphabête-City déposent les ours refusés et les jouets démantibulés parce que c'est le chemin le plus court que les vigiles salement vigilants n's'aventurent pas à surveiller. Pourtant y a là que des rituels sans danger mais leurs superstitions à eux leur donnent la crainte même d'un crapaud concerto dans les retombées de la nuit des Cités.

Y en a une parmi les maisons ouvrières à laquelle notre tribu d'Indiens ne s'attaque pas. Une au jardin qui fait lézard contre les palissades du terrain vague envahi d'aubépines qui piquent sauvages et de ronces avec des mûres qui tachent noires les doigts de leur jus sucré au creux de la bouche quand l'été se débine. Plus ils fréquentent le terrain vague de la Cité des Blocks et plus les jardins s'enfripouillent et sèment les gardiens qui n'peuvent rien mater au travers de leur jungle rouge et noire aux saisons concernées. Celui-là il a carrément abandonné ses barrières au néant cerné qu'il est par les piquants nature de ses buissons jamais entaillés où on se planque des poursuivants quant on revient chargés des super marchés... A l'intérieur y a toutes les odeurs qu'on veut… les apprivoisées et les autres pas identifiées mais de toute façon c'est là que crèche Yvon le camarade du vieux Yahyia de la Medina. Celui qui n'parle pas.

Yvon est une sorte d'ouvrier pour de vrai aSur-le-fil-2009.jpgnarchiste qu'a jamais bougé de là parc'que comme il dit vu que toute l'Afrique a rappliqué afin de nous enchanter ceux qui n'pourront pas voyager ont qu'à ouvrir leurs oreilles… C'est tout près avec les bateaux d'ivresse qu'on veut parés à embarquer. Probable que c'est dans la cave de sa bicoque plutôt paresse du côté des réparations qui s'font attendre malgré les réclamations du voisinage grincheux qu'aimerait qu'on l'vire des lieux en vue d'ouvrir une tranchée les séparant définitif de la Cité qu'elles s'entassent les bombes aérosol des taggeurs...
        En récompense les murs extérieurs qui fissurent sec ont l'héritage du plus époustouflant tatouage indien du coin qui finira découpé en block avec parpaings dedans un musée. De ça P’tit Nègre… Morgane moi et Zahra ma sœur du lait de l'Ogresse on est certains...

Et puis à l’intérieur de la maison d’Yvon le camarade il y a des livres. Yvon est un de ceux qui connaît les marginaux de la Cité comme sa poche et c’est grâce à lui que Zahra et Morgane moi on a appris l’existence du squatt de l’arbre qui se trouve à l’extrémité Ouest des Blocks juste avant de s’enfoncer dans le terrain vague qui borde la Medina des Arabes... C’est un soir qu’on était assises ensemble sur les marches du Block trois l’Afrique qu’il est passé accompagné d'sa musette pleine de bouquins et qu’il s’est arrêté pour nous causer de ce squatt d’arbre sans qu’on comprenne vraiment pourquoi...

- Eh ! les filles quand est-ce que vous v'nez faire un tour du côté d'la Medina écouter les histoires de M’mâ Zoulika au lieu d'rester là à attendre et à rien faire ?

- D’abord on est pas là à rien faire… nous aussi on en a des histoires à l’intérieur de c'cahier… des histoires d’Afrique même ! elle lui a répondu Zahra en secouant les petites nattes que lui a fait djeda Fatima le matin avec les perles de verre de couleur au bout.

- Ah oui ! des histoires d’Afrique ?… qui vous les a racontées ?

- C’est la grand-mère de Morgane une qu'a vécu dans les paysages d’Afrique y'a longtemps et elle a rencontré tous les personnages de l’histoire… des gens pour de vrai… Asikel et son coq blanc… Nur qui tissait des burnous et des couvertures… Et l’histoire sûr qu’elle arrive jusqu’ici… jusqu’à nous autres dans la Cité aux ordures elle arrive… mais ça on le sait pas vu qu’on l’a pas finie…

- Asikel… tiens donc… c’est pas un prénom qui court les pavés par ici… Y'a justement un garçon black aux cheveux jaunes qu'habite un squatt d’arbre à l’extrémité d'la Cité… Lui aussi il a connu quelqu’un qui s’appelait Asikel quelque part en Algérie… Quelqu’un qui lui a écrit des lettres juste avant d'mourir au fond d’une prison là-bas… C’est drôle…

Et puis il a remis ses mains dedans ses poches et il est reparti avec un air préoccupé en direction de sa maison et du jardin aux lapins...

Sans la bicoque d'Yvon et ses quatre lapins qui proviennent de l'élevage sauvage du chiffonnier du terrain vague y aurait plus aucun lien entre la Cité des Blocks et l'univers déjà cadenassé des jardins ouvriers... Les ratons laveurs blancs ils nEole-figure.jpgous ont pour de bon rejetés et de l'autre bord y a pas que de la fête et du plaisir à partager... Y'a aussi les embrouilles de pas de sous… le gros rouge au cabas carillonnant trop pesant… la douleur au creux d'l'estomac quand la poudre de pollen se ramène dans la poche des macs qui n's'occupent pas que du corps des filles...

Là où il crèche Yvon le camarade les taggeurs ils ont fait un tatouage rouge en hommage à la maison qui arque en ciel ceux d'un côté et de l'autre car y n'peuvent pas se supporter. “ La Casa Encantada" les taggeurs l'ont dessinée pour qu'elle veille face aux esprits malins qui veulent qu’on soit des bandes rivales à couteaux tirés décidées à s'étriper sitôt qu'la poudre de pollen vient à s'en mêler... C'est avec elle qu'ils essaient de faire de nous des esclaves et des fous. Heureusement qu'y a les histoires…
A suivre...

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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 23:34

Un petit clin d'oeil à Françoise et à Robert qui a réalisé les photos couleurs qui accompagnent le texte magnifique et prémonitoire de Per-Jakez Helias et à tous les Poullanais...


Plogoff la révolte

Ed. Le signor,1980 Imprimerie Le Marin 29115 Le Guilvinec

Photos : Noël Guiriec Paul Bilheux


La boutique du monde

 

PER‑JAKEZ HELIAS

 

Le CAP SIZUN est l’un des sites les plus célèbres de “ l’Europe aux anciens parapets ” sous le nom de Pointe du Raz. Depuis une bonne portion d’éternité, il commande le Raz de Fontenoy ( ô, Feunteun‑Aod ! ) et la chaussée de Sein avec le radeau de son île fameuse, le symbole même de toutes les résistances et de tous les entêtements. On y accourt d’ailleurs et de partout, comme un pèlerinage, pour contempler de ses yeux l’un des derniers promontoires du monde occidental. C’est un pan de géographie physique dont la seule vue quotidienne et la nécessité d’y vivre ont fait naître, dans les imaginations, depuis les plus hautes époques, l’un des plus fascinants parmi les cycles légendaires qui ont enchanté les terrestres passages du fils de l’homme en lui donnant des ouvertures sur l’Autre Côté.

Mais les princes qui nous mènent, à défaut de nous gouverner, n’ont cure de tout cela. Ce ne sont pas préoccupations de princes, mais de peuples. Et ils attentent sans vergogne à la réalité comme à ses grandes images l’année même qu’ils ont consacrée – est‑ce ruse ou inconscience – à la défense du Patrimoine. Il semblerait même, à en croire les gazettes, qu’il existe quelque part un Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie. Mais ce n’est peut-être pas vrai. Oublions tout cela.

Or, la vie de l’homme s’inscrit entre deux coordonnées qui sont le temps et le lieu. Etre de son temps, c’est apparemment facile. Il suffit de se mettre à la dernière mode comme si l’on tombait de la dernière pluie. De hurler avec les loups ou de bêler avec les moutons, au choix. De se projeter dans le proche avenir en reniant le passé récent et sans savoir de quoi demain sera fait, bien que les bons apôtres nous assurent que demain on rasera gratis, qu’il y aura du travail pour tout le monde, que l’électricité sera pour rien et que l’on reverra le Paradis Terrestre modifié dans le style Goldorak. A condition, bien entendu, de consentir à quelques petits sacrifices sans importance et pour le bien de tous. Vous y croyez, vous ? Mais si vous faites la moindre réserve, vous voilà rétrogrades, conservateurs, bornés, têtus comme des ânes rouges. Quand un beau parleur, quel qu’il soit, a recours à cet objectif, méfiez‑vous ! Il cherche à vous refiler une douteuse camelote ou même vous faire avaler une couleuvre de taille, politique de préférence. Encore heureux quand il ne tente pas de vous dépouiller de votre patrimoine, le vrai. Avez‑vous remarqué que tous les arguments de ces gens‑là sont futuristes. Le bonheur est toujours pour demain.

Il est plus malaisé d’être de son lieu. Cela fait quelques lustres qu’une urbanisation démentielle concentre dans des camps‑métropoles des masses de déracinés qui étaient pourtant de quelque part. Pour beaucoup d’entre eux, ce sont des déportés du travail, des immigrés de l’intérieur qui auraient préféré exercer leurs talents aux lieux de leur naissance. Ils ne sont pas pour autant des casaniers. Les Bretons, en particulier, se sont fait un nom dans l’Histoire comme coureurs de mers et de pays. Mais dans certaines conditions qui sont les leurs et pour des nécessités reconnues. Aujourd’hui, il semblerait qu’en haut lieu on ait décidé de les vider de leur pays, de transformer leur berceau en désert afin d’avoir les coudées plus franches pour y pratiquer des expériences aussi douteuses que transitoires.

Après quoi, s’ils s’avisaient d’y revenir, ils ne retrouveraient plus que l’anonymat du béton, la pollution usinière des eaux, et des côtes investies par des marées noires périodiquement renouvelées par l’éclatement des bailles à merde qui véhiculent au hasard du temps les mélasses de leur servitude.

En attendant le nucléaire dont les scientifiques ne sont maîtres ni comptables et dont ils ne savent même pas éliminer les déchets. Nous sommes en train d’hypothéquer durement les générations à venir. Mais quoi faire ! Ces têtes politiques, emprisonnées dans leurs propres œuvres, ne savent qu’improviser à vue. Elles devraient pourtant apprendre à naviguer en haute mer et à barrer dans les tempêtes. Ou alors, qu’elles cessent de faire des enfants. Mais n’attendez pas d’elles qu’elles reconnaissent leurs torts, qu’elles remettent en question leur choix. Pourquoi le feraient‑elles ? Elles trouveront toujours des historiens pour les justifier. La mode est aujourd’hui à réhabiliter les rois et les ministres. Il n’y a pas apparence qu’elle doive changer demain.

Alors on nous assomme d’analyses, d’enquêtes, de dossiers, de rapports, de diagnostics, de prévisions et de priorités. Les tanières bureaucratiques s’en donnent à cœur joie, là où siègent les vrais maîtres. Et tout ce monde s’étonne douloureusement à chaque révolte qui éclate parce qu’on n’a pas pris soin de comprendre les gens. Ne pas comprendre les politiques, ce n’est pas grave. Ils ne tiennent pas tellement à être compris, mais élus. Elus et ensuite obéis. Et s’ils n’obtiennent pas l’obéissance, ils ne se font pas de scrupule de changer de qu’ils appellent leur projet de société. Mais auparavant, il leur arrive d’envoyer la garde prétorienne pour intimider l’électeur qui outrepasse son droit d’urne. Votez, nous ferons le reste.

L’électeur, lui, n’a pas confiance. Ni dans la classe politique ni dans les mandarins paperassiers ni dans les experts qui ne peuvent se regarder sans se mettre les sourcils en point d’interrogation. Même quand il se résigne à gober leurs promesses, à s’illusionner sur leurs chiffres faux, il n’a pas confiance. Il n’a pas confiance en des bougres qui se gargarisent de prospective, de croissance et d’audacieux paris sur l’avenir alors qu’ils sont en retard de plusieurs révolutions. Depuis que l’on a inventé le moteur à explosion, on sait que nous sommes livrés aux lointains personnages qui ont des mines de pétrole sous les pieds. Et il n’est venu à l’idée d’aucun animal politique du premier rang qu’il fallait se dégager à tout prix de cet esclavage en multipliant les sources d’énergie. Le pétrole, on le sait bien, est en quantité limitée. L’uranium aussi, d’ailleurs. A notre rythme, et peu après l’en Deux Mille, c’en sera fini de l’un et de l’autre. On découvrira peut-être alors les vertus du jus de topinambour.

Mais en attendant, les apprentis sorciers continuent à se régaler à nos dépens, vrillant à grand péril le fond des mers pour en faire sortir la matière première des marées noires et bâtissant des centrales nucléaires qui risquent fort d’être périmées avant d’être opérationnelles. Périmées mais redoutables dans les siècles des siècles. Voilà ce qu’il dit, l’habitant de deuxième classe. Ce n’est pas qu’il ait peur, mais il n’a plus confiance. De cette méfiance, on se débarrasse en haut lieu en l’appelant morosité.

Il se dit aussi, l’habitant, qu’il y a sûrement d’autres moyens de faire mieux marcher, et sans risque, la boutique du monde. Il est pour la douceur dans l’énergie et pour les sources inépuisables. Il commence à croire que si l’on avait détaché à temps quelques bataillons de chercheurs sur l’exploitation des éléments naturels, on aurait pu mettre en conserve les forces inemployées de la terre, des eaux, de l’air, et faire servir le soleil à autre chose qu’à bronzer les culs de l’été. Il fait bien pousser les plantes, non ? Mais l’habitant raconte encore que le soleil n’est provisoirement à personne, le vent non plus d’ailleurs. Et dans nos démocraties avancées, les exploiteurs ne s’intéressent qu’à ce qui rapporte de juteuses royalties.

Tout bien pesé, le souci du confort actuel de la créature est‑il une raison suffisante pour massacrer durablement la création ? Faut‑il, pour s’assurer provisoirement les moyens de vivre, sacrifier les raisons que l’on a    de persister dans l’existence ? Il est urgent de conserver en l’homme l’envie de durer. Et il semble bien que le désenchantement actuel, surtout celui de la jeunesse, est en train de compromettre cette envie. Quant aux enchantements naturels qui ont racheté les misères de nos ancêtres, on ne les exalte plus que dans les livres de classe pour les premiers âges, en guise de sursis pour les enfants qui seront les victimes ou les bourreaux de l’en Deux Mille.

Ah ! J’allais oublier. Il y a des gens qui aiment leur pays, qui l’aiment tout simplement. A Plogoff et partout ailleurs. Mais c’est là un paramètre qui n’entre pas dans les calculs des économistes de progrès. Et c’est un luxe dont il semble bien, désormais, que nous n’ayons plus les moyens.

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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 23:21

Cet article a été publié sur le site : www.info-palestine.net


Les laboratoires de la Mer Morte : l’affaire Ahava

Samedi 5 décembre 2009

 

Nancy Kricorian


L’usine principale de l’entreprise et son showroom sont situés dans la colonie israélienne de Mitzpe Shalem en Cisjordanie occupée. ( Toutes les colonies israéliennes de Cisjordanie sont illégales en vertu du droit international. )

L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève déclare : “ La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. ”

37% des actions de l’entreprise sont aux mains de la colonie du kibboutz Mitzpe Shalem, 37% sont détenus par Hamashbir Holdings ( fonds d’investissement de B. Gaon Holdings et de la famille Livnat ), 18% sont la propriété de Shamrock Holdings ( fonds d’investissement de la famille Roy E. Disney ), et 7% reviennent à la colonie du kibboutz Kalia en Cisjordanie. ( Voir : http://www.whoprofits.org/Company %2... pour les chiffres ci-dessus et toute autre information sur l’entreprise. )

Les colonies de Mitzpe Shalem et de Kalia sont des coopératives possédées par les colons qui y vivent, et ensemble elles possèdent 44% d’Ahava. Ces deux colonies sont à l’intérieur du territoire palestinien. Mitzpe Shalem est à environ 9 kilomètres de la Ligne Verte et Kalia, à 30 kilomètres de cette Ligne. Les bénéfices d’Ahava subventionnent donc ces colonies illégales et leurs habitants. Selon la cartographie dressée par Adalah, Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël , quelques communautés palestiniennes vivaient autrefois sur les terres occupées par ces deux colonies : Nabi Musa où se trouve à présent Kalia et ’Arab al-Ta’amira près de Mitzpe Shalem.

Quelle que soit sa nationalité, quiconque peut installer une usine dans n’importe quel pays, mais ce faisant il doit généralement payer des impôts au gouvernement local dont il doit aussi respecter les lois L’usine Ahava est dans le territoire palestinien occupé, mais elle ne paye pas d’impôts à l’Autorité palestinienne, et n’a pas obtenu son permis d’exploitation auprès de ladite Autorité.

Non seulement l’entreprise Ahava profite-t-elle de l’occupation en implantant son usine et ses magasins principaux dans une colonie israélienne illégale, elle incorpore de plus dans ses produits de la boue de la Mer Morte excavée dans une zone occupée, dont elle exploite les ressources naturelles à des fins commerciales. La boue qui est employée dans les produits Ahava est prise d’un site à côté de la colonie de Kalia.


Ce “ pillage ” est illégal en vertu du droit humanitaire international, spécifiquement en vertu des articles 23, 53 et 55 des règlements de la Haye ; les articles 51 et 53 de la Quatrième convention de Genève ; et l’article 8 ( 2 ) ( b ) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Les produits d’Ahava sont étiquetés “ fabriqué en Israël ”, mais selon le droit international, notamment les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Cisjordanie ne peut pas être considérée comme faisant partie de l’État d’Israël. A cause de cet étiquetage trompeur, il est difficile aux consommateurs d’identifier la source réelle des produits qu’ils achètent. Beaucoup de consommateurs qui achètent des produits israéliens, n’achèteraient pas un produit dont ils savent qu’il a été fabriqué dans les colonies israéliennes illégales de Cisjordanie. Les colonies sont une pierre d’achoppement pour une paix juste dans la région, et les entreprises israéliennes qui basent leurs opérations en Cisjordanie occupée sont considérées comme des profiteurs de guerre.

Avant que CODEPINK ne lance sa campagne de boycott AHAVA, Beauté Volée, nous avons envoyé une “ mission d’enquête ” à Mitzpe Shalem. Deux militants de CODEPINK ont visité l’usine d’Ahava à Mitzpe Shalem début juin 2009. Ils ont remarqué que beaucoup d’employés de l’usine étaient des immigrés russes qui venaient travailler en bus depuis les environs de Jérusalem. Ils ont également noté qu’une importante nouvelle aile de l’usine était en construction.

Un journaliste du quotidien étatsunien-juif en ligne The Tablet qui a écrit un article en août 2009 concernant la campagne de boycott de CODEPINK Ahava, beauté volée n’a reçu aucune réponse d’Ahava au sujet de ses pratiques illégales, mais un porte-parole du gouvernement israélien a offert cette explication : “ Quand ils avaient cette terre, les Palestiniens n’en ont rien fait... et ils ont toujours accès à la Mer Morte. S’ils le voulaient, ils pourraient installer une usine eux-mêmes ”.

Cette réponse était au mieux mensongère, car il a été bien documenté que l’accès palestinien à la Mer Morte, même pour une journée à la plage, est strictement limité par les forces israéliennes de défense et du fait du réseau étendu de barrages routiers dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée. Un article dans The Independent, intitulé “ Les Palestiniens interdits sur les plages de la Mer Morte afin d’apaiser les colons israéliens ”. (), montre combien il est difficile aux Palestiniens d’atteindre les rivages, ces rivages même qui sont exploités commercialement par Ahava.

 

En novembre 2009, le Ministre des affaires étrangères néerlandais a accepté de lancer une enquête sur les conditions de fabrication des produits Ahava afin de déterminer si le lieu d’implantation et les pratiques de l’entreprise étaient en contravention avec le droit international et les règlements de l’Union européenne en matière d’étiquetage. Immédiatement après cette annonce du gouvernement néerlandais, le groupe israélien Gush Shalom qui milite pour la paix, a envoyé une lettre ouverte à la direction d’Ahava l’invitant à tenir compte de cet avertissement et de déménager son usine hors de la Cisjordanie occupée.

En réponse à la polémique croissante, l’entreprise Ahava est allée jusqu’à défendre son vol des ressources palestiniennes en prétendant que « la Mer Morte et ses trésors sont internationaux et n’appartiennent pas à une seule nation ». Bien entendu dans cette déclaration, elle tourne le droit international en dérision.

Poursuivant son raisonnement spécieux, Ahava a ajouté, “ l’entreprise a été fondée par amour pour les environs magiques de la Mer Morte et au fil des ans elle a été animée par le profond désir de révéler les secrets des effets rajeunissants des minéraux pour la peau. Il est donc naturel que l’usine se soit installée sur le rivage occidental de la Mer Morte. ”

Ce n’est pas par amour ni motivée par la magie du lieu qu’Ahava a installé son usine sur les terres occupées, pas plus qu’il n’est vrai que la boue extraite par Ahava pour ses produits appartienne à plus d’une nation. Aussi longtemps que les laboratoires Ahava de la Mer Morte ne respecteront pas les droits humains et le droit international CODEPINK invitera les personnes de conscience à boycotter les produits Ahava.

 

1° décembre 2009 - Codepinkalert - Cet article peut être consulté ici :

http://codepinkalert.org/article.ph...

 

Traduction : Anne-Marie Goossens


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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 22:39
Ce p'tit poème pour Louis mon artiste sans art pour Patrick Navaï notre ami des Cahiers des Diables bleus et pour Jean mon frère en écriture...
 

Impasse des peines

 Epinay, mercredi, 2 décembre 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les poètes finissent tous au fond des caves

A enfiler des jolies perles de vers

Aux toiles d’araignées qui tissent des pull-over

Atroces traversés de fer et  de froid que la bave

De la rosée lave avant qu’ils les renfilent à l’envers

Sur leur peau de gueux griffée à mort par l’hiver

 

Et au‑dessus y a des bourgeois qu’ont des boutiques

Dans des quartiers artistes très aristocratiques

Où des jolies poupées jouent avec leur corps de jade

Des gens crevant d’ennui s’enivrent à coup d’orangeade

Le jet d’eau vert voyeur à hauteur de leurs bottes

D’une fontaine effrontée face au piano muet papote

 

Les poètes crachent dans des mouchoirs de brume le sang

D’un crime horrible à l’aube rouge ils ont bu un verre

De joie s’ils sortent ils sont la cible des passants

Qui vont le soir se faire voir aux cafés chics ils s’assoient

On ne sait pas ce qu’ils veulent avec leur cœur de verre

Ils vident leurs sacs de nœuds au nez des vers à soie

 

Et au‑dessus y a des bourgeois qu’ont des boutiques

Dedans des rues repues aux noms qui changent

D’habits comme de vieux pianistes lunatiques

Pourquoi ces noms de rues qui dérangent

L’âme des p’tits oiseaux picorant le pain qu’on jette

Entre les barreaux des caveaux où crèvent les poètes

 



Et que fait là l’Apollinaire revenant d’une guerre

Que les marchands d’habits neufs ont achetée naguère

Pour pas cher le prix d’un œuf dur sur un comptoir glissant

Avec son pansement blanc comme un lange

Ce turban qui retient tous les éclats d’astres bruissant

Dedans son crâne pendant que grouillent les vers

Gras comme des papes Impasse des Deux Anges

 

Et la rue Léo Ferré elle est où à cette heure hein ?

Au bout du voyage quand je descends à Saint‑Germain

Des Prés j’ai des trous sous mes chaussures et bien de la peine

Coule l’eau coule dessous les ponts de la Seine

Pas un brin de lumière qui remonte des caves

Les noms des poètes dérivent mouvantes épaves

Que la pluie lave et que fument leurs vers et mange

Ma mémoire brin de bruyère leur chant qui nous venge.

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