Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
  • Contact

Saïd et Diana

Said-et-Diana-2.jpg

Recherche

Texte Libre

Texte Libre

Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 18:10

     


      Il y a quelques jours que je dois vous repasser une info essentielle que je n'ai pas encore eu le temps de vous poster hier donc je vous la fait aujord'hui comme si on était hier mercredi et voilà... Il s'agit de l'expo des aquarelles de Louis à la Mairie d'Epinay dans le cadre des journées du patrimoine européen...    
      Enfin des grands mots pour dire que les agents qui bossent à la Mairie s'exposent et exposent leurs créations et que c'est vraiment de chouettes images à aller voir si vous créchez à Epinay ou bien si vous avez envie de faire un petit clin d'oeil à ces gens qui attendent beaucoup du retour et du regard des autres...
















      Voilà ça y est vous êtes officiellement invités et comme rien n'est jamais parfait sur cette invitation ne figurent ni l'adresse de la Mairie ni les indications pour y aller que je vais me faire un plaisir de vous donner parc'que sinon ça serait un peu bête...
      L'adresse de la Mairie pour ceux qui ne connaissent pas du tout c'est : 1, 3 rue Quétigny à Epinay. En très gros quand vous arrivez de Paris par la N.14 dès que vous tombez sur un rond-point avec vue sur le Centre Commerciel ( qui existe plus ) vous virez sur la droite et vous vous garez vite fait... c'est là !
       Et si vous arrivez par les transports le plus facile c'est la ligne 13 du métro jusqu'à Saint-Denis porte de Paris et puis notre autobus des brousses que vous connaissez bien le 154 qui va à la Gare d'Enghein et vous descendez pareil à l'arrêr face du centre commercial...  ( Euh... le nom de l'arrêt je le connais trop... je l'ai oublié... ) Fastoche comme tout non ?

      Donc à la soirée du vernissage on y sera tous les amis des Cahiers des Diables bleus : Françoise et Robert Bezombes Patrick Navaï Jacques Du Mont et mezigue et on vous attendra avec impatience pour vous faire découvrir notre dernier rejeton des Cahiers : Les p'tits chemins de banlieue.
      L'ami Louis a réalisé encore plein de nouvelles aquarelles magiques que vous verrez dans ce nouveau Cahier et aussi dans sa jolie BD Au Passage... Je vous en ai déjà parlé mais je vous referai bientôt le tour du propriétaire car ça vaut la peine !
   
Les autres agents qui participent à cette expo et à ces journées sont :
Delphine Masset
Jean-Claude Le Rol
Hamid Sakhsoukh
Jean Roger Desormeau
Corinne Gomiz
Clara Lourenco
Hervé Georgelin

Alors venez nombreux et ne ratez pas les ateliers d'expression libre dimanche après-midi avec tous ces artistes qui ne se prennent pas et qui seront drôlement content d'être avec vous !


Partager cet article
Repost0
15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 23:16

L'histoire des gens fin
          Nedjma et Guillaume Rania Aouadène
Salon des Revues Octobre 2008
Photos Jacques Du Mont
      






































      “ Mais le plus encourageant se trouvait ailleurs, dans les usines, les mines, sur les docks, là où les travailleurs kabyles se retrouvaient par milliers. Amers et exploités sans vergogne, ils avaient pour grand nombre d’entre eux, laissé femmes et enfants ou mères et pères, et se refusaient à accepter leur sort. Djanina avait reçu des informations sur l’adhésion de ces hommes au mouvement, il suffisait que l’action soit relayée aux environs d’Alger puisqu’en Kabylie des villages entiers étaient entrés dans les rangs. Tous avaient espéré, sans doute, devenir des citoyens français à part entière, mais le chemin se faisait long vers la reconnaissance et la liberté… Puis ils s’étaient résignés espérant qu’un jour une grande figure viendrait les libérer de la servitude dans laquelle ils étaient tombés. ”

      Il est probable qu’en Kabylie dans les années qui ont précédé la guerre d’Indépendance la révolte des populations les plus pauvres telles qu’on les voit vivre à l’intérieur des douar et des mechta dans le livre de Mouloud Feraoun Le fils du pauvre, a suivi le même chemin que celui emprunté par les populations ouvrières et paysannes françaises à la fin du 18ème siècle. A la prise de conscience individuelle du refus de la misère et de l’ignorance s’ajoute l’idée nouvelle de faire partie d’une catégorie sociale  méprisée dès que les hommes et les femmes se retrouvent dans les ateliers et les usines. Ainsi une population tout entière se rend compte qu’elle n’est pas seulement dominée en tant qu’indigène mais aussi en tant que main d’œuvre sous‑payée et réduite aux tâches les moins qualifiées.

      Pour une partie des révolutionnaires algériens qui n’auraient pas renié les utopies des Communards et des Républicains espagnols, il ne s’agissait pas tant de remplacer une classe dominante par une autre fut‑elle nationale ou un pouvoir par un autre que de rendre ainsi que c’était le rêve du poète Jean Sénac au peuple d’Algérie les mémoires multiples qui sont les siennes. De lui donner accès aux richesses de cette culture populaire orale par laquelle il pourrait se revendiquer et se sentir proche des autres peuples du monde, de le relier à ses langues arabe et kabyle sans pour autant le couper de ce que la rencontre avec les populations européennes lui avait apporté.

      Farid le jeune camarade de Djanina également engagé dans la lutte de libération représente bien ce désir de métissage culturel et humain : “ Fils d’un instituteur algérien, il avait baigné dans une culture tournée vers le monde arabe, mais, contrairement à son géniteur, il revendiquait les différentes cultures de son pays, qu’elles soient arabo‑berbèro‑musulmanes ou judéo‑chrétiennes. L’important était de vivre sans cette classe dominante française qui maintenait son peuple dans l’ignorance. ” Le père de l’écrivain pied‑noir d’Algérie Jean Pélégri ne parlait pas d’autre chose quand une fois ruiné, ayant quitté sa ferme de la Mitidja et vivant dans un quartier modeste d’Alger il réclamait d’être enterré parmi les siens après sa mort. Il racontait les anciens ouvriers agricoles avec qui il parlait en arabe, qui lui apportaient des fruits en partageant la joie des retrouvailles.

      Ainsi ce livre aborde en une centaine de pages les tourments et les frénésies propres à l’Algérie depuis l’Indépendance par le truchement de personnages qui transgressent à la fois les violences imposées par les interdits que posent les religions et l’appartenance à une culture,  à une origine, à une nation déterminées, et à la fois la morbidité obligée de l’histoire des peuples censés s’affronter indéfiniment dans la défense de leur identité.

      De Djanina à Nedjma ne se déroule pas seulement l’histoire d’un pays et d’un peuple mais celle de tous ces gens à la trajectoire nomade qui se sont un jour croisés, combattus ou aimés et qui ont accepté que leur destin ne soit pas figé dans une seule réalité, en un lieu unique. D’occident en Afrique et d’Afrique en Occident les pistes des voyageurs se rencontrent depuis des siècles et les passeurs de cultures et d’imaginaires que sont les écrivains, les poètes, les peintres, les musiciens et tous les pourvoyeurs de rêves transmettent d’un peuple à l’autre les traces d’une quête commune, celle d’une humanité enfin heureuse.

Nedjma et Guillaume est un témoignage de l’existence de cette culture populaire universelle que les griots, les conteurs et les conteuses telle que Rénia Aouadène toujours écoutant et observant la vie simple des gens nous offrent avec la saveur d’une langue que l’oralité n’a pas cessé de bercer aux rythmes des musiques d’un monde métis et généreux, si semblable à celui d’Al‑Andalus, un monde qui est le nôtre.

 

      “ – Mais vous êtes une passionnée. D’où vient cet intérêt pour l’Espagne ?

      ‑ Vous oubliez que mon peuple, le peuple algérien, est le fruit de toutes ces cultures, dans sa langue, sa musique, ses traditions !

      La voix de Nedjma se fait de plus en plus grave :

      – Si les Algériens pouvaient ! Il n’y a pas de peuple en ce monde qui soit issu d’un mélange aussi multiple. De nombreux conquérants ont traversé cette terre, certains sont restés, d’autres sont repartis mais nous avons intégré au fil des siècles toutes ces cultures. Nous sommes un et multiple, Guillaume ! Pouvez‑vous comprendre ? ”  

Partager cet article
Repost0
14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 23:20

L'histoire des gens suite...
            Nedjma et Guillaume Rania Aouadène

















































Salon du Maghreb des Livres 2009
Photos Jacques Du Mont


      La religion et la guerre, voilà bien les deux mamelles de la géante bêtise humaine qui ont fait écrire des milliers et des milliers de pages d’où on sort plus dégoûtés que l’homme à la cervelle d’or les doigts poisseux du sang de son cerveau vide, vendu à des commerçants d’impuissance… Mais aussitôt commencé la lecture de Nedjma et Guillaume je me dis que l’envie qu’a Nedjma d’être heureuse avec la gourmandise qu’on a d’une tartine de confiture de framboise ne m’a pas trompée.

      Avec Nedjma puisque c’est elle qui en passant le seuil de cette Eglise d’abord et ensuite celui de la sacristie pour entrer enfin dans le lieu où vit Guillaume “ La pièce dans laquelle ils entrent est spacieuse. Peu de meubles : un divan, une table, quelques chaises, mais surtout une bibliothèque murale qui doit contenir plus de mille bouquins. ” on replace les choses de la religion simplement là où elles se situent pour la plupart des gens. On sent qu’il est possible d’en parler en dehors des habituels rapports de domination et d’exclusion… en dehors des tabous et des interdits et au‑delà du communautarisme. Toutes choses qui nous éloignent des émotions et des sentiments contradictoires qui sont nos privilèges d’âmes et les garants de notre humanité.

      Oui avec Nedjma il est possible peut-être de rapprocher à nouveau les croyances populaires de ce qu’elles devaient être à l’origine, un besoin des êtres appartenant aux classes modestes de la société d’imaginer un au‑delà à la condition humaine qui nourrisse d’espoir la brutalité du quotidien et de trouver des réponses simples et rassurantes à leurs peurs.

      Nedjma et Guillaume illustrent chacun la façon dont les gens en dépit de leur appartenance à une histoire, à un clan, à un territoire quand ils ne cherchent pas à rationaliser leurs désirs ou à les contredire sous l’influence d’un message dominant vont facilement à la rencontre de l’étranger celui qui n’est pas comme eux. Guillaume dont la mère “ est descendante d’une vieille famille cévenole ” a entendu raconter querelles et alliances entre protestants et catholiques et pour Nedjma c’est un grand‑père paternel qui a épousé une Roumia “ convertie au catholicisme par les Pères Blancs en Kabylie ”.

      En mettant en scène des personnages qui bien que marqués par leur passé ne sont ni des héros au sens de la tragédie grecque par exemple, ni des porteurs d’idées ou d’idéaux comme c’est le cas pour de nombreux personnages de romans, mais des hommes ainsi que le définit Camus, Rénia Aouadène fait entrer dans l’espace du récit et de la narration des êtres dont le vécu suffit à nourrir l’action et qui deviennent héroïques parce qu’ils sont profondément et authentiquement humains.

 

      “ Elle regarde Guillaume, comme pour lui demander si les habitants sont enfermés, cloîtrés, de peur de se faire agresser par le voisin, mais il est loin, perdu dans ses pensées. Il a franchi une étape de sa vie, celle qui consiste à faire face, et à refuser le sentier tracé par ses pairs. Il a eu d’autres occasions de vivre des moments intenses, avec d’autres femmes ou des hommes, mais il n’a pas osé à cause de sa fonction. Un prêtre qui s’affiche avec une femme, non, qui s’autorise un instant de loisir, ne peut être que perturbé ! Il ne sait pas, il n’a aucune explication à donner, il voudrait juste savourer l’instant partagé avec Nedjma, car elle est jolie et sensible, en plus d’être intelligente. Il se dit qu’il se serait volontiers marié avec une femme comme elle. Elle semble très simple, proche de la nature et des humains. Elle paraît porter une blessure, il ne sait laquelle. Il le découvrira peut‑être si la rencontre se renouvelle. ”

 

      Avec le personnage de Djanina on entre dans un autre temps et un autre lieu du récit et on rejoint la part tragique de l’histoire algérienne contemporaine. Celle qui au moment de la guerre d’Indépendance a séparé définitivement les communautés composées d’Européens et de ceux qui, Berbères et Arabes, allaient enfin devenir des Algériens à part entière. Dès les massacres de Sétif et de Guelma le 8 mai 1945, les violences et les humiliations commises sur la population par l’armée française soutenant les grands propriétaires colons qui n’auraient jamais accepté le partage de la terre algérienne et du pouvoir qu’elle leur avait donné, il était évident que la fraternité entre les gens qui vivaient ensemble depuis plus d’un siècle était devenue impossible…

      On constate aujourd’hui qu’une sorte de “ mode ” avec une portée politique évidente, consiste à réécrire l’histoire algérienne comme si ce pays et ce peuple n’avaient pas dû secouer le joug d’une armée et d’un Etat colonisateurs puissants et déterminés et faire face à la folie morbide de l’OAS. Dans le même temps on écarte de l’histoire sociale et humaine le rôle essentiel et silencieux qu’ont joué les immigrés algériens si nombreux à partir des années 60 dans la construction des cités de banlieue et dans l’industrie automobile, ce qui permet de les renvoyer une fois encore à un néant d’où ils n’auraient jamais dû sortir et d’effacer toute notion de métissage culturel et toute mémoire d’une lointaine Andalousie. 

      “ Des hommes, qui travaillaient dans les mines ou les usines, avaient appris à lire et écrire dans les associations de travailleurs. Ils avaient très vite pris conscience de l’injustice de leur situation : ils n’étaient que des indigènes, des colonisés, n’ayant aucun droit, sinon celui d’être des machines à produire. ” Les travailleurs nord‑africains comme on les appelait alors largement victimes des ratonnades et noyades du 17 octobre 1961 n’étaient pas dupes du fait que leur situation de colonisés puis de “ fellaghas ”, un terme qui précédait de peu celui de terroriste, les désignait comme de dangereux individus rebelles et prêts à tout. Et c’est pour faire face à cette répression prévisible que Messali Hadj avait eu l’intuition d’une solidarité avec les travailleurs français : “ Ce sentiment de lier le mouvement d’émancipation nord‑africain aux luttes de la classe ouvrière française a dominé toute mon activité et cela malgré d’énormes difficultés et quelquefois une incompréhension de la part du peuple français. ” écrivait‑il dans une lettre adressée au Cercle Zimmerwald en 1954.

      “ Combien de fois le père de Djanina n’avait‑il pas hurlé et maudit les colons, en rêvant de ses ancêtres n’ayant pas hésité à donner leur vie pour combattre la plaie coloniale ! ” Djanina a reçu de son père l’héritage de ce sentiment de fierté et la passion de la liberté commune aux femmes qui se sont engagées dans les maquis ou qui ont participé aux combats de la guerre d’Indépendance “ Mais de quelle liberté s’agissait‑il : celle de la femme ? Celle de l’indigène ? ” Ces femmes qui ont agi durant la bataille d’Alger telles que Djamila Bouhired, Zohra Driff et bien d’autres, étaient des combattantes et pour elles le choix d’entrer dans la résistance algérienne était culturellement et humainement une double transgression.

      Le personnage de Djanina met en avant plutôt que l’image convenue de la femme arabe, la tradition de rebelles des femmes algériennes telle la Kahina héroïne berbère qui a tenu tête à l’empire omeyade, à laquelle on pense forcément. “ Djanina était certaine de pouvoir convaincre des hommes de la force de ses convictions, même si elle redoutait l’orgueil de ces habitants qui n’avaient de cesse d’oublier que de grandes femmes guerrières s’étaient battues contre les occupants… ”

      A travers son histoire on relie le passé de l’Algérie à son présent qu’illustre Nedjma en prenant la suite des différentes transgressions parfois moins flagrantes que celles de femmes guerrières, qu’ont accompli les femmes et les hommes du peuple algérien par leur obstination et leur courage quotidiens face aux systèmes d’oppression successifs et à la pesanteur des traditions. Zahra la mère de Djanina “ avec un regard dans lequel brillait l’intelligence propre à ces nombreuses femmes privées d’instruction ” est l’exemple de ces gens qui ont transmis à leur façon la révolte qui les animait. Ils sont à l’origine de la passion des jeunes générations algériennes pour ce qui se passe ailleurs et en même temps de leur attachement à leur culture, à leur paysage. “ Elle appartient à un autre monde et elle n’a jamais exprimé une quelconque envie de quitter son pays de violences, de trahisons, de haine. ”
A suivre...

Partager cet article
Repost0
11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 22:52

Encore un petit bout de l'histoire de nos enfances dans les cités de banlieue que vous pouvez ajouter aux précédents si ça vous chante... Et vous finirez à force par en connaître quelques un des personnages de cette histoire...
Asikel l'homme silence...
              
               Ecoute… écoute…

Il ne va sûrement pas tarder… Asikel… Je parle tout haut en me faufilant à l'intérieur de l'étroit couloir où les lumignons que j'enflamme un à un jettent du jaune soufré à mes pieds. Le noir de l'encre tient bon. Ici comme ailleurs. A chaque fois que je craque une allumette éclate le tintement des khal khal d'argent des femmes. Je sais qu'elles n'ont pas dansé le jour de la naissance du fils d'Asikel l'homme silence. Le jour du grand cri. Le jour du refus… Qu'est-ce que tu sais ?… elle dit la vieille Nur en haussant les épaules…

Ce jour-là les femmes n'ont pas dansé… Pas de danger… c'était un sale jour… Un sale jour comme les autres jours de la Cité aux ordures… Quelle idée d'arriver dans un tel grabuge ! A force de vivre dispersé on s'imagine pas… Bien sûr qu'elles dansaient pas… ç'aurait été une danse de mort… Mais moi j’étais délivré par le balancement du chant des femmes. Un autre chant que d'habitude… Negros… un chant de révolte dans le corps des femmes… y'a longtemps…

- Esclaves… chantonnait Nur. Marchands d'esclaves... Vieille folle. Elle me farcissait la tête de ses histoires à moitié-mots à moitié-signes. Ses appels ventriloques. Appels radars des peuples des limites aux signaux de chauves-souris. Ce qu'ils avaient accumulé comme histoires… c'était pas croyable ! Me fallait toujours les écouter… Nur ne comprenait pas que j'aie envie de jouer aussi…

Et puis s’il n’y avait eu qu’eux… Mais Nur avait trouvé parmi les habitants des maisons ouvrières avec les petits jardins un vieil ouvrier qui sait toutes les histoires de la Medina des Arabes… Yvon le camarade il s’appelle celui qui a pris le chemin de la maison de l’arbre…

Les mômes du quartier ça les faisait bien rire alors… Même devenus grands ils me lâchaient pas. “Le fou ! eh le fou !…” Eux ils avaient décroché le C.A.P. pour la mécanique ou les industries lourdes… la gloire !… Drôlement lourdes… ouais… C'est pour ça qu'ils étaient venus leurs pères ? On sait pas et puis… Tu vas pas nous le dire toi… Y sont venus parce que là-bas on crève ! Allez dégage… T'es qu'un mariol… Ils avaient pas à me le répéter je le savais par cœur… Maboul... le fou !… Bouche-les-trous !… bouche-les-trous !… ils hurlaient en se mettant les doigts dans les oreilles. Les noms… pour le dire ça me manquait pas…

Le soir quand ça tombait rouge dans le foulard noir du Ghetto on était nombreux à y aller sous le typpie de la vieille Nur. A y aller… Les histoires qu'elle racontait c'étaient aussi les nôtres. On pouvait habiter dedans ensemble pour une fois… Les mômes du quartier elle n'avait pas besoin de venir les ramasser au centre de leurs jeux guerriers qui avaient fait fuir les bestioles de Blues Bunker de l'autre côté du canal. Leurs doigts noirs et huileux voyageaient à l'intérieur des carapaces éventrées des bagnoles larguées de nuit au fond des terrains vagues pour chiper les roulements qu'ils refourguaient dans leurs machines infernales. Leurs carrosses ficelés des morceaux de tôles rousses et enguirlandées des copeaux de l'usine. Parfois même ils récupéraient des bandes de fourrures ou de peaux quand ils allaient traîner du côté du quartier des tailleurs dont ils tapissaient avec de gros clous plats qu'ils enfonçaient à l'aide de pierres une guimbarde juchée sur des roues de landau.

Ils étaient attirés autant que moi dans ce crépuscule de ferraille sèche par les signaux du kanoun dansant comme des diables et l'odeur des beignets aux fleurs d'oranger sucrés de miel qui crevait la surface des vapeurs d'essence écœurantes. Oh attirés !… Par le fait Nur connaissait des histoires que leurs vieux auraient pu leur dire aussi bien… mais ils disaient rien… vu qu'ils en venaient tous d'un pays d'Indiens où on sait que les histoires elles sont là pour nous faire vivre et nous inventer du présent comme on a envie. C'étaient jamais des choses lourdes enfermées à l'intérieur des sacs du passé très passé qu'elle racontait la vieille Nur… Non jamais… Le passé elle n'aimait pas… elle arrêtait pas de me le répéter… ça n'sert à rien de remuer ces choses-là… Elle c'était au futur antérieur qu'elles se tramaient ses conteries sans réserves avec conserveries de vieilleries et coutumes qui font malaise de cages et serrures…

Sur le triangle d'herbes comme sur une île le typpie était un phare. Plein Ouest il clignait de l'œil en direction de nos esquifs miteux. C'est à ce moment-là sans doute que je n'étais plus maintenu à l'écart par le rire des autres. Par la cérémonie des histoires Nura nous unissait au chant du Ghetto. Nous unissait… D'où qu'on vienne emballés sans l'avoir demandé au creux de nos noms préfabriqués les Sioux bretons et leurs korrigans rusés… ceux du Larzac et des grands plateaux pierreux et leurs louveteux… les Apaches café-crème et leurs djenoun… les Navajos blacks et leurs dieux arbres et fleuves de terre rouge… et tous les autres Indiens pour qui la terre sans le jardin dessus n'était plus qu'un vague repère sur carte de géographie clouée au mur debout et pas sous les pieds y allaient afin de chercher la source des histoires. Lorsque la vieille Nur racontait elle nous unissait à la grande mélopée de Blues Bunker qui pétillait comme un feu d'oranges sur une piste du bout du monde.

 

 Ecoute… écoute…

 

Le premier qui a osé me demander si je pouvais écrire son nom tout seul… pour rien… son nom… son nom semblable à un palmier au milieu de la feuille… ça a été un de ceux que je croise chez l'épicier arabe justement. Et qui fait comme s'il me voyait pas. Mais peut-être que du côté des hommes de la nuit on n'se voit pas… On s'imagine…

Ce qui l'a attiré c'est sûrement la couleur du petit tapis où j'ai installé ma boutique. Rouge pareil à la gorge des oiseaux. Dessus j'ai posé l'écritoire  avec l'encrier blanc et le porte-plume taché d'encre. Les rouleaux de papier dont le plus grand ne dépasse pas la taille de ma main attachés par un lien de cuir.

La vieille Nur m'avait expliqué que c'est comme ça qu'il fallait s'y prendre. Noter une histoire sur chaque rouleau. Et rassembler toutes les histoires à l'intérieur du gros cahier.

Moi au début je serrais entre mes doigts le totem d'argile en suppliant le petit dieu contenu à l'intérieur qu'ils ne viennent pas… Je n'voulais pas les connaître leurs histoires… Pas plus que la mienne. Moins j'en savais sur moi-même mieux je dormais en boule dans le Blues Bunker et parfois parmi les autres animaux vautrés sur les cartons. 

- Tu écris l'histoire de chacun sur un rouleau avec son nom et celui du bled d'où il vient jusqu'à ce qu'il s'arrête de parler… elle avait dit la vieille Nur. Comme ça la fois où il reviendra tu reprendras là où il s'était arrêté… tu comprends ?

Si je comprends… Voilà le rôle qu'elle veut me faire jouer…

- Mais Nura… s'ils ne savent pas leur nom… J'ai tenté de me décharger de mon privilège… C'était pour ça que la vieille rusée m'avait sorti du chenil. Elle aussi comme mon père… ils allaient pas me laisser tranquille… Jamais je ne pourrais être pareil aux autres alors ?

- Eh bien fils… tu dessineras une marque qui les désigne semblable à celle qui est sur le rouleau d'agate que tu portes autour de ton cou…


A suivre...

Partager cet article
Repost0
10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 23:17

      Vous vous souvenez sans doute du livre de mon amie Rania Aouadène ( voir le lien pour aller sur son très beau site où vous pourrez lire ses poèmes... ça en vaut la peine ! ) Nedjma et Guillaume dont je vous ai parlé à sa parution au mois de février 2009 eh bien le revoici ! J'espère que la lecture de ces quelques lignes vous donneront envie d'en savoir plus...
 

L’histoire des gens…

Nedjma et Guillaume

Rénia Aouadène

Ed. Marsa, 2009

 

 

      “ Elle ne s’est jamais résolue à le quitter, ce pays : elle est algérienne et se sent musulmane malgré le chaos provoqué par les gardiens du temple. Elle ne connaît pas d’autre religion, alors autant garder celle de ses aïeux. ( … )

      Parfois, lasse de se battre pour obtenir un droit, elle achète un billet et prend la fuite, même si cela relève de l’éphémère. Elle est lucide : ‘ Le bonheur, il faut de temps en temps aller le chercher au fin fond de soi‑même, s’emparer de lui, l’exposer l’espace d’un instant infiniment court et le laisser s’échapper. ’ a‑t‑elle l’habitude de dire. ”

 

      C’est à l’occasion du dernier Salon du Maghreb des Livres quand on s’est retrouvées à nouveau fidèles au rituel de cette rencontre annuelle avec les créateurs du Maghreb qui nous réunit depuis des années Marie Virolle et moi que nous avons au cours de nos discussions passionnées habituelles parlé de l’intérêt singulier des récits à forme courte que publient les Ed. Marsa depuis quelques temps.

      Voilà une forme qui semble particulièrement correspondre à l’écriture des femmes puisque les derniers livres parus aux Ed. Marsa, qu’il s’agisse de contes, pièces de théâtre ou romans sont écrits justement par des femmes, parmi lesquels deux m’ont paru apporter quelque chose de neuf aussi bien au point de vue toujours très sensible du style que de l’histoire elle‑même.

      Le plaisir qu’on prend aux récits courts est le même que celui qu’offre un recueil de nouvelles qui nous laisse une fois la lecture achevée le sentiment d’avoir été de suite projetés au cœur d’une histoire humaine sans jamais tâtonner entre les points multiples de sa circonférence. C’est ce que j’ai ressenti en découvrant Les secrets de la lune de Fatima Belladj et Nedjma et Guillaume de Rénia Aouadène. Pas question ici de tenter une comparaison entre ces deux récits et leurs auteures que tout différencie excepté leurs origines algériennes mais on retrouve également dans chacun de ces ouvrages la même tension créatrice qui porte le texte jusqu’à sa dernière page dans un mouvement continu… un souffle qu’aucun commentaire ne vient empêcher… un élan qui prend son rythme dans l’intensité et la brièveté du récit.

      Avec le livre de Rénia Aouadène Nedjma et Guillaume le côté percutant de la forme courte et son efficacité poétique ainsi que l’expression d’une sensualité en résonance avec le réel qui est une des caractéristique de l’écriture des femmes, donnent sa force à un thème que tout risquait de faire sombrer dans la discussion à l’infini et la confrontation d’idéologies forcément contradictoires.

      Un combat sans issues qu’on connaît et qu’on redoute dès qu’on ouvre un livre où il est question de religion et du rapport entre des personnages que l’histoire sociale et politique du monde nous a habitués à regarder comme s’ils étaient fatalement séparés par des murailles de verre blindé infranchissables.

Nedjma jeune algérienne musulmane “ passionnée d’art ” qui “ a besoin de s’immerger dans un univers de couleurs, de formes, d’odeurs ” vient passer un mois à Marseille d’insouciance et de balades au gré des rues où elle se sent bien et sa première curiosité se porte étrangement sur “ une église plutôt imposante, dont l’aspect extérieur est d’une sobriété surprenante. ”

      A l’intérieur de cette église “ un homme, il est blond avec de grands yeux verts, de taille moyenne, plutôt bien fait ”, Guillaume prêtre dans un quartier populaire va aller avec la simplicité des êtres que leur intuition et leur spontanéité portent vers les autres à la rencontre de la “ jeune femme étrangère ”.

      Ainsi présentés les prémisses de cette histoires auraient dû me faire fuir aussitôt tant nous sommes abreuvés désormais de journaux, magazines, revues que les sujets de société tels que la religion, le terrorisme, la confrontation des civilisations remplissent et gavent de simplifications réductrices elles‑mêmes proches du niveau zéro de la pensée et de la conscience humaine.

      Mais je connais un peu Rénia Aouadène, ses choix de vie toujours avides de nos étrangetés réciproques et de ce qui dans l’errance hors de soi, de ses origines et de sa culture héritage obligé, nous mène parfois à partager avec ceux venus d’ailleurs un devenir commun. Ce que je l’ai entendu raconter avec la jubilation des mots de l’oralité que nous partageons nous autres fascinées que nous sommes par les conteurs africains et arabes de la façon dont après la mort violente de son père elle a grandi entourée par les gens des milieux populaires de l’immigration espagnole et italienne qui ont soutenu sa famille de leur présence chaleureuse, ainsi que l’évocation par Nedjma dès le début du récit d’un bonheur vagabond qu’il faut aller chercher m’incitait à penser que cette histoire qui se joue sur fond de religion et de guerre d’Algérie était d’abord l’histoire des gens.

 

      “ Il ouvre une porte donnant sur un jardin, qui semble avoir été cultivé pendant un temps. Il lui fait signe d’avancer et, au fond, elle découvre ce qui ressemble à une petite demeure où le prêtre doit loger.

‘ Mais que suis‑je en train de faire ? Cet homme m’entraîne chez lui, et je le suis, comme si c’était un ami de longue date. Je rêve ! Non, je suis à la recherche de l’inconnu, de tout ce qui pourrait me donner un peu d’espoir dans cet univers de violence ! ”

Rania au Salon du Maghreb des Livres Février 2009 Photo Jacques Du Mont
A suivre...
Partager cet article
Repost0
9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 21:20

Vous pouvez lire cet article sur le site www.info-palestine.net

Des volontaires reconstruisent les maisons démolies dans Jérusalem

Jeudi 13 août 2009

 

Ronen Medzini - YnetsNews

 

      Chaque année, des dizaines de volontaires viennent à Anata, dans Jérusalem-Est, pour reconstruire des maisons détruites par Israël. Un conseiller municipal de Jérusalem participe également à ce processus de reconstruction, dans l’espoir qu’il “ posera les fondations pour nous aider à vivre ensemble dans la paix ”.
      Avec comme toile de fond, l’expulsion de familles arabes de Jérusalem-Est et les tensions avec les Etats-Unis et l’Occident, un groupe de quelque quatre-vingts Israéliens, Palestiniens et militants étrangers s’est lancé dans une unique mission, celle de reconstruire les maisons qui ont été démolies.

Les militants, qui viennent chaque année au “ camp d’été ” à Anata, un quartier dans le nord-est de Jérusalem, reconstruisent actuellement les maisons de deux familles, détruites durant l’expulsion des familles par les autorités israéliennes.
      Jeff Halper “ Quelquefois, il existe des situations où les civils doivent se dresser contre l’injustice et faire des choses que le gouvernement refuse de faire, ” dit Jeff Halper, directeur du Comité israélien contre les démolitions de maisons ( ICAHD ), à Ynet.
Jeff Halper arrêté par l'armée israélienne
     
      Cette activité n’est pas légale, mais Halper dit qu’elle est néanmoins vitale et importante : “ Ce n’est pas juste une action humanitaire pour aider des Palestiniens dans le malheur. C’est un acte de résistance politique contre l’occupation. Nous le faisons au grand jour. Si vous agissez comme un voleur dans la nuit, ce n’est plus une protestation, ” dit Halper.
      Soixante des quatre-vingts militants qui sont au camp d’été cette année sont des volontaires venus de l’étranger, dont quarante d’Espagne. Le gouvernement espagnol apporte tout son soutien à leur participation au projet.

      “ La démocratie ce n’est pas seulement le droit de voter. Elle est une conscience sociale et une opposition à l’injustice, ” explique l’un des volontaires. “ L’opinion publique d’Israël ne sait pas vraiment ce qui se passe ici. Tout se fait loin du regard du public. Les Palestiniens ne peuvent pas être chassés du territoire. Même si le gouvernement continue les destructions, nous viendrons, et nous reconstruirons. ”

 

       Sur une colline face au site de construction, se tient Younis Sabiyah, il regarde sa maison démolie en train d’être reconstruite. Sabiyah a habité Anata pendant 16 ans avec huit des membres de sa famille. L’an dernier, sa maison a été démolie. Depuis, il est en location.

      “ Si Dieu le veut, je crois que la maison sera reconstruite et qu’ils ne la détruiront pas. Les gens ici ne sont pas seulement des amis, ils sont comme des frères et des sœurs pour moi, ” dit Sabiyah.

 

      Les jeunes volontaires ont reçu un soutien surprenant, celui d’un conseiller municipal de Jérusalem. Meir Margalit ( Meretz [parti laïc et sioniste - ndt] ) vient aider le groupe à la reconstruction. “ Je n’essaie pas de me cacher. J’agis ouvertement contre la politique municipale et j’aide à construire les maisons qu’elle a démolies. C’est mon profond attachement aux valeurs humanitaires, ” dit Margalit à Ynet.

      “ A chaque fois que l’Etat détruit une maison, il sape les piliers porteurs sur lesquels il est basé. Ce que je fais, c’est tenter désespérément de sauver le pays de lui-même, de démanteler le mécanisme d’autodestruction qui est en mouvement de ce pays depuis 1967. Ma motivation essentielle est d’essayer de remettre l’Etat d’Israël sur le chemin du bon sens, ” explique Margalit.

      Margalit prend une part active dans le projet de reconstruction et participe à la construction. “ L’objectif principal n’est pas juste la philanthropie. En plus de la maison, nous construisons aussi un pont pour coexister. Nous vivrons en fin de compte côte à côte dans des Etats indépendants et actuellement nous posons les fondations de ce qui nous aidera à vivre dans la paix, ” dit le conseiller municipal.

 

4 août 2009 - YnetNews et publié également sur le site de l’ICAHD - traduction : JPP
Qui sommes-nous ?

Solidaires de la Palestine

 

Partager cet article
Repost0
8 septembre 2009 2 08 /09 /septembre /2009 23:22

Espère la pluie suite
La première partie de ce poème a été publiée le 18 juillet 2009

Espère la pluie

Espère ces cendres mêlées à la boue

Pour faire un monde sans malheur sa peau fendue

De jeune céladon sorti tout chaud

Cuit comme une châtaigne

Dans nos doigts qui se brûlent à la fumée bleue

Aux glacis mouillés

Qui émaillent de blanc le museau des maisons

Espère les portes en briques crues

Des fours aux foyers ouvertes devant nous

Par un peuple de compagnons

De paysans d’ouvriers

Un peuple d’enfants qui dessinent

Du doigt dans l’argile des cités qui saignent

En haut des murs leurs jardins pendus

Avec des blessures de capucines

 

Espère la pluie

Viens petit danseur d’eau de tes pieds pétris

La terre et ses jeunes moissons empoisonnées

Par les mauvais sorciers épiciers d’arrogance

Qui mercurent les rivières et repeignent

Le sable des criques écrues

De bitume qui bave aux lèvres des forages

Rageurs fuseaux garance

Sa puante liqueur mijote à petit feu

Au-dedans des cuves de verre

Soufflées aux marchands de berlingots

Viens vieux pêcheur de cités naufrages

Sous tes talons de nacre écrase

Les déserts de sel qui poudrent de riz

Les mangroves les herbes des marigots

Les palmes le potager des femmes du fleuve

Et les forêts sacrées de manguiers

Où les fétiches se balancent

 

Espère la pluie

Viens maître des oiseaux et des bâtons d’orages

Broie de tes chevilles filles de paille

Et de glaise les usines sans savoir faire

Pliées dans les valises de bambous

Que les diplomates en hâte volent

Aux chefs chassés des villages

Broie les usines usées rongées de sueur

Et de l’insomnie des hommes de la nuit

Leurs noms sont affichés à la porte qui baille

Beaux morts têtus ils ne feront pas peau neuve

Et l’équipe rude qui prend la relève

Ne lit les signaux ni de cendre ni de boue

Emporte‑les loin de charbon ou d’acier

Préserve leurs toits d’ardoises et de mousses

Leurs poutrelles rousses leurs cheminées briquées

Vernies de suie et la lueur

Floue de la lampe des mineurs peuple luciole

 

Espère la pluie

Viens petit nain nomade batteur de tam‑tam

Chamade toi qui sais les incendies sang

De tes maisons de brousse la ripaille

Que font les bouffons dans leurs costards en carton

Sur le ventre d’osier de tes bolongs blessés

Aux berges quand les femmes du fleuve entament

La cueillette des coques d’ébène

Loin de la broyeuse nocturne tu tailles

Des visages aux grands pistachiers traqués

Par les chasseurs de crânes insectes pressés

Bientôt la récolte heureuse des bâtons

A musique et les chants de colère hennissant

Ta silhouette en boubou bleu tisse au silence

Une toile de rumeurs impatientes

Bientôt le temps de la tribu des crapauds

Sera le nôtre et les doigts des anciens

Grisés d’efforts refuseront l’éventrement

De tes cases à pluie

 

Espère la pluie

Viens danseur d’eau petit jongleur de balles

Perdues guérisseur d’yeux scellés à la cire

Rouge des guns détourneur d’images

A revenir hier heureux des lanternes

Magiques montreur de tours royaux en l’absence

Des clowns prolétaires tirant de leur chapeau

Un lapin qu’ils ont posé y a trois jours

A l’heure lourde du premier va‑et‑vient

Quand la chaîne mille-pattes gras dégueule

Son beurre rance dans la chaleur confiante

Des paumes entre la corne et la charpie

Qu’on frappe à la bonne heure et pis au devenir

Des hommes des usines leur vie c’est que dalle

S’il n’y a pas la solidaire la frangine

Qui coud leurs rêves à son plumage

Vieillir misère c’est pour leur pomme

Bleue comme les veines de leurs guiboles

Avec fatigue et solitude qui les cerne

 

Espère la pluie

Espère un monde où aucun bouffon ne renverse

Le vin frais de jouvence des palmiers mangeurs

Des lunes violettes le jus des fruits

Sucrés le lait de coco la liqueur des cannes

Les élixirs des bons sorciers que les rois veulent

Pour eux dedans les sources sacrées

Où les mains ivres de savoir viennent boire

La manière de récolter les tubercules

De tailler les pirogues de cueillir les moules

Des palétuviers de monter la maison

Commune les sources sont devenues folles

La piste est perdue les guides mentent

Les hommes qui ont choisi la marche imaginent

Que le hurlement de la broyeuse perce

Les oreilles des marchands de villages

Pendant que les truqueurs de tribus basculent

Au fond des trous sans lucioles et sans bruit

Ivres d’or et de rhum

 

Espère la pluie

Espère un nouveau peuple de voyageurs

Et au bord du fleuve Casamance la houle

De ses pas dansant au rythme des gouttes d’eau

Sur ton boubou bleu sur la peau de la savane

Cuite au feu des fours que les céladons nacrés

Désertent dedans la brume ocre qui coule

Pour rejoindre la tribu des crapauds

Chanteurs car les bâtons assoiffés du soir

Ont arrêté enfin leurs vendanges errantes

Et les griots des villages les polisseurs

De carapaces offrent aux crânes tambours

Dessus leur peau frappée par les passeurs

Les secrets des pratiques coutumières

Viens petit nain nomade conduis les labours

De la terre à nouveau et la bonté fertile

Des eaux nourricières et la lampe qui luit

Veillant sur nos connaissances premières

Espère la pluie.

Partager cet article
Repost0
7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 23:29

La vie... une affaire de pauvres... suite
Sylvain et sa femme Palmyre 1890
              

         Ouaouf ! Ouaouf !…

      Vivre un échange constant avec l’univers avec la terre où on trimballe sa petite carcasse d’oiseau voyageur et avec les gens qui ont toujours quelque chose à donner et envie pareil de recevoir je vous disais que c’est un bonheur… et même pour moi c’est le bonheur le vrai celui qui vaut la peine et sans quoi j’n’ai pas grand-chose à faire ici… 
       Et pour l’écriture c’est la même ce qui m’a refilé bien des embêtements car les promoteurs de bouquins et d’auteurs qui doivent c’est forcé être à la hauteur ou sur les hauteurs ce qui n’est pas mon truc vu que mézigue c’est dans les rues et les p’tits chemins que je trouve du sens à ce que je gribouille et pas ailleurs… les promoteurs eux n'l'entendent pas de cette oreille ! 
        Et pis moi tant qu’à faire je préfère la grandeur à la hauteur… la grandeur celle de Jean Pélégri mon pote écrivain d’Algérie avant qu’il ne se tire dans la lune et de Louis Bénisti son frangin peintre poète sculpteur qui lui disait un dernier jour : “ La grandeur Jean, la grandeur et les amis Hein ?… ”

      Ouais… je ne sais pas vous mais pour moi vivre c’est quand même avoir besoin d’y piger quelque chose et ce que j’ai trouvé de mieux c’est rien d’autre que ça… un échange qui nous relie à tout et aux autres et même s’ils sont parfois un peu rats sur leur croûton ben c’est pas grave… tant qu’ils ne nous empêchent pas d’y aller dans le sens de nos utopies !

      Et pour en revenir à mon histoire du départ on allait donc porter régulièrement des paniers de fruits aux paysans qui n’avaient pas le loisir en plus de leur job à temps complet de s’occuper d’un verger et on revenait avec le pot à lait rempli après la traite du soir les œufs dessus la paille qui faisait mon plaisir d’en fiche partout et de la bourrer ensuite au fond d’une boîte à chaussures pour les p’tits piafs d’hirondelles qui nous tombaient du toit et qu’on maternait le temps qu’ils s’envolent… le recyclage je vous disais… des fromages de chèvre et quelques bouteilles de temps en temps…

      Devant la porte de la maison vu que la cour aux fleurs n’était pas fermée on trouvait souvent un panier avec un lapin dépouillé dans un torchon et de la rhubarbe des branches de laurier avec des tas d’herbes cueillies sur les p’tits chemins que la voisine déposait et ma grand‑mère rapportait le panier rempli de pots de confiture de groseille et de cassis. Ma grand‑mère elle était pas aussi simple que mon grand‑père le cheminot du réseau Nord qui avait trop bourlingué pour ne pas savoir que la vie c’est bien de n’pas s’la compliquer avec des chiffres et des comptes quand on peut… S’il en avait vu mon grand‑père des tribus d’immigrés arriver en grande détresse et désarroi avec des baluchons rafistoles qui leur pendouillaient et de la misère plein… ça l’avais vacciné de la comptabilité des gugusses qui croient qu’on paie tout avec du fric et lui il savait qu’on paie le plus avec sa peau… yallah !

      Alors des fois ma grand‑mère elle sortait son porte‑monnaie pour le lapin et la voisine faisait les gros yeux et on en parlait plus… Si y’avait eu un discours autour de ça je vous le dirais mais j’y peux rien y en avait pas et on s’en passait bien et ça marchait et voilà… Ouaouf ! Ouaouf !…

      Alors comme je vous disais au démarrage de cette histoire on n’peut pas raconter n’importe quoi quand on cause des gens et de leur façon avec ce qui les entoure sans y être jamais allé voir… Ces gens‑là eux qui étaient souvent pauvres pourraient servir de symboles à cause du respect qu’ils avaient pour le monde qu’ils connaissaient et c’est déjà pas mal !… Et ne pas oublier vu qu’on est toujours dedans la marmite des mots en plein à trifouiller que respecter ça veut dire regarder… les racines des mots qu’on n’sait plus ce que ça signifie à force c’est comme pour les plantes faut aller voir du côté des petites taupes qui aèrent nos galeries d’ignorance d’un peu de lumière par ci par là…

      Ouais… je vous parlais de ce respect premier que les gens des villages de mon enfance avaient à l’égard du monde et des autres et qui vaut bien le goût de tout détruire que d’autres se trimballent… Bien sûr que la cause de ça elle n’est pas compliquée même si l’humain depuis cette époque fraternelle qui ressemble à celle qu’on retrouvait dans le mouvement ouvrier anarcho‑syndicaliste il a pas trop évolué dans le sens de l’intuition et du bonheur mis en commun ça non alors !… La cause de cette façon d’être c’est que les paysans ils avaient de la terre plein les poches et plein leurs sabots alors ils savaient qu’on est tous des bouts d’étoiles de cette géante voie lactée qui tourbillonne et par l’expérimentation qu’ils faisaient du rythme des saisons et des cycles de la vie et de la mort ils avaient conscience qu’il y a un vaste mouvement dans lequel on est entraînés et que les gestes simples que les anciens leurs avaient refilés prenaient leur place au gré de ce mouvement et ils le perpétuaient… Leur rôle à eux il était aussi essentiel que celui d’un moissonneur du royaume de Sumer ou d’une paysanne de Casamance récoltant le riz dans un des films d’Ousmane Sembène…

      La chaîne depuis les premiers à semer un grain d’épeautre ou de sarrasin elle ne s’est jamais rompue et leur savoir‑faire il comprenait le cycle entier jusqu’aux vers de terre qui digèrent les ordures et redonnent la bonne glèbe fertile et prête pour que le soc de la charrue l’enfonce au‑dedans du sillon et Hop ! Giono je vous dis… mon grand‑père il l’avait sans doute pas lu mais dans le courant de nos promenades qui en finissaient pas on pratiquait le ramassage du crottin que les chevaux laissaient en revenant à la ferme après le travail de la journée… On connaissait les pistes qu’ils prenaient les chevaux celles où on avait des chances d’en trouver un max des grosses mottes de crottin chaud encore qu’on fourrait à la main dans le sac en toile de jute récupéré lui aussi après la récolte des truches  ( patates ) exprès pour cette affaire. Et pis on versait le sac par‑dessus la tas énorme de fumier ( compost ) qui récoltait les pluches trognons croûtons de pain sec qui résistait au pain perdu orties mauvaises herbes et tout le bazar et c’était moi qui arrivais pas à la hauteur du rebord du tas avec les grosses bottes caoutchouc qui touillais touillais le tas armée de la fourche à fumier fallait voir…

Je touillais donc de toutes mes forces de môme des banlieues qui faisait le paysan avec un bonheur magnifique que les ouvriers paysans de ma famille auraient trouvé étrange sans doute et je retournais j’aérais le magma épais glissant et vibrant de volumineuses odeurs et quand j’arrivais au fond du tas je sortais des vers gros comme mes doigts qui avaient fabriqué une couche aussi haute que mes guiboles d’un humus brun et léger et généreux prêt pour les semailles prochaines et ce que j’étais fière de moi… de nous… les gens la terre le jardin les fruits les truches les étoiles tout quoi ! Vous comprenez ?… Mais au fait moi je vous cause du fumier des vers et des odeurs à vous qui êtres vautrés devant votre téloche tranquilles après une journée de boulot… je me demande ouais je me demande bien si vous allez me suivre hein ?…
A suivre... 


Mon grand-père Célestin  

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 23:26

La vie... une affaire de pauvres ! suite

     























          Donc pour en revenir à ma petite histoire de nos enfances des années 50‑60 j’étais propulsée chaque vacance moi la gamine des banlieues béton la baraka alors ! dedans l’univers de subsistance simple où n’importe quel môme sait ce qu’il vient faire là comme ça devait être aussi au creux des villages africains avant les colonisations… ce recoin aux  présences bienfaisante qu’avait bricolé mes grands‑parents sans même se rendre compte enfin y avait rien de réfléchi ni de programmé derrière je pense… Et c’est ça qui me laisse baba quand je capte les méga tonnes de paplars et les couches de baratin qui  circulent pour tout juste refaire ce qu’existait dans les campagnes y’a 50 piges de ça au moins et qu’on a bazardé à l’aise…
          Et des cambrousses pouvez me croire que j’en ai flairé d’autres que celle de mes 3 balais et des quantités énormes et partout jusqu’à ce que la géante ogresse de l’industrie ramène son gros cul devant notre soleil ça fonctionnait à l’écoute des petits dieux païens de la culture et des sources du vent et des moissons des pierres dressées et des ruches troncs… Ouais partout je vous assure que les compagnons paysans y savaient régler le soc des charrues aiguiser les lames des faux construire les clèdes à châtaignes faire ronfler les alambics à lavande débarder le bois avec les chevaux de montagne et tant de choses qui fait qu’on est capable de repasser un savoir‑faire à d’autres et qu’y a pas besoin de bouquins pour ça…
          Mais y a besoin des gens et de la pratique de l’échange pour qu’une société elle crée du devenir et pas de la mort comme unique façon de se développer… Ouais y a besoin des gens en équilibre sur la piste de leur destin des gens heureux de vivre milieu de la nature comme des arbres de l’eau vive sur les cailloux comme de la neige qui fait pelote de laine par‑dessus les lauzes et qui ne bouzillent pas le monde parc’qu’ils ont pas l’envie de le dominer… Quand je pense à ça j’ai l’impression qu’y a deux sortes d’hommes dessus la terre… ceux qui sont du côté de la puissance et ceux qui sont du côté du pouvoir… La puissance c’est ce qu’on a en nous qui nous permet de créer de concevoir des utopies de réaliser des projets d’inventer de devenir ensemble et le pouvoir c’est ce qui cherche à aliéner et à dominer… 
          Les paysans de nos enfances ils avaient tout pour exprimer leur puissance et pour l’accomplir pareil que ceux de Giono ils travaillaient dans l’ordre du monde à faire de la vie et dans les villages africains aussi on faisait de la vie et on était riches de ça si on était pauvres de fric et de choses qu’on vend… Mes grands‑parents c’était des gens modestes qu’avaient toujours vécu dans un milieu citadin et aussitôt la retraite qui n’suffisait pas à grand-chose ils s’en sont retournés vers ce qu’ils connaissaient intuitif… une existence dans un village à la fois autonome et communautaire basée sur l’autosuffisance comme on pouvait l’entendre à l’époque… 
          Et c’était drôlement actuel ça a pas vieilli d’aucune façon. Leur quotidien était basé sur la non‑consommation dites la décroissance et sur la consommation des produits de proximité quasi uniquement… sur l’échange avec les paysans et les habitants du coin dites pratique solidaire et communautaire… sur le tri et la réutilisation des choses qu’on jette et qu’on trie systématiquement dites recyclage des déchets ménagers et récupération de tout ce qui peut être remis en piste… et enfin sur le partage avec les gens plus défavorisés… Toutes pratiques qui pour moi sont inséparables… Ouaouf ! Ouaouf !…

          Ce qui signifie dans la réalité que curieusement mon grand-père en plus d’une maison qui avait sur le devant un jardin rempli de fleurs et une tonnelle avec des murs à raisins et sur le derrière un potager où il cultivait aussi du raisin des pêches de vigne des prunes des groseilles des cassis et des fraises entourés de touffes de fleurs sauvages et d’herbes aromatiques… il avait acheté un verger quasi sauvage lui aussi situé à un kilomètre de là au milieu des vignes et de la campagne voisine.

Dans mon souvenir très vif car vous pensez si ça a été formateur pour mézigue vu que par un certain hasard poétique j’y ai passé trois années pleines de ma vie de môme des banlieues… tout ça donnait en abondance et mon grand8père qui y passait ses journées entières était plutôt le chef d’orchestre d’une sorte de paradis terrestre bienheureux qu’un paysan comme on l’entend à cette heure !

Bien sûr en dépit du fait que ma grand‑mère transformait les fruits en confitures et compotes les tomates en coulis… que le grenier s’arrondissait de pommes poires noix raisins la cave de pommes de terre d’endives et d’oignons on était débordés par cette manne généreusement nourricière offerte par les petits dieux païens de la terre qui permettait suggérait et alimentait la tendance à l’échange avec les paysans du village et les autres habitants.    
            Notre petit univers autogéré où chacun avait son recoin à lui et ses prérogatives qui allaient de pair avec des travaux de recyclage instinctifs et qui profitait à tous n'était pas une ferme du tout. Donc ni poules ni oeufs ni lapins ni chèvres ni lait et c'est là que l'échange communautaire fonctionnait sans qu'y ait à en causer à l'organiser à le planifier... Rien de rien... une anarchie paisible et un désordre cohérent qui avait éliminé de lui-même toute forme de pouvoir et qui se dépatouillait sans lois et sans maîtres... Avec des gens qui se sentaient probable très bien comme ça dans leurs pompes... Ouais l'anarchie hein ? Ce mot-là aujourd'hui je sais que c'est au coeur de ce petit univers fraternel que je l'ai appris sans le savoir...
          Alors à suivre... Ouaouf ! Ouaouf !...

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 23:38

La vie... une affaire de pauvres 

Epinay, mardi, 25 août 2009   

 

Sylvain ouvrier paysan 1890      

      Ouaouf ! Ouaouf ! Me fait bien rigoler l’ambiance qui transpire de ce paysage depuis un certain temps…

      Oh ! ça doit faire un bail que c’est dans l’air la couillonnerie de raconter que tout c’qui a du sens et qui fait du bien à notre univers si étroit d’humains… moi je les appelle des singes debout… si étroit qu’il est juste comme une petite bille de verre bleue vous voyez… ouais tout ce qui rend les ahuris qu’on est en train de devenir sans philosophes un peu humains un peu vrais capables de ne pas être fascinés que par leur petite histoire de gnomes consommateurs… c’est l’affaire d’une tribu de loufoques friqués et fainéants qu’on rien d’autre à penser de mieux et qui cultivent les utopies comme les
salades de leur petit jardin…

      En gros réfléchir c’est la réserve des rupins ou des artisses ( voir une des p’tites chroniques d’avant concernant cette espèce‑là… ) qui ont l’habitude et que ça amuse ou qui savent des tas de trucs trop compliqués à comprendre pour les autres… Comme si les autres et surtout les gens simples… vous moi quoi les gens nous autres hein ? on n’était pas concernés par rien…
      Ouaouf ! Ouaouf ! Vrai que ça fait un moment des tas d’années pourrissantes sans doute que les mollusques du raisonnement nous assomment de leurs convictions abstraites sur le sujet qu’est plein de terre dedans les mains mais faute de penseurs chroniqueurs pamphlétaires pour leur répondre et remettre les petites taupes qui nous aèrent le dessous des arpions à l’heure où on arrête tout on recommence faut bien que je m’y colle !
      Bref voilà… pas que je vous égare comme c’est ma façon de chienne des banlieues dans des considérations hors sol vu que le sujet il est vif et terreux bouseux qu’auraient dit probable mes ancêtres ouvriers paysans… et y a pas de raison de tourner autour du pot…
      Vrai qu’eux les ouvriers paysans du Nord ils avaient moins le goût de la palabre que les gens du Sud au pied des grands fromagers qui causaient de ce qu’y avait de bon pour la vie du village et de ses habitants avec les âmes des arbres géants des buffles blancs du fleuve quand il renaissait à ses eaux d’argile et des hautes termitières rouge sang…
      Oui c’est vrai sauf qu’eux aussi mes ancêtres et les vôtres tous ces peuples d’ouvriers et de âysans ils en avaient des intuitions à pleines paluches quand ils arrachaient les truches ( patates ) et qu’ils faisaient des tas d’oignons gros pareils que les maisons des fourmis énormes d’Afrique vu que c’était leur nourriture intégrale ce qui n’les empêchait pas d’avoir des désirs d’existence meilleure et des rêves qui allaient bien plus loin que les parois de la petite bille de verre bleue… Ouaouf ! Ouaouf !
      Et comme je ne crois pas à autre chose pour ce qui est de mes affaires de chienne des rues et des champs qu’à l’expérience qu’on vit chacun ( voir encore un article avant qui fait écho à ce qu’écrit Germaine Tillion dans le Monde Diplo… ) dès qu’on débarque trognons de choux sur le grand marché des marchandises ce qu’on est devenus à force de n’pas y prendre garde depuis un petit siècle au moins que ça se magouille cette façon‑là de se faire traiter alors je vais encore vous causer du bord de mon terrier où j’attends je guette je veille et il en sortira bien quelque chose hein ?…
      Ouais faut vous dire qu’y a rien qui me fait plus rigoler que le baratin qui nous malaxe les esgourdes parmi des tas d’autres à propos de ce que les tambourineurs de la com à tout crin appellent la culture bio et au sujet des gugusses pas plus fréquentables que les zyppies les zimmigris les zindividus incontrôlés les zautonomes marginaux rebelles and co… les zécologistes…
      Ici vous avez remarqué que c’est un territoire où quand on fourre des gens à l’intérieur d’un tiroir on est rassuré y reste plus qu’à boucler le tout solide on les tient ! Après y a un tas de façons de les faire intégrer le paquet des marchandises le terrible wagon en route sur les rails de l’avenir l’unique qu’est le même pour tous les singes debout le formidable rêve cauchemar des tarés chefs du zoo… ils y sont arrivés quasi y a plus que celui‑là le libéral… mais je m’égare encore… Ouaouf ! Ouaouf !
      Faut vous dire que moi comme les personnes qui écrivent un peu chaque jour les mots j’ai l’habitude et les appellations du genre : équitable avec commerce… durable avec consommation… ça me fait pareil que moral avec capitalisme et populaire avec parti… C’est que le sens qu’on donne à ce qu’on dit on peut lui faire subir le même enfumage de terrier que celui qu’on donne à ce qu’on fait c’est facile… y a qu’à s’y mettre sérieux avec les outils de pub qu’on a là aujourd’hui et les lascars qui sont prêts à monter la manigance moyennant quelque récompenses et voilà…
      Et s’il ne se trouve pas deux ou trois lurons qui reniflent l’arnaque et qui signalent l’entourloupe gyrophares rouges allumés sirènes à fond y a urgence ! eh bien on se retrouve faits comme des rats ou des lapins au fond du terrier.
      Donc pour continuer avec cette histoire de langue qu’est notre terrain vague quand même à nous autres les clébards des rues et des champs y a d’autres associations de mots qui me culbutent les esgourdes du genre : écolos avec bourgeois… et culture bio avec élite qu’a fait des études et qu’a les moyens de piger de quoi il retourne mais hors sol toujours…
      Alors là y a qu’à aller faire un tour du côté des petits pavs de banlieue et de leurs jardins à légumes de leurs arbres fruitiers face des hypermarchés à marchandises et à se balader milieu des tribus de jardins ouvriers qu’éclatent de partout plus que jamais pour piger que la réalité la nôtre elle résiste un peu au discours… celui des autres toujours !

      Ouaouf ! Ouaouf ! 
      Faut que je vous renseigne sur le comment et le pourquoi que l’affaire c’est pas d’hier qu’elle me concerne et probable que je n’suis pas la seule à la sentir comme ça parc’que les lascars qui ont le malheur et j’en fais partie d’avoir pris la cinquantaine dedans leur musette à fariboles ont la chance du hasard de se trouver pile et poils entre deux mondes… je vous en ai déjà causé… Sûr c’est un truc qui s’est produit avant nous des tas de fois et d’autres manières comme justement de l’époque de nos vieux en 1870 qui se trouvaient contraints d’être tantôt paysans tantôt ouvriers pour raison du passage à un monde plus “ moderne ” qui les exploitait déjà à donf…
      Mais comme nous autres les singes debout on a du mal à mettre les images du film bout à bout et à faire défiler la bobine alors on prend l’affaire par morceaux obligé hein ? Donc nous les natifs des années 50‑60 pour ceux qu’ont eu le bonheur… un autre encore… de voyager tout p’tits entre leur cité de banlieue et la cambrousse qu’était encore sacrément vigoureuse avant que le béton et le bitume dessus leur soude les panards définitif du côté des blocks des tours des barres où les poules ne pondent pas d’œufs et où le tas de fumier… non c’est compost qu’on dit aujourd’hui… est une immonde décharge de déchets qui pue… ceux qu’on voyagé ont connu les rivières pleines de p’tits poissons rigolos d’écrevisses qui pincent quand on les chope à la main les fruits sauvages et sucrés plein les chemins les jardins bourrés d’abeilles d’hérissons d’orties de mauvaises herbes les terriers les lapins les renards et tout ça ! 
      Et tout ça fonctionnait et nous avec dans une sorte de complicité tranquille qu’avait figurez‑vous du sens… Ouaouf ! Ouaouf !
      Ce qui fait que nous autres les mômes voyageurs d’après la guerre quand on retournait direction de nos cités de banlieue nos faubourgs déjà un peu hard malgré toutes les friches qui les protégeaient encore on avait de la terre plein nos poches du soleil au fond de nos oreilles des ruisseaux et du vent dans nos chaussettes… on ne poussait pas hors‑sol quoi ! Ouais nous les mômes de milieux ouvriers de familles modestes on était parfaitement au parfum que la terre elle a son rythme à elle et qu’on est comme étaient nos ancêtres paysans la charrue aux paluches pas plus pas moins là pour se glisser dedans léger léger… Le danger de vouloir changer le rythme on le connaissait je crois intuitivement et d’expérience et d’héritage on avait appris à le respecter et à l’intérieur de ce grand ensemble mouvant vivant qui avait un équilibre et un sens on avait nous autres notre place… Ouaouf ! Ouaouf !
      Entre deux mondes ouais j’y ai toujours été et c’est une des choses qui m’a faite telle que je suis toujours en train de regarder ailleurs loin au large… Bon c’est vrai qu’y a l’atavisme de mes ancêtres encore eux mais du côté des marins bretons cette fois qui n’se sont pas contentés de leur bout de terre et qu’ont rapporté d’ailleurs d’autres façons mais reliées elles aussi à la grande demeure cosmique… Et quand on bourlingue un peu entre les mondes des villes et des campagnes… des nantis et des plus pauvres… des prétendus cultivés et des gens du savoir‑faire… on pige à mesure qu’on farfouille de ci de là que le respect de ce qui est vivant c’est pas une affaire de tiroirs de clans ou de hiérarchie sociale… plutôt un truc du genre héritage d’intuitions et expérimentation sur l’terrain si vous voyez ? 
      Et pour en avoir la suite et l’odeur du terrain eh bien vous il faudra que vous attendiez demain et voilà… Ouaouf ! Ouaouf !…
Mains de paysan et d'ouvrier Sylvain

Partager cet article
Repost0